Marathon de Saint-Louis 1904 : la plus étrange course de l'histoire olympique

Les Jeux Olympiques regorgent de champions, de records et de merveilleuses histoires mais le plus grand événement sportif du monde a également été le théâtre de scènes très originales, étranges, émouvantes, tristes ou cocasses. Chaque semaine, nous vous sortons des archives l’une de nos meilleures histoires. Aujourd’hui : l'improbable marathon olympique de Saint-Louis 1904.

1904 marathon
(© 1904 / Comité International Olympique (CIO))

Le contexte

Par où commencer cette histoire olympique si étrange ?

Le marathon olympique de Saint-Louis de 1904 n'est pas une histoire d'athlétisme : c'est l'aboutissement d'un étonnant mélange d'événements qui ont produit l'une des courses les plus étranges jamais courues.

La course à pied n'a pas été le seul moyen de se déplacer lors de cette course.

Le contexte de la course aurait peut-être dû donner une idée des événements étranges à venir, car les Jeux Olympiques de Saint-Louis, aux États-Unis, étaient peu conventionnels dans tous les sens du terme.

Les premiers Jeux américains ont eu lieu en même temps que l'exposition universelle et, de ce fait, n'avaient pas la grandeur unique dont avaient bénéficié les Jeux du nouveau siècle à Paris 1900, où les premiers Jeux Olympiques modernes d'Athènes, quatre ans plus tôt.

Parmi les coureurs qui étaient sur la ligne de départ du marathon, une poignée avait déjà couru le marathon de Boston. Mais la plupart des participants étaient un mélange de spécialistes du demi-fond ou de coureurs de fond qui n'avaient jamais rien tenté de tel dans leur vie auparavant.

L'un des coureurs, le Cubain Félix Carvajal, est arrivé prêt à courir, vêtu d'un long pantalon, d'une chemise blanche et de chaussures de marche. Se sentant désolé pour lui, un autre concurrent a coupé son pantalon au niveau des genoux pour lui faciliter la course.

Deux des concurrents, Len Taunyane et Jan Mashiani, étaient des membres de la tribu Tswana d'Afrique du Sud qui se trouvaient à Saint-Louis grâce à l'exposition universelle. L'importance historique de leur participation était passée inaperçue à l'époque, mais ils sont devenus les premiers Africains noirs à participer aux Jeux Olympiques modernes.

(© 1904 / Comite International Olympique (CIO) - Tous droits réservés.)

La course

La course a commencé sous une chaleur étouffante, sur une piste non pavée et poussiéreuse, rendant la respiration des athlètes difficile lors de la traversée des plaines du Missouri.

Et pour compliquer la tâche, il n'y avait qu'un seul point d'eau disponible pour toute la course : un puit en bord de route aux abords du 20e km.

Les 32 participants ont pris le départ de la course dans l'après-midi, mais en fin de journée, seuls 14 d'entre eux l'ont terminée, le nombre le plus bas de l'histoire olympique.

Ce n'était pas une surprise. L'athlète gagnant dira plus tard : « Ces terribles collines mettent tout simplement un homme en pièces. »

Le premier athlète à franchir la ligne d'arrivée est Fred Lorz, un coureur américain qui remportera le marathon de Boston un an plus tard.

Mais ça n'a pas été aussi simple.

Alors qu'il était sur le point de recevoir sa médaille de la part de la fille du président américain, Alice Roosevelt, un membre du public a demandé l'arrêt du processus en affirmant que Lorz était un « imposteur. »

Plus tard, il s'est avéré qu'au 15e kilomètre, Lorz avait commencé à avoir des crampes, puis il est monté dans une voiture pendant les 17 km suivants. Il a ensuite sauté de la voiture et couru jusqu'à la ligne d'arrivée où il a pu profiter de la victoire. Lorz continuera à affirmer qu'il n'a terminé la course que pour « plaisanter » et qu'il n'a jamais eu l'intention de poursuivre cette mascarade.

Parmi les autres coureurs, le Cubain Félix Carvajal courait à un rythme raisonnable quand la faim l'a obligé à s'arrêter dans un verger pour manger quelques pommes. Malheureusement pour lui, les pommes n'étaient pas si comestible et les crampes d'estomac l'ont fait s'allonger sur le bord de la route, en profitant même pour faire une sieste.

Il a tout de même finit 4e.

Le Californien William Garcia a lui aussi succombé aux conditions insoutenables de la course. Initialement en tête, il a avalé tellement de poussière sur ces routes de campagne qu'il a subi une hémorragie gastrique quasi fatale.

Le Sud-africain Taunyane en revanche, qui s'était révélé être un coureur talentueux, était bien placé jusqu'à ce qu'une meute de chiens sauvages le poursuive sur plus d'un kilomètre. Le coureur a terminé neuvième sur les 14 finishers.

La course a finalement été remportée par l'Américain Thomas Hicks dans ce qui a été le temps le plus lent de l'histoire olympique : 3 heures 28 minutes et 53 secondes. Mais même la course de Hicks était loin d'être conventionnelle.

Après avoir été aidé par ses entraîneurs à différents points du parcours, Hicks s'est finalement imposé sur la ligne d'arrivée.

Charles Lucas, un officiel de la course, a dit ceci à propos des trois derniers kilomètres :

« Ses yeux étaient ternes, sans éclat ; la couleur cendrée de son visage et de sa peau s'était accentuée ; ses bras apparaissaient comme des poids attachés à son corps ; il pouvait à peine lever les jambes, ses genoux étaient presque raides. »

Finalement, épuisé et avec quelques kilomètres à parcourir, ses entraîneurs ont conduit Hicks jusqu'à la ligne d'arrivée, étant obligés de l'aider à bouger ses jambes et à se déplacer.

Une fin appropriée à une course que nous ne sommes pas prêts de revoir.

(© 1904 / Comité International Olympique (CIO))

La suite de l'histoire

Le marathon de Saint-Louis a été tellement controversé que l'événement a presque été supprimé du programme olympique des Jeux suivants.

Le directeur des Jeux Olympiques de 1904, James Sullivan, a déclaré qu'une course de cette distance était « indéfendable sur n'importe quel terrain ».

Lorz, qui avait entrepris de « gagner » à Saint-Louis, a été suspendu à vie pour son comportement, une punition qui a été annulée à temps pour qu'il puisse gagner le marathon de Boston un an plus tard.

Le Cubain Carvajal a obtenu le soutien du gouvernement grec pour courir le marathon d'Athènes en 1906. Mais il n'a pas pris le départ de la course, et les journaux de son pays d'origine l'ont proclamé mort. Un an plus tard, il est arrivé sain et sauf à La Havane ; ses allées et venues au cours de l'année précédente sont restées un mystère complet.

Le vainqueur de la course, Hicks, a continué à courir des marathons pendant les cinq années suivantes avant de déménager à Winnipeg, au Canada, avec ses deux frères.

Mais aucun de ces coureurs n'a jamais vécu une course aussi absurde que le marathon olympique de Saint-Louis 1904.

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