Les athlètes réfugiés s'investissent auprès de leur communauté d'accueil
Alors qu'ils tentent de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 reportés à 2021, bon nombre des 51 athlètes réfugiés boursiers de la Solidarité Olympique conjuguent programmes d'entraînement intensif et initiatives destinées à s'investir auprès de leur communauté d'accueil et à aider d'autres réfugiés à surmonter les difficultés dues à la pandémie de COVID-19. Gros plan sur quatre projets inspirants qui montrent aux réfugiés ce qu'il est possible de faire.
Yusra Mardini : initier les réfugiés à la natation
La nageuse, qui a été un symbole d'espoir pour des millions de personnes aux Jeux Olympiques de Rio 2016 en tant que membre de la première équipe olympique des réfugiés, continue de s'entraîner en Allemagne dans l'espoir de participer à ses deuxièmes Jeux à Tokyo.
Extrêmement reconnaissante au pays qui l'accueille, Yusra a récemment organisé à Berlin, avec le concours de son ancien entraîneur Sven Spannekreb, le "camp de natation Yusra Mardini" auquel ont participé, sur deux semaines, 30 jeunes réfugiés. Bon nombre des enfants âgés de 5 à 11 ans découvraient pour la première fois la natation, avec prudence pour certains par crainte de l'eau.
"Leurs parents ont dû s'adapter à une vie totalement différente lorsqu'ils sont arrivés à Berlin ; le sport n'est certainement pas la première chose à laquelle une mère ou un père pense lorsqu'il faut se frayer un chemin à travers l'inconnu", explique Yusra. "C'est pourquoi nous avons eu l'idée de proposer un projet à la portée de tous qui permet à ces enfants de s'initier à la pratique sportive. Savoir nager est important ; j'espère avoir réussi à enseigner la natation à ces enfants – certains se sont peut-être même découvert une nouvelle passion, comme la natation l'est pour moi."
Nombreux sont les jeunes participants qui avaient eux aussi des histoires émouvantes à raconter sur leur quête d'asile, comme Yusra avant eux.
"Nous avons beaucoup en commun", confie la jeune femme. "On m'a offert de nombreuses opportunités que peu de réfugiés ont, mais je n'oublierai jamais que moi aussi, j'ai été contrainte de quitter mon pays pour me bâtir une nouvelle vie en Allemagne. Je m'en souviendrai toujours et je m'efforcerai de donner en retour à chaque fois que je le pourrai."
Farid Walizadeh : montrer l'exemple
Le jeune boxeur âgé de 22 ans est venu à bout d'un parcours semé d'embûches entre l'Afghanistan et le Portugal qui l'a conduit d'un orphelinat à un centre de réfugiés en passant par la prison, ainsi qu'il l'a lui-même raconté à olympic.org en début d'année. Il partage aujourd'hui son histoire avec d'autres réfugiés en leur expliquant comment le sport peut changer des vies.
Lors d'une rencontre organisée par le Comité National Olympique du Portugal, Farid s'est entretenu avec de jeunes réfugiés qui venaient d'arriver dans le pays, comme lui sept ans auparavant, après avoir séjourné dans des camps en Grèce. Les 25 mineurs non accompagnés étaient tous originaires d'Afghanistan, d'Égypte ou d'Iran et avaient entre 15 et 17 ans ; Farid leur a expliqué comment l'adversité qu'ils ont connue pouvait les rendre plus forts et les aider à poursuivre leurs rêves.
"Lorsque l'on m'a demandé de parler de mon passé, je me suis rappelé combien il était difficile d'être un réfugié à un si jeune âge et à quel point je me suis senti perdu de ne pas savoir ce qui m'attendait," confie-t-il. "Lorsque je vivais dans le camp de réfugiés, je me souviens parfaitement qu'en dépit de l'espoir et de la conviction que ma vie allait changer, je n'avais rien, absolument rien."
Farid a insisté sur le fait que le sport – et dans son cas précis, la boxe – pouvait développer la confiance en soi et aider à surmonter les frustrations quotidiennes ; il a également rappelé l'importance d'apprendre le portugais pour réussir à s'intégrer dans son pays d'accueil, ce qui lui a permis pour sa part d'étudier l'architecture dans une université à Lisbonne.
Comme il le dit lui-même : "Mon conseil est simple : essayez de ne pas perdre espoir et faites de votre mieux pour apprendre la langue et la culture du pays qui vous accueille, car cela vous aidera à vous sentir chez vous. Travaillez aussi dur que vous le pouvez ; votre avenir est entre vos mains."
Aker Al Obaidi : s'entraîner avec des jeunes de la région
Le sport a aussi joué un rôle clé dans l'intégration d'Aker Al Obaidi, un réfugié iraquien qui vit depuis 2016 dans un petit village de montagne au Tyrol, en Autriche. Aker s'est lancé à corps perdu dans l'aventure que lui permet de vivre le club de lutte Ringer Sport Club Inzing où il s'entraîne sept fois par semaine, à la poursuite de son rêve olympique. Cette année, il a également trouvé le temps d'entraîner des enfants de la région.
"Je ne suis pas vraiment chargé de l'entraînement dans notre club", explique-t-il. "Mais je m'entraîne avec les enfants et j'aide les entraîneurs en montrant aux plus jeunes quelques techniques."
S'investir auprès de la communauté locale a été pour Aker une expérience positive qui l'aide à gérer et surmonter les difficultés qu'il a rencontrées lors de son parcours.
"Les enfants aiment s'entraîner avec les grands comme moi", précise-t-il. "Je suis heureux de voir la joie dans leurs yeux quand ils font du sport ; cela me motive d'assister à l'éclosion de ces jeunes talents. Voir ces enfants me regarder comme une superstar me donne encore plus l'envie de tout donner."
Amir Al-Awad : l'intégration par la lutte
Un autre lutteur, Amir Al-Awad, a lui aussi une influence sur la communauté qui l'a accueilli à Alexandrie, en Égypte, où, en plus de son travail dans un restaurant et de son entraînement pour Tokyo 2020, il dirige sa propre académie.
L'Académie syrienne du sport, qui a reçu des fonds du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), aide la communauté disparate des réfugiés à Alexandrie à s'intégrer en proposant des cours de kickboxing, taekwondo, karaté, gymnastique, auto-défense, zumba et lutte.
Amir a notamment à cœur d'insuffler l'amour du sport aux jeunes réfugiés afin qu'ils puissent développer leur confiance en eux et leur estime de soi ; il anime, le soir, des cours qui rassemblent jusqu'à 20 enfants par session.
"Le plus gratifiant dans le fait de donner en retour aux jeunes réfugiés est de voir le bonheur illuminer leur visage – notamment le visage de ceux qui ont connu la guerre dans leur pays," confie Amir.
"Ils ne sont pas responsables de ce qui est arrivé, ils n'ont pas choisi de vivre dans des pays en guerre. Alors les voir heureux est ce qu'il y a de plus valorisant à mes yeux."