Le héros de Barcelone Derek Redmond explique comment développer un esprit gagnant
Passer un moment en compagnie de Derek Redmond est une expérience particulièrement enrichissante. Pendant 90 minutes, le coureur de 400 m qui a participé à deux éditions des Jeux Olympiques aborde l'excellence sportive, ses crève-cœurs, sa faillite, mais souligne aussi les leçons qu'il en a tirées sur l'importance de croire en soi, de rompre avec les conventions et de ne jamais baisser les bras. Celui qui incarnera à jamais l'esprit olympique est un hôte formidable, qui anime avec brio une des nouvelles expériences olympiques et paralympiques en ligne.
Si vous souhaitez participer aux expériences en ligne olympiennes et paralympiennes organisées virtuellement par certains des meilleurs athlètes du monde, visitez la page du Festival. Il y a beaucoup d'athlètes, comme Matthew Mitcham, Lucy Shuker, David Hill, Adam Kellerman, Sakura Kokumai ou Pita Taufatofua, tous vous attendent pour découvrir leurs incroyables talents et histoires.
"Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements."
"J'utilise cette citation tout le temps", explique Derek Redmond aux participants de la conférence Zoom, tous désireux de savoir comment adopter l'état d'esprit d'un gagnant. Il s’agit d'une citation souvent attribuée au naturaliste du XIXe siècle Charles Darwin, auquel le célèbre coureur de 400 m britannique voue une admiration sans bornes. En y réfléchissant, elle aurait aussi bien pu avoir été écrite en 2020 par Derek Redmond lui-même.
À 54 ans, Derek Redmond fait effectivement preuve d'une capacité d'adaptation exemplaire. Pendant une heure et demie, l'ancien athlète revient sur les étapes qui ont marqué sa vie jusqu'à aujourd'hui : ses médailles, les nombreux sports dans lesquels il s'est enrôlé, ses succès financiers et ses terribles échecs, et enfin sa reconversion en tant que gourou d'entreprise.
"Il faut s'affranchir de la normalité, affirme Derek. Je n'aime pas dire qu'il faut sortir de votre zone de confort, car cela sous-entend que tous vos efforts seront justement réalisés en dehors de cette zone et que vous retournerez ensuite dans votre bulle. Je préfère voir les choses sous un autre angle : vous ne sortez pas de votre zone de confort, mais vous l'élargissez."
De fait, l'ancien champion d'Europe et du monde a à cœur d'assurer la réussite de tous. Heureusement, après des années à parcourir le monde en tant que coach d'entreprise et conférencier en motivation, c'est un domaine dans lequel il excelle.
"Comme je le dis toujours, nous parvenons tous à des carrefours à un certain point de notre vie, explique-t-il. Imaginez que vous soyez au volant d'une voiture. Derrière vous, la circulation est complètement bloquée. Vous arrivez à un croisement où vous pouvez tourner soit à gauche, soit à droite. Vous ne pouvez pas aller tout droit car vous dégringoleriez du haut d'une falaise et vous ne pouvez pas reculer car la route est bloquée par les voitures derrière vous.
Nous devons tous prendre des décisions à un moment ou un autre de notre vie et quel que soit votre choix, le plus important est d'avoir confiance en soi et de foncer. Derek Redmond - Derek Redmond
Naturellement, la majeure partie du public de Derek Redmond se compose de fervents amateurs de sport et le fait qu'il puisse ponctuer son discours d'exemples réels illustrant sa propre approche de sa carrière sportive d'élite ne manque pas de faire mouche.
C'est en 1984 que Derek Redmond parvient à son premier "carrefour". À l'époque, il a failli faire partie de l'équipe britannique des Jeux Olympiques de Los Angeles, malgré le fait qu'il n'était alors qu'un jeune athlète inconnu qui passait tout son temps à jouer au rugby, au basket et au foot. Bien qu'il soit revenu plus tard à ces premiers amours sportifs, Derek Redmond a choisi de se consacrer avant tout à l'athlétisme.
Et sa carrière a d'ailleurs démarré sur les chapeaux de roue. Fin 1985, il s'était déjà hissé de la sixième place de Grande-Bretagne au cinquième rang mondial. Malheureusement, c'est alors qu'il a connu le premier de ses nombreux revers, qu'il semble pourtant avoir tous transformés en leçons de positivité.
"Si j'ai continué à aller de l'avant dans les périodes difficiles, c'est parce que j'étais convaincu que tant que je restais sain, je pourrais devenir le meilleur au monde", raconte Derek, qui a subi "six ou sept interventions chirurgicales" entre les saisons 1985 et 1986.
"Quel que soit votre rêve, qu'il soit modeste ou follement ambitieux, il faut y croire à 100 % et avoir confiance en votre capacité à le réaliser. Si vous n'avez pas cette conviction, cette passion qui vous pousse à l'atteindre, je pense que vous devriez vous demander si vous ne courez après le mauvais rêve."
Pour Derek Redmond, les Championnats du monde de 1991 ont marqué un tournant. Malgré un score décevant lors des épreuves individuelles, lui et ses coéquipiers Roger Black, John Regis et Kriss Akabusi ont, contre toute attente, vaincu les États-Unis au relais 4 x 400 m. Sur le papier, l'équipe américaine avait plus de trois secondes d'avance sur les britanniques, mais c'était sans compter l'esprit novateur et la conviction inébranlable de Derek Redmond et de ses compagnons.
Derek Redmond raconte comment ils ont brisé les conventions : "Notre entraîneur pensait que c'était de la folie de faire courir Roger en premier et Kriss en dernier. J'aurais dû lui répondre : 'Les folies d'aujourd'hui font les normes de demain'."
Avant cette course, les relais 400 m avaient toujours placé le coureur le plus rapide en conclusion et le deuxième plus rapide à la sortie des blocs, mais Kriss Akabusi, qui venait de remporter une médaille de bronze inattendue au 400 m haies, a demandé à ses compagnons de lui passer le relais à "10 mètres" du nouveau champion du monde américain, Antonio Pettigrew, en assurant qu'il "rapporterait l'or".
Bien sûr, les spectateurs de Derek Redmond sont impatients de l'entendre parler de l'épreuve de Barcelone 1992, dont les images ont été vues plus de 300 millions de fois sur Internet, et l'excitation sur Zoom est à son comble lorsque le moment tant attendu arrive.
L'athlète laisse d'ailleurs la vidéo parler pour lui et nous assistons tous au moment où il s'écroule lors de la demi-finale du 400 m hommes. Bravant la douleur, il franchit la ligne d'arrivée à cloche-pied, appuyé sur l'épaule de son père et le visage plein de larmes, encouragé par des acclamations assourdissantes.
"Je vais vous confier pourquoi je me suis relevé et j'ai terminé la course", explique Derek à son public. "Quatre ans auparavant, je me suis déchiré le tendon d'Achille pendant l'échauffement et je n'étais pas prêt à laisser les Jeux Olympiques remporter la partie. J'avais l'impression que les Jeux de 1988 avaient eu le dessus, mais que si je me relevais et que je terminais la course, j'aurais la satisfaction d'être parvenu en demi-finale pour le reste de ma vie, même si j'en suis sorti K.O. Par contre, le fait d'abandonner me paraissait insurmontable."
Derek reconnaît toutefois que, bien que cette épreuve ait largement contribué au succès de sa carrière actuelle, il ne "s'en est jamais remis" et reste profondément "frustré" par la tournure des évènements. Pourtant, cet athlète infatigable a transformé le "pire jour de sa vie" en opportunité.
Après sept interventions chirurgicales et sept tentatives de se remettre en piste, Derek Redmond a fini par se résigner à accepter les recommandations de son médecin et s'est retiré de l'athlétisme. En revanche, hors de question pour lui de renoncer à représenter son pays. Moins de trois ans plus tard, il envoie à son médecin une photo dédicacée qui le montre jouant au basketball sous les couleurs de l'Angleterre.
Il passe ensuite semi-pro en rugby et a même décroché un titre national en endurance moto et en kickboxing. Loin des feux de la scène sportive, il s'est remis de sa faillite et donne aujourd'hui des conseils aux entreprises du monde entier.
Il n'est donc pas étonnant qu'un participant, enchanté, ait applaudi cette "formidable" expérience, en affirmant qu'elle l'a "inspiré à se dépasser en cette période difficile".