La femme qui a entraîné l'équipe coréenne unifiée de hockey sur glace, symbole de paix et d'espoir

Sous la houlette de Sarah Murray, l'équipe féminine coréenne unifiée de hockey sur glace a retenu, à travers la dimension politique qu'elle a véhiculée, l'attention du monde entier lors des Jeux Olympiques d'hiver de PyeongChang 2018.

La femme qui a entraîné l'équipe coréenne unifiée de hockey sur glace, symbole de paix et d'espoir

L'équipe féminine coréenne unifiée de hockey sur glace de PyeongChang 2018 a été en tous points remarquable, se distinguant à plus d'un titre.

Si une seule des huit équipes féminines de hockey sur glace en lice à Sotchi en 2014 était entraînée par une femme (les États-Unis), ce chiffre est passé à trois à PyeongChang quatre ans plus tard, avec la Corée (le pays hôte), le Canada et la Suisse. Sous les feux des projecteurs, avec pour mission de réunir des joueuses originaires des deux côtés de l'une des frontières les plus politisées du monde, se trouvait Sarah Murray, alors âgée de 29 ans.

Composée de 23 joueuses sud-coréennes et de 12 joueuses nord-coréennes, l'équipe unifiée a relevé le défi qui l'attendait : affronter l'élite mondiale du hockey sur glace féminin. Sarah Murray était en train de prendre son petit-déjeuner dans sa cuisine lorsque son téléphone sonna. Elle avait 26 ans et n'avait pas la moindre expérience en matière d'entraînement.

"Je me suis dit, 'quoi ?' et je suis immédiatement allée sur Wikipédia faire des recherches”, explique la jeune femme.

Que cette Américano-Canadienne accepte de se lancer dans l'aventure n'était guère surprenant toutefois : son père, Andy Murray, a entraîné l'équipe masculine canadienne, l'aidant à remporter deux médailles d'or aux Championnats du monde, ainsi que de nombreux clubs de NHL (la Ligue de hockey sur glace nord-américaine). Sarah a donc joué au hockey sur glace dès son plus âge, décrochant par la suite deux titres universitaires aux États-Unis et évoluant chez les professionnels en Suisse. Pour rappel, les femmes ne représentent que 10 % en moyenne des entraîneurs accrédités aux Jeux Olympiques.

Nous étions en 2014 et la République de Corée cherchait un entraîneur pour son équipe féminine en vue des Jeux Olympiques qui devaient se tenir sur son sol. Au lieu de retourner en Suisse pour poursuivre sa carrière de joueuse, Sarah Murray a donc opté pour l'entraînement et un déménagement à Séoul. Son père, fort de son expérience, est rapidement devenu son mentor par téléphone.

"C'est drôle, se rappelle Sarah. Quand je jouais, je ne voulais pas de ses conseils ; depuis que je suis entraîneur, je suis ouverte à toutes ses remarques, y compris ses critiques. C'est fantastique. Je l'entends dans ma tête. J'entends les phrases qu'il me répétait encore et encore. Maintenant c'est moi qui les dis. Et je me dis : 'mon dieu, je suis comme mon père'."

Quelques semaines avant l'ouverture des Jeux de PyeongChang, la décision fut prise d'intégrer des joueuses de la République populaire démocratique de Corée dans l'équipe entrainée par Sarah Murray. Malgré des sentiments partagés au départ à propos de ce changement soudain qui ferait de leur équipe l'une des plus importantes des Jeux, Sarah et ses joueuses se sont résolues à tirer le meilleur parti de la situation.

Ainsi que la jeune femme le confiait deux jours avant le début de la compétition, "la constitution de cette équipe était une déclaration politique en quelque sorte, mais maintenant l'équipe est formée et nous ne faisons qu'un".

Elle s'est vite rendu compte que toutes les joueuses, originaires de pays certes divisés mais voisins, avaient beaucoup plus en commun qu'elle ne le pensait.

"Au début, c'était un peu compliqué, mais une fois que nous avons commencé à jouer ensemble comme une équipe, une franche camaraderie s'est installée ; nous n'étions plus que des êtres humains", dira-t-elle plus tard.

Unis par un même objectif – la compétition, les deux groupes n'en ont plus formé qu'un et la vie loin de la patinoire a encore plus rapproché les joueuses : entre les séances d'entraînement et les rencontres, elles vivaient, mangeaient et riaient toutes ensemble.

"Les Sud-Coréennes ont aidé les Nord-Coréennes. Elles s'asseyaient avec elles pour leur apprendre. Après deux jours, les joueuses nord-coréennes en savaient plus que leurs coéquipières du Sud. Elles ont travaillé dur. C'est grâce aux joueuses si tout a bien fonctionné. Je ne pensais pas qu'elles seraient comme nos joueuses. Mais quand vous les voyez prendre leur déjeuner ensemble, il est impossible de dire qui vient du Sud et qui vient du Nord. Elles sont toutes pareilles."

Même si l'équipe a perdu ses cinq matches et fini dernière du tournoi olympique, elle est parvenue à diffuser un message de paix, d'unité et d'espoir au-delà de la péninsule coréenne. La participation de Sarah Murray a également enseigné autre chose : qu'une jeune femme âgée d'une vingtaine d'années pouvait occuper, aux Jeux, l'un des rôles d'entraîneur les plus complexes qui soient.

"Lorsque l'on m'a confié l'entraînement de l'équipe unifiée mise sur pied juste avant les Jeux, avec toute la charge politique que cela représentait, je ne savais pas comment j'allais fédérer les joueuses", a déclaré Sarah Murray en versant une larme à la fin du tout dernier match de son équipe. "Je n'ai fait aucune différence entre les joueuses des Corées du Sud et du Nord et les joueuses m'ont fait confiance. Ce sont les joueuses les véritables héroïnes."

Il ne fait aucun doute néanmoins que Sarah Murray est elle aussi une source d'inspiration.

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