Gymnastique artistique : Émotion, ambitions, Los Angeles 2028… Kaylia Nemour se confie dans un entretien exclusif

Par Céline Penicaud et Nicolas Kohlhuber
6 min|
Kaylia Nemour
Photo de AFP or licensors

Après son sacre aux barres asymétriques des Jeux Olympiques de Paris 2024, Kaylia Nemour s’est confiée sur son ressenti, sa performance historique et ses ambitions dans un entretien exclusif accordé à Olympics.com.

L’Algérienne de 17 ans peine à se remettre de ses émotions après être montée sur la plus haute marche du podium à l’Arena Bercy. « Je ne réalise pas encore tout à fait. Je commence un petit peu plus, mais je n’y crois toujours pas que j’ai réalisé le rêve de ma vie sportive. J’ai l’impression qu’il y a encore toujours plus. Mais c’est juste fou », décrit-elle.

Et l’émotion est à la hauteur de ses attentes. Baignée dans le milieu de la gymnastique artistique depuis ses 10 ans, Kaylia Nemour n’a jamais perdu de vue son rêve olympique.

« J’ai envisagé de faire les Jeux Olympiques sérieusement à partir de 2020. Et j’ai vraiment envisagé d’avoir cette médaille à partir des Championnats du monde de 2023 », explique-t-elle.

« Déjà aux Championnats d’Afrique j’ai fait mon nouvel élément et j’ai sorti une très belle note, c’est là que je me suis dit ‘waouh, ça fait deux fois que je fais une note au-dessus de 15, là ça commence à taper haut’. Ensuite j’ai gagné la médaille d’argent aux Championnats du monde, à quelques dixièmes de la médaille d’or, et là je me suis dit que c’était possible. »

Émotion pour ses premiers Jeux Olympiques, fierté d’avoir marqué l'histoire du sport africain, objectifs pour Los Angeles 2028… Kaylia Nemour se livre à notre micro.

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Du stress des qualifications au don de son justaucorps devenu emblématique

L’aventure de Kaylia Nemour à Paris 2024 a débuté une semaine avant le début des qualifications des épreuves de gymnastique artistique, à son arrivée au village des athlètes. Trop occupée à s’entraîner jour et soir, la jeune gymnaste n’a « pas trop eu le temps de visiter le village », se souvient-elle. « J’étais assez stressée avant les qualifications parce que je ne savais pas trop à quoi m’attendre. »

Un sentiment qui contraste avec son entrée en lice. « Quand j’étais sur la compétition même, c’était quand même un petit peu moins impressionnant que ce que je pensais. Quand j’étais petite je voyais vraiment les Jeux comme un truc de malade. C’est vrai que c’est fou, mais je me disais quand même que j’étais à ma place », raconte-t-elle.

Les qualifications se passent bien, et l’Algérienne a rendez-vous le 4 août pour la grande finale des barres asymétriques à l’Arena Bercy. De quoi faire remonter encore un peu plus la pression.

« C’était très stressant cette finale. Surtout que je suis passée derrière la gymnaste de République populaire de Chine (Qiu Qiyuan) qui avait fait un très bon score. Mais mes entraîneurs m’ont bien entraînée pour ça, inconsciemment mon corps s’est dit qu’il fallait qu’il fasse le mouvement de sa vie, et j’ai réussi à le sortir au bon moment au bon endroit », se réjouit-elle.

« Plus je prends du recul et plus je me dis que ce ne sont que deux dixièmes qui nous séparent avec la Chinoise. Donc si j’avais juste fait une faute de plus… J’ai vraiment sorti le bon mouvement au bon moment, c’est fou », insiste-t-elle.

Cette performance quasi parfaite lui permet de décrocher une médaille d’or pour sa première participation aux Jeux Olympiques et donc d’entrer dans la grande histoire des JO. Pour marquer le coup, Kaylia Nemour a fait don de son justaucorps au Musée olympique.

« C’est beau et je suis très contente et honorée de transmettre mon justaucorps au musée, c’est incroyable », s’émeut-elle.

Kaylia Nemour, la fierté de marquer tout un continent de son empreinte

En plus d’inscrire son nom au palmarès olympique, Kaylia Nemour devient la première gymnaste algérienne et même africaine à décrocher une médaille aux JO. « C’est surréaliste, je ne me rends pas compte que c’est moi qui ai fait ça la première, je suis très fière », explique-t-elle.

Âgée de seulement 17 ans, celle qui considère avoir « une gymnastique assez mature » a conscience d’avoir un rôle de pionnière et de pouvoir influencer les jeunes Africains.

« Je pense que je donne envie aux petites filles qui me voient tous les jours sur les vidéos et les compétitions, et je suis contente de leur transmettre ma passion à travers ma gym », déclare-t-elle.

Et elle tient à adresser un message au peuple algérien qui l’a portée au sommet de l’Olympe.

« Je remercie vraiment les Algériens de tout le soutien qu’ils m’apportent chaque jour. Ça fait maintenant deux ou trois ans que je matche pour l’Algérie. Ils m’ont soutenue du début jusqu’à la fin. Je l’ai beaucoup ressenti pendant la finale, il y avait beaucoup d’Algériens dans les gradins. Ils m’ont soutenue. Ça me fait vraiment chaud au cœur et je suis très contente d’avoir ce soutien au quotidien », s’exalte-t-elle.

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Des ambitions toujours plus grandes pour Los Angeles 2028

Impressionnante à son âge, Kaylia Nemour ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Si elle reconnaît avoir besoin d’un peu de repos après ces Jeux Olympiques de Paris 2024, elle souhaite se remettre rapidement au travail pour préparer l’avenir.

« Je vais repartir à l’entraînement, continuer les compétitions pour mon club et pour l’Algérie, en espérant aller jusqu’en 2028. C’est l’objectif de repartir sur un cycle olympique », admet-elle.

Et elle vise encore plus haut que le sacre olympique aux barres asymétriques pour Los Angeles 2028. « La poutre j’aurais pu la jouer, je n’ai pas su faire ce qu’il fallait à ces Jeux Olympiques, mais je peux jouer quelque chose à la poutre et au concours général aussi », développe-t-elle.

Cinquième du concours général de Paris 2024, la gymnaste algérienne a montré des bases solides qu’elle tend à peaufiner.

« On s’est battu la troisième place à trois ou quatre gymnastes donc je pense que je peux le faire. J’ai encore quatre ans pour me perfectionner et j’aurai l’expérience des premiers Jeux Olympiques, donc j’espère que ça ira mieux », précise-t-elle.

Et pour se perfectionner, elle pourra également s’appuyer sur les conseils d’une certaine Simone Biles, avec qui elle a partagé de beaux moments à l’Arena Bercy.

« Avant chaque mouvement elle me disait ‘tu peux le faire, vas-y, let’s go !’ Elle m’encourageait pendant et dès que j’avais fini elle me faisait un check et me disait ‘good job’, franchement le concours général c’était une très belle expérience avec toutes les grandes gymnastes, j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir », se réjouit-elle.

Barres asymétriques, poutre, concours général… Kaylia Nemour compte jouer sur tous les tableaux à Los Angeles. Et en attendant, la gymnaste qui a traversé une période douloureuse en 2021, avec deux opérations aux genoux, souhaite que l’on se souvienne d’elle « comme quelqu’un qui s’est battu pour réaliser ses rêves. »