Il y a 100 ans, les Jeux de la VIIe olympiade à Anvers démarrent sur la glace
Au sortir de la Première Guerre mondiale, la ville d'Anvers organise de magnifiques Jeux de la VIIe olympiade, constellés d'exploits restés dans l'histoire. Ils débutent dès le 20 avril 1920 au Palais de Glace de la cité flamande, avec le patinage artistique qui revient après son apparition à Londres en 1908 et le hockey sur glace pour la première fois. Le succès est au rendez-vous !
Alors que les sports d'hiver sur la neige et la glace connaissent un bel essor au début du XXe siècle en Europe et en Amérique du Nord, Pierre de Coubertin affirme très tôt que "les JO sont les Jeux de tous les sports" et milite pour leur introduction au programme olympique. C'est ainsi qu'une première compétition de patinage artistique est présente dès les Jeux de la IVe olympiade à Londres en 1908 avec quatre épreuves (simple messieurs, simple dames, couples et "figures spéciales"). Stockholm en 1912 ne suit pas le mouvement.
Mais au congrès olympique de Paris en juin 1914, où le rénovateur des Jeux présente pour la première fois le drapeau olympique aux cinq anneaux entrelacés, le hockey sur glace, le patinage et le ski deviennent officiellement des sports olympiques, qui peuvent être "facultativement" inscrits au programme des Jeux. Ainsi, pour ceux de Berlin en 1916, une semaine consacrée au patinage de vitesse, au patinage artistique et au ski nordique est à l'affiche. Mais les Jeux n'auront pas lieu : la Première Guerre mondiale interrompt le cycle olympique.
Anvers est désignée ville organisatrice des Jeux de la VIIe olympiade le 5 avril 1919 lors de la 17e Session du CIO à Lausanne où Pierre de Coubertin a installé le siège de l'institution durant le conflit mondial. Les membres du Comité International Olympique veulent "rendre hommage aux souffrances infligées au peuple belge au cours de la guerre". Le comité d'organisation inclut le patinage artistique au programme, mais aussi, pour la première fois, le hockey sur glace. Compte tenu des contingences liées aux climats saisonniers en Europe, il est décidé d'organiser ces compétitions dans le Palais de Glace de la plus grande ville de la région flamande à partir du 20 avril 1920.
Le premier des neuf titres olympiques du Canada
La Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) a été créée en 1908 sous le nom "Ligue internationale de hockey sur glace". Elle considère le tournoi olympique d'Anvers 1920 comme les premiers Championnats du monde. Sept pays participent à cette compétition inaugurale : Belgique, Canada, France, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie, États-Unis. Les matches se déroulent encore par équipes de sept joueurs. Le format choisi est le "système Bergvall" avec un premier tour constitué de matches éliminatoires à partir des quarts de finale qui déterminent l'équipe médaillée d'or, un deuxième mettant aux prises les trois équipes battues par le vainqueur final qui s'affrontent pour la médaille d'argent, et un troisième tour où les formations dominées aux deux tours précédents jouent pour le bronze.
Le Canada, comme ce sera le cas lors de nombreux Jeux d'hiver suivants, est représenté par le club vainqueur du championnat national amateur, la "Allan Cup". Dominateurs sur leur sol lors de la saison 1919-1920, les Winnipeg Falcons prennent le bateau pour Anvers. Les autres équipes en lice sont des formations nationales.
Les Falcons ne font pas de détails dans leur marche vers leur première médaille d'or dans une discipline où le Canada détient aujourd'hui un record de neuf titres. Dès leur première rencontre, le 24 avril 1920, ils infligent un 15-0 à la Tchécoslovaquie avec notamment sept buts de leur ailier droit Haldor Halderson. Le deuxième match face à leurs principaux rivaux américains est très disputé, les deux équipes se tiennent à mi-rencontre, puis Frank Fredriksson ouvre le score pour le Canada, Konrad Johannesson double ensuite la mise et le gardien Walter Byron garde sa cage inviolée : les joueurs de Winnipeg s'imposent 2-0. Le troisième match est la rencontre pour la médaille d'or face à la Suède qui s'incline 12-1, avec un joueur particulièrement prolifique à la crosse : le capitaine Frank Fredrickson, auteur de huit buts !
Alors que le titre est attribué, la compétition continue. Au deuxième tour, les États-Unis battent la Suède 7-0 le 27 avril, puis la Tchécoslovaquie 16-0 le lendemain. Très en verve dans ces deux matches et sur l'ensemble du tournoi, Herbert Drury est le meilleur marqueur de la compétition avec 14 buts en tout. Les États-Unis décrochent la médaille d'argent. Enfin, à l'issue du troisième tour, le bronze revient à la Tchécoslovaquie qui bat la Suède 1-0. Curieusement, c'est la seule victoire tchèque du tournoi, mais celle qui compte dans le match décisif pour la troisième place.
Ce tournoi a rencontré un beau succès populaire. Le hockey sur glace a gagné ses lettres de noblesse olympiques et sa présence sera permanente aux Jeux d'hiver à partir des premiers en 1924. Quant aux pionniers, les joueurs des Winnipeg Falcons, Robert Benson, Walter Byron, Frank Fredrickson, Chris Fridfinnson, Magnus Goodman, Haldor Halderson, Konrad Johannesson et Allan Woodman, ils sont accueillis comme des héros à leur retour au Canada où la mémoire de leur exploit centenaire reste vive.
Gillis Grafström débute son palmarès olympique à Anvers
À Londres en 1908, le premier titre chez les hommes avait été gagné par un champion dont le nom est passé à la postérité grâce à son invention d'un saut : le Suédois Ulrich Salchow. Gillis Grafström, autre patineur du même pays, va inscrire son nom en lettres d'or dans l'histoire des Jeux à partir du 25 avril au Palais de Glace d'Anvers. La légende raconte qu'il a cassé une lame d'un de ses patins juste avant la compétition, et qu'il est parti en ville dénicher une vieille paire avec laquelle il va tout de même briller de mille feux.
Gillis Grafström est un des meilleurs spécialistes des figures imposées dans l'histoire de son sport. Dans cet exercice particulier (qui sera abandonné dans les années 1990), il décroche déjà la première place du concours avec une belle avance. L'inventeur de la "pirouette-Grafström", d'une autre appelée "Pirouette assise volante" et le premier patineur à poser correctement un axel, est également désigné premier à l'unanimité des juges lors du programme libre.
Il l'emporte devant deux Norvégiens, Andreas Krogh et Martin Stixrud. Gillis Grafström, réputé pour ses qualités athlétiques et son sens aigu du patinage en musique, remportera encore le titre aux Jeux d'hiver de Chamonix 1924 et de Saint-Moritz 1928 pour devenir le seul triple champion olympique du simple messieurs en patinage artistique, puis celui comptant le plus de podiums en gagnant une quatrième médaille, l'argent à Lake Placid en 1932 !
Dans la compétition féminine, la Suédoise Magda Julin née Mauroy et d'ascendance française, patine alors qu'elle est enceinte de trois mois. Elle se montre très solide dans les deux parties de la compétition et s'adjuge la médaille d'or sans qu'aucun des juges ne l'aient placée première, mais sa série de deuxièmes places face à cinq rivales moins constantes lui assure une belle victoire. La Suède obtient un doublé avec la médaille d'argent de Svea Norén et l'Américaine Theresa Weld remporte le bronze. Elle est la seule à réaliser des sauts tels que le salchow et le boucle, mais ils ne sont pas considérés admissibles pour une femme par plusieurs juges qui ne les notent pas.
Enfin, l'épreuve des couples est largement gagnée par les grands favoris, les Finlandais Walter et Ludowika Jakobsson, plusieurs fois champions du monde avant ces Jeux. Leur prestation parfaite leur vaut la première place à l'unanimité des juges. Les Norvégiens Alexia et Yngvar Bryn sont leurs dauphins, les Britanniques Phyllis Johnson et Basil Williams décrochent la troisième place. Phyllis Johnson avait gagné la médaille d'argent à Londres en 1908 avec un autre partenaire, James H. Johnson. Tous les champions olympiques participent le 29 avril à un gala où ils exécutent à nouveau leur programme libre avant que le directeur du comité d'organisation Henri de Baillet-Latour (futur président du CIO) ne leur décerne leurs prix respectifs.
Devant le succès de ces épreuves sur glace, mais aussi grâce aux convictions bien ancrées de Pierre de Coubertin concernant le caractère "d’amateurisme et de dignité sportive si franc et si pur" des sports hivernaux, le CIO décide lors de sa 19e Session début juin 1921 à Lausanne, de créer la "Semaine internationale des sports d'hiver" à Chamonix, dans le cadre des Jeux de la VIIIe Olympiade à Paris en 1924. Cette semaine sera ensuite requalifiée comme les premiers Jeux d'hiver, ouvrant un cycle olympique aux sports de neige et de glace, distinct des éditions estivales.