Halswelle vainqueur du 400 m au bout de la polémique
Wyndham Halswelle pouvait raisonnablement afficher de solides prétentions à Londres, après avoir terminé deuxième des Jeux intermédiaires deux ans plus tôt. Mais bien peu de personnes avaient prévu la manière dont il a remporté sa seule médaille d’or devant son public.
Natif de Londres, Halswelle se présente pour la finale, le 23 juillet, bien affûté. Il s’est qualifié en réalisant le meilleur chrono, établissant ce qui était alors un record olympique de 48’’4 au deuxième tour, après l’avoir raté d’un cheveu en série. À l’époque, on ne court pas encore en couloirs aux Jeux, et c’est pourquoi une règle, mentionnée noir sur blanc dans le programme des épreuves du jour, fait l’objet d’une attention particulière.
« Tout concurrent bousculant, passant devant, ou bloquant volontairement un adversaire afin de gêner sa progression perdra son droit à être dans la compétition et ne pourra ni être classé ni recevoir un prix auquel il aurait pu sinon prétendre », peut-on lire et cela va contribuer largement à l’aura olympique d’Halswelle. La finale est remportée par l’Américain John Carpenter en 47’’8, devant Halswelle, mais l’un des juges, un certain Roscoe Badger, signale que Carpenter a empêché Halswelle de le dépasser. Les règles américaines l’autorisent, mais pas celles en vigueur en Grande-Bretagne.
La version de Badger, entérinée ce soir-là, est la suivante : « [William] Robbins… était en tête avec près d’un mètre d’avance sur Carpenter. Robbins et Carpenter étaient placés de telle manière qu’Halswelle a été obligé de faire l’extérieur tout au long du virage et lorsqu’ils sont entrés dans la dernière ligne droite, Halswelle a accéléré et il était en train de revenir. Mais plus on se rapprochait de l’arrivée et plus Carpenter s’est écarté de la corde en plaçant son épaule droite suffisamment devant M. Halswelle pour l’empêcher de passer.
Après une trentaine de mètres dans la ligne droite, Carpenter était à peu près à 50cm du bord extérieur de la piste. J’ai alors remonté immédiatement la piste en agitant les mains pour signaler aux juges de casser le fil d’arrivée. »
Après audition de toutes les parties, la course est annulée, à la grande consternation du camp américain. Une nouvelle course est programmée le 25 juillet, mais ni Taylor ni Robbins ne se présentent au départ, en signe de protestation par rapport à une décision ressentie comme injuste. Halswelle se met donc seul en piste, bouclant le tour de piste en 50 secondes et s’adjugeant ainsi la seule médaille d’or attribuée suite à un forfait dans l’histoire des Jeux.
La conclusion ne satisfait cependant personne, y compris Halswelle dont on n’aura guère vu les possibilités en athlétisme. Militaire engagé dans la guerre des Boers, il avait été encouragé à pratiquer à l’athlétisme par ses supérieurs dès son retour en 1904. Sa carrière sportive prenant le dessus sur sa carrière militaire, au grand dam de ses officiers supérieurs, il prendra sa retraite un peu plus tard en 1908, après une unique et ultime sortie en Écosse. Il mourra en 1915, à 32 ans à peine, tué par une balle en France lors de la Première Guerre mondiale. Il a connu l’une des carrières les plus courtes en athlétisme et l’une des victoires olympiques les plus curieuses, mais elle lui a permis d’entrer dans l’histoire des Jeux lors de cette édition incontestablement unique.