Même s’il faisait tout juste son entrée sur la scène olympique, l’Éthiopien Haile Gebrselassie était l’un des grands favoris pour le 10 000 m masculin à Atlanta. Sacré champion du monde de la distance en 1993 et 1995, il avait également établi un nouveau record mondial et on s’attendait à ce que sa première expérience olympique soit elle aussi couronnée de succès.
Gebrselassie avait grandi dans une ferme, près du village d’Assela. Chaque matin, il courait 10 km pour se rendre à l’école, puis de nouveau 10 km l’après-midi pour rentrer chez lui. Le 10 000 m faisait donc partie de son quotidien bien avant qu’il n’entame sa carrière d’athlète.
À Atlanta, le double champion du monde s’imposa rapidement comme favori. Son adversaire le plus redoutable était un autre coureur africain au sommet de sa forme, le Kényan Paul Tergat. Tergat, lui aussi double champion du monde puisqu’il avait remporté deux ans de suite le titre en cross-country, n’était pas impressionné outre mesure par son rival éthiopien.
Aucun des deux favoris ne souhaitait donner l’allure en début de course, aussi laissèrent-ils Aloys Nizigama, du Burundi, prendre la tête sur les premiers 5 000 m. Puis deux compatriotes de Tergat, Paul Koech et Josephat Machuka, le devancèrent. À 2 000 m de la ligne d’arrivée, tout se jouait encore entre six coureurs.
C’est alors que Tergat passa à l’action, creusant l’écart avec ses concurrents. Seul Gebrselassie tenait la cadence. Les deux favoris, au coude à coude, filaient à une allure infernale. À l’approche du dernier tour, Gebrselassie remonta au niveau de Tergat, s’y maintint un instant, puis partit dans un sprint effréné, laissant son adversaire quatre, puis huit, puis 12 mètres derrière lui.
Le Kényan tenta de combler l’écart, mais impossible de rattraper le détenteur du record mondial. Gebrselassie franchit la ligne d’arrivée en 27 min 7 s 34, signant un nouveau record olympique.
Le plus extraordinaire est que sur les derniers 5 000 m, l’Éthiopien venait d’enregistrer un temps de 13 min 11 s 4 : ce résultat aurait suffi à lui assurer l’or olympique lors de 19 des 21 éditions des Jeux où cette distance avait été courue. L’idée qu’un athlète réalise une telle performance alors qu’il venait déjà de parcourir 5 000 m était à peine croyable !
Gebrselassie confirma sa domination sur le 10 000 m quatre ans plus tard à Sydney, s’imposant une fois de plus contre Tergat. Il ne remporta par la suite aucune médaille aux Jeux d’Athènes et de Pékin, mais il termina tout de même dans les six premiers, prouvant qu’il appartenait bel et bien à l’élite des coureurs longue distance et qu’il faisait partie des plus grands olympiens de tous les temps.