La skieuse enjouée de Seattle, dans l’état de Washington, cause un choc majeur en s’imposant aux dépens de sa compatriote américaine Christin Cooper à l’issue des deux manches. Les États-Unis réalisent ainsi un sensationnel doublé triomphal et obtiennent leur première médaille en ski alpin depuis 12 ans.
Avant l’épreuve, Debbie Armstrong a été oubliée par la presse et elle surgit de nulle part pour dompter une opposition qui compte des skieuses de renom telles que la Suissesse Erika Hess, grande favorite avant la course.
C’est seulement la seconde année qu’elle porte la combinaison américaine, et elle n’a encore jamais fait mieux qu’une troisième place en Coupe du monde, toutes disciplines confondues. Quand elle débarque en Yougoslavie, la jeune femme de 20 ans est déterminée à se faire plaisir.
Durant la soirée précédant sa course, elle se relaxe en regardant ses compatriotes Peter et Kitty Carruthers décrocher la médaille d’argent des couples en patinage artistique et elle veille tard, en mangeant du beurre de cacahuètes.
Le lendemain, lorsqu’elle prend place dans le portillon de départ sur le mont Jahorina, elle est d’un calme olympien et se répète : « Fais-toi plaisir ! Fais-toi plaisir ! Fais-toi plaisir ! »
Christin Cooper se remémorera plus tard lors un entretien que sa partenaire lui a dit : « Je vais simplement me faire plaisir, juste me faire plaisir ! Quand tu descendras, reste décontractée et fais-toi plaisir, car ce sera mon cas. »
Debbie porte le dossard 15, ce qui lui offre l’avantage de pouvoir bénéficier des informations en direct de Cooper et de leur autre compatriote Tamara McKinney sur l’état de la piste. Seule Cooper fera mieux qu’elle lors de la première manche.
Si d’autres athlètes ont peut-être les nerfs mis à l’épreuve durant les trois heures d’attente séparant les deux manches, Debbie, elle garde le sourire. « Je me sentais si bien là-haut, déclarera-t-elle après coup. J’étais vraiment heureuse en attendant la seconde manche. »
Son enthousiasme contagieux va se transformer en une brillante performance. Lorsque Erika Hess connaît une baisse de régime, Debbie devient soudain une solide candidate à la médaille d’or. Et quand Cooper fait un gros écart, cinq portes après le départ, et que Tamara McKinney part à la faute et perd de précieuses secondes, Debbie Armstrong est propulsée vers la victoire dans un temps total de 2’20’’98.
Christin Cooper, qui s’incline de quatre dixièmes, est belle perdante et la championne olympique et sa dauphine s’embrassent à l’arrivée.
Debbie Armstrong dira après sa victoire : « Je ne songeais pas à gagner l’or, mais je savais que cette piste me convenait. Je me suis vraiment sentie bien ce matin au réveil. J’ai skié les deux plus belles manches de ma vie. J’ai tout lâché, c’était génial. »
Ce sera sa dernière victoire internationale. Après Sarajevo, elle ne fera jamais mieux qu’une quatrième place en Coupe du monde, en slalom et en descente, et elle raccrochera ses spatules à la fin de la saison 1988.
Mais Sarajevo subsistera dans sa mémoire et dans celle de Christin Cooper. Après la guerre qui ravage la Bosnie au début des années quatre-vingt-dix, cette dernière veut renvoyer l’ascenseur à la ville hôte des Jeux de 1984 et elle fonde l’ONG Olympiens humanitaires pour la paix.
Dans le même temps, Debbie Armstrong devient porte-parole de l’organisation Reboiser Sarajevo, dont le but est la reforestation du paysage dévasté autour de la ville meurtrie qui a accueilli le plus beau rendez-vous sportif de son histoire.