D’Uchimura à Whitlock, des compétitions de gymnastique artistique masculine intenses et spectaculaires

En commençant par deux triomphes du Japonais Kōhei Uchimura dans les concours généraux par équipes et individuel, en passant par les exploits historiques du Britannique Max Whitlock dans les finales par agrès, en terminant par l’or en bout de carrière pour l’Allemand Fabian Hambüchen, les compétitions masculines de gymnastique artistique ont donné lieu à cinq formidables journées de compétition dans l’arène olympique de Rio.

D’Uchimura à Whitlock, des compétitions de gymnastique artistique masculine intenses et spectaculaires
(2016 Getty Images)

Pour la première épreuve masculine à Rio, le 8 août, le Japon, souvent deuxième derrière la Chine ces dernières années, lui a ravi son titre, et son « roi » Kōhei Uchimura a enfin réussi son pari de remporter l’or par équipes à des Jeux en gymnastique artistique messieurs. La Russie a pris l’argent, et la Chine a terminé en bronze. 

Le prodige japonais de 27 ans était déjà bardé de distinctions individuelles, entre son sacre olympique au concours général de Londres 2012 et ses dix médailles d’or mondiales. Mais par équipes aux Jeux, ça coinçait : il restait sur deux médailles d’argent, dans l’ombre du puissant voisin et rival éternel.

Et c’est donc au Brésil qu’il est venu étendre un peu plus son empire dans l’histoire de la gymnastique en y récupérant l’or collectif, pour compléter son palmarès d’une sixième médaille. L’Archipel y décroche son septième titre olympique par équipes, douze ans après le dernier. Signe avant-coureur, il s’était déjà emparé du titre aux Mondiaux 2015. 

« Notre équipe a enfin remporté l’or », s’est exclamé Kōhei Uchimura. « Gagner aux Jeux Olympiques, c’est incroyablement difficile et c’est ce que j’ai réalisé. Je suis extrêmement satisfait de cette victoire ». 

La Russie a fait la course en tête sur les quatre premières rotations. Mais au bout de la cinquième, c’est le Japon qui, jusqu’alors posté en embuscade, l’a doublée avec une avance minimale (0,208 point). Or, les Japonais terminaient au sol et y ont bien rebondi, portant leur écart final à presque deux points. Ils y ont excellé, surtout Kenzō Shirai qui signait un 16,133, suivi par Ryōhei Katō (15,466) et Uchimura (15,6).

« King Kōhei » finissait sur une bonne note après avoir livré une performance d’ensemble correcte, mais pas éblouissante, en tout cas loin de son niveau royal, allant d’un petit 14,8 au cheval d’arçons à un 15,566 au saut. Yūsuke Tanaka avait apporté sa pierre à l’édifice aux barres parallèles (15,9), alors que Kōji Yamamuro était un cran en dessous sur ses deux agrès.

Le sol n’a en revanche pas vraiment souri aux Russes, surtout David Belyavskyi, sanctionné d’un 14,666. Cruel pour celui qui avait auparavant obtenu la meilleure note pour sa nation, un 15,8 aux barres parallèles.

Les Russes ont impressionné aux anneaux, qu’ils ont remportés, Denis Abliazin se permettant même de battre d’un rien le champion olympique en titre, le Brésilien Arthur Zanetti. Les Chinois, eux, ont été très forts aux barres parallèles, You Hao franchissant la barre des 16 points (16,166), frôlée par Lin Chaopan (15,9) et Deng Shudi (15,8).

Leur performance au dernier agrès fut cependant trop juste pour revenir, plombée par le 14,4 de Deng Shudi, et malgré le 15,566 de Zhang Chenglong, l’unique rescapé de l’or des Jeux 2012.

Kōhei Uchimura conserve sa couronne in extremis ! 

À moins d’un dixième près, et au tout dernier agrès, le Japonais Kōhei Uchimura a remporté le 10 août son deuxième concours général olympique de gymnastique artistique, en venant à bout du suspense et de l’Ukrainien Oleg Verniaiev. Un superbe spectacle qui a tenu en haleine le public de Rio ! 

Déjà sacré en 2012 à Londres, « King Kōhei » est le premier gymnaste à conserver son titre depuis son compatriote Sawao Katō (1968 et 1972). Il s’agit aussi de la septième médaille pour Uchimura, sa troisième en or. À Rio, il a gagné son huitième concours général d’affilée, Jeux et Championnats du monde confondus, après une percée au haut niveau aux Jeux 2008 de Beijing (argent au concours général). « Le titre est à moi depuis 2009 mais cette fois c’était le plus délicat », a-t-il admis. Tout s’est joué sur le dernier agrès !

Verniaiev, qui menait la danse depuis la troisième rotation, venait de creuser l’écart dans sa spécialité, les barres parallèles, en signant un 16,100, avant le 15,600 d’Uchimura. Le Japonais de 27 ans était en danger : le flambeau était prêt à changer de mains, et l’Ukrainien aux 22 printemps voyait poindre son avènement. Le Britannique Max Whitlock finissait en bronze.

À la barre fixe de trancher ! Et le « roi » sort le grand jeu : une routine de haute volée, pleine de risques et parfaitement réalisée, déclenchant les vivats du public, notée 15,800. « En me rendant à la barre, je savais ce que j’avais à faire. Je suis resté calme et sous contrôle. Je pense que ce calme a été la clef de mon succès », a-t-il avancé à propos de l’agrès d’où il avait chuté samedi en qualifications.

Au tour de Verniaiev de s’élancer. Le public fait silence, le souffle coupé par le suspense dans ce choc de titans. L’Ukrainien, aussi proche de sa prise de pouvoir gymnique, choisit la sécurité, sans aucun salto. Sa réception est parfaite, il se voit en « Roi Oleg ». Le verdict tombe : 14,800. Il lui aura manqué 0,99 point. Il n’en croit pas ses yeux et, incrédule, préfère en sourire. Les deux gymnastes ceints de leurs drapeaux nationaux tombent dans les bras l’un de l’autre.

L’Ukrainien n’est jamais passé sous la barre du 15, sauf, justement, à la barre fixe. Il a poussé Uchimura, qu’il compare à « Michael Phelps et Usain Bolt », dans ses retranchements sans aller au bout de sa révolution. « Je suis content d’avoir vraiment bousculé Kōhei, mais à la fin il a encore une fois conservé son titre », a-t-il lâché. « J’ai approché son score de très près, comme personne ne l’avait fait auparavant ».

Avec 2 médailles d’or, Whitlock met fin à 120 ans de disette pour la gymnastique britannique

Lors de la première journée des finales par agrès, le 14 août, Max Whitlock a mis un terme à l’attente de la Grande-Bretagne qui n’avait pas gagné de médaille d’or olympique en gymnastique depuis 120 ans. Il a en effet gagné deux titres en l’espace de deux heures. Il a d’abord volé la vedette au double champion du monde japonais Kenzo Shirai au sol, où il a devancé deux gymnastes brésiliens, avant d’exécuter un enchaînement inspiré au cheval d’arçons.

Au sol, Whitlock a réalisé une série de saltos défiant les lois de la gravité pour prendre le titre avec un score total de 15,633. Shirai était donné favori pour devenir le premier gymnaste japonais à remporter les exercices au sol depuis Sawao Kato en 1968, mais deux erreurs flagrantes ont cloué ses espoirs au pilori.

Dans le même temps, la paire brésilienne Hypólito et Mariano a bénéficié d’un fervent soutien et les « Diego, Diego, Diego » ont résonné dans la salle. Lorsque Hypólito a finalement eu confirmation de sa médaille d’argent, il a éclaté en sanglots. Son compatriote Mariano, âgé de 22 ans, recroquevillé au sol car trop nerveux pour voir les résultats finaux s’afficher, a enregistré un score de 15,433. « C’est inimaginable d’avoir deux Brésiliens sur le podium, rayonnait-il après sa performance. Mais finalement, notre jour est arrivé. »

Moins de deux heures après sa victoire au sol, le Britannique a réitéré en signant un score de 15,966 sur son agrès de prédilection, le cheval d’arçons, où sa prestation tout en souplesse et en finesse lui a valu une seconde médaille d’or.

Louis Smith a complété un glorieux doublé pour la Grande-Bretagne, répétant son exploit de Londres 2012 où il avait déjà obtenu l’argent. Durant un moment, sa note de 15,833 semblait devoir lui assurer l’or, et il a passé la majeure partie des 15 minutes suivantes agenouillé, incapable de regarder le tableau d’affichage, à attendre de voir si quelqu’un allait le détrôner. Finalement, c’est son coéquipier qui l’a fait. L’Américain Alex Naddour, en bronze, a complété le podium.

« C’est tout simplement incroyable », a déclaré Whitlock à propos de ses deux médailles d’or. « Tous les gymnastes qui sont là savent ce qu’il en coûte de travail pour en arriver là. Vous devez montrer en une minute ce que vous avez mis des années à mettre au point. »

Il a révélé qu’il n’avait pas eu le temps de mesurer la dimension historique de sa première médaille d’or, étant donné qu’il a tout de suite été happé par son autre finale : « Je devais passer au cheval d’arçons. Il a fallu que je retourne sur le praticable d’échauffement et que je me reconcentre, » a-t-il expliqué. « C’était difficile, notamment parce que je n’ai vu aucun des enchaînements au sol qui se sont déroulés avant ou après le mien. Quand mon entraîneur m’a dit ce que j’avais réalisé, c’est comme si j’avais reçu une tonne de briques sur la tête. »

De l’or pour Eleftherios Petrounias aux anneaux

Le Grec Eleftherios Petrounias a remporté la médaille d’or aux anneaux le 15 août en détrônant le champion olympique en titre brésilien Arthur Zanetti. Petrounias (25 ans), actuel champion du monde, a obtenu la très bonne note de 16.000 en finale de ses premiers Jeux. Il est le troisième Grec à gagner l’or sur cet agrès, les deux premiers l’ayant été à Athènes en 1896 et en 2004.

Zanetti (trois médailles mondiales dont une en or), chaudement soutenu par la salle, est passé en dernier et a obtenu 15,766. En 2012, dans sa spécialité, il était devenu le premier gymnaste brésilien de l’histoire à décrocher une médaille olympique en gymnastique artistique, la plus prestigieuse. Le Russe Denis Abliazin a complété le podium avec une note de 15.700

« C’est fabuleux ! Je suis super excité, » a déclaré Eleftherios Petrounias. « Nous avons énormément travaillé pour ce résultat. C’est celui que j’attendais. Je pense que nous avons bien travaillé sur les détails pour rester stable. C’est difficile de faire ses mouvements, de tenir toutes les positions… un peu plus fort que d’habitude. Et si vous avez une bonne réception, comme celle que j’ai réussie, c’est ainsi qu’arrive un score de 16 ! » 

Arthur Zanetti ne s’est pas montré déçu : « Je me sens plus heureux que quand j’avais gagné à Londres, du fait que je dispute une compétition à la maison. Mes coéquipiers Diego Hypólito et Arthur Mariano ont remporté deux médailles, et j’ajoute la troisième. Je pense que la gym va gagner en popularité au Brésil. J’espère que nous trouverons plus de financements, et nous nous battrons pour que cela arrive. ».

Ri Se-gwang maître du saut de Cheval

Ce même 15 août, le gymnaste de la République populaire démocratique de Corée Ri Se-gwang a remporté la médaille d’or au saut de cheval, devant le Russe Denis Abliazin et le Japonais Kenzo Shirai.

Le Nord-Coréen a obtenu la note de 15,691, en faisant à son deuxième saut celui qui porte son nom : une nouvelle variante du « Tsukahara », suivi d’une torsion arrière complète et finissant par un double salto en position de repli, nommé Ri en son honneur et rapportant un maximum de points. Il succède au palmarès à son voisin du Sud, Yang Hak-seon.

Abliazin conserve sa médaille d’argent déjà récoltée à Londres-2012. Le Russe avait plus tôt dans l’après-midi décroché la médaille de bronze aux anneaux. Kenzo Shirai a obtenu exactement la même note générale (15,449) que le vétéran roumain Marian Dragulescu (35 ans), mais monte sur le podium, car il a fait une meilleure exécution, le critère qui départage les ex-aequo. Le Japonais avait remporté l’or au concours général par équipes.

« Cette médaille d’or est un cadeau que je présente à mon pays » a dit Ri. « C’est un moment de joie, un moment qui apporte le sens de la victoire et du courage à mon pays. J’étais confiant dans le fait que je pouvais gagner. Je suis venu au Brésil avec cette confiance. J’ai été capable d’arriver à ce niveau grâce au soutien infaillible de mon entraîneur et de mes coéquipiers. Je voulais gagner ce titre pour tout l’amour que j’ai reçu de mon pays ». 

Oleg Verniaiev brille aux barres parallèles 

L’Ukrainien Oleg Verniaiev a remporté l’or des barres parallèles le 16 août devant l’Américain Danell Leyva et le Russe David Belyavskiy. Verniaiev a décroché sa deuxième médaille, après celle en argent au concours général, lorsqu’il s’était fait devancer de justesse par la légende vivante japonaise Kōhei Uchimura. Vernaiev a réalisé une superbe routine, spectaculaire et sans faute avec une réception parfaite, qui lui a valu la note de 16.041, alors que Leyva a été crédité de 15.900 et Belyavskiy de 15,783. 

« Je suis extrêmement heureux, je suis ravi. Au bout du compte, j’ai apporté la première médaille d’or à mon pays, l’Ukraine. Je remercie mon équipe et mes collègues athlètes des différents sports qui sont venus m’encourager. Ça a été cool, mais je ne peux toujours pas me détendre. Je frissonne encore », a dit le nouveau champion olympique. « J’étais prêt. Il s’agissait juste de venir et de faire ma routine. Je savais qu’il y avait deux Chinois très forts, mais à la base, vous vous mettez aux barres, vous faites votre truc, et c’est comme cela que ça marche. » 

Fabian Hambüchen se retire avec une médaille d’or

L’Allemand Fabian Hambüchen a remporté la dernière médaille d’or en jeu, celle de la barre fixe, devant l’Américain Danell Leyva et le Britannique Nile Wilson. La routine sans faute de l’Allemand le 15 août lui a valu un score de 15.766, contre 15.500 pour Leyva et 15.446 pour Wilson. 

Fabian Hambüchen se retrouve pour la première fois sur la plus haute marche d’un podium majeur après avoir collectionné les accessits : médailles de bronze à Beijing en 2008 et d’argent à Londres en 2012, et la même chose à deux Mondiaux. Danell Leyva, lui, était 5e aux Jeux de 2012. L’Américain avait un peu plus tôt ce mardi remporté déjà l’argent aux barres parallèles.

Le Britannique Nile Wilson monta de son côté pour la première fois sur le podium d’une compétition majeure à la barre fixe. L’événement de cette finale fut la chute du Néerlandais Epke Zonderland, tenant du titre olympique et double champion du monde.

Fabian Hambüchen a terminé sa carrière de gymnaste sur une médaille d’or : « C’est indescriptible », a-t-il ajouté. « Avant les Jeux, j’ai dit que ce serait ma dernière compétition. Je vais prendre ma retraite sportive, et finir comme ça, c’est un rêve devenu réalité. C’était la seule médaille que je n’avais pas encore, jusqu’à aujourd’hui. Je suis venu à Rio pour profiter de mes quatrièmes Jeux Olympiques, pour finir ma carrière sur une bonne note, et puis j’ai réussi à me qualifier pour la finale de la barre fixe, ce qui était déjà une belle réussite ! ». 

Daniel Leyva a terminé sa journée dans l’Arène olympique avec deux médailles d’argent autour du cou : « Incroyable. Un rêve qui devient réalité. Personne n’a été parfait aujourd’hui, mais je crois que je me suis approché de la perfection que je pouvais atteindre. Je suis incroyablement heureux. »

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