Bienvenue dans le monde ébouriffant du skateboard

Le 4 août 1996, Neal Hendrix, pionnier du skateboard, icône de la mode et jeune homme bien dans ses baskets, participait à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques d'Atlanta. Avec quelques amis, Neal Hendrix a offert à des milliards de spectateurs un aperçu des qualités requises pour pratiquer le skateboard au plus haut niveau : créativité, dynamisme et un physique exceptionnel. À l'époque, il n'imaginait pas les répercussions de cette démonstration.

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"Sur le coup, on s'est dit que c'était une belle occasion de se produire sur une grande scène. On a surtout fait ça pour rigoler", explique l'intéressé. Et d'ajouter : "On avait installé des rampes à l'extérieur du site d'Atlanta pour s'entraîner pendant quelques jours car on nous avait demandé de réaliser certaines figures en particulier. Je m'en souviens comme si c'était hier."

"Je n'aurais jamais cru qu'on se retrouverait un jour à imaginer des concours de skate avec des médailles olympiques à la clé. C'est complètement incroyable."

En tant que représentant des athlètes au sein de la commission World Skate - Skateboarding, Neal Hendrix a suivi chaque étape de ce parcours extraordinaire.

"J'ai toujours gravité dans le monde du skateboard de haut niveau, quitte à tenir différents rôles", poursuit notre interlocuteur, passé professionnel en 1991. "À mes yeux, il était essentiel de trouver les bonnes personnes pour former le groupe qui devrait amener le skateboard à Tokyo."

Neal Hendrix a assisté, au début des années 2000, à la création de la Fédération Internationale de Skateboard (ISF) par son vieil ami Gary Ream, devenu depuis président de la commission World Skate - Skateboarding. Les médias et le Mouvement olympique n'ont pas tardé à se pencher sur le cas de cette discipline, en raison de l'immense intérêt que lui porte la jeunesse mais aussi de sa philosophie. Mais toutes les relations connaissent des hauts et des bas. L'un des attraits du skateboard réside justement dans sa propension à aller à contre-courant.

"Ça n'avait rien d'évident, reconnaît Neal Hendrix. Notre problématique est différente des autres sports car le skateboard n'a jamais fonctionné à travers des institutions nationales. Pour un skater, la trajectoire qui mène au sommet consistait auparavant à obtenir le parrainage d'une marque impliquée dans le milieu, d'une marque de chaussures ou d'un fabriquant de boissons énergisantes. Une fois passé professionnel, on pouvait commencer à vivre de sa passion, mais tout passait toujours par des contrats avec des entreprises privées."

Le développement spectaculaire de grands événements comme les X Games, retransmis à la télévision, ou de vidéos montrant les exploits des meilleurs skaters dans le monde entier ont contribué à la croissance de la discipline. Sur le front olympique, un palier a été franchi avec l'apparition du skateboard aux Jeux Olympiques de la Jeunesse de Nanjing 2014, en tant que sport de démonstration. Mais pour ouvrir les portes des Jeux Olympiques d'été au skateboard, il a fallu négocier ferme... de part et d'autre. Avant toute chose, Neal Hendrix a dû convaincre les skaters eux-mêmes.

"Dans le monde du skateboard, il n'y a jamais de consensus universel", précise Neal Hendrix. "Les skaters vivent, dorment, mangent et respirent pour leur sport. C'est un sujet qui leur tient énormément à cœur."

"J'ai dit la même chose à tous mes détracteurs : "Hé, voyons ce qui passera à Tokyo en 2020 et discutons-en après." Maintenant, il ne tient qu'à nous d’assurer le spectacle."

Parallèlement, il a aussi fallu faire en sorte que les Jeux Olympiques soient prêts à accueillir le skateboard et tout son folklore.

"Nous ne voulions pas proposer une version aseptisée du skateboard et je ne crois pas que les Jeux Olympiques attendent cela non plus", poursuit Neal Hendrix. "Comme toujours, il faut faire des compromis, notamment au niveau des tenues. Ce sont des questions et des conversations importantes qui nous occupent beaucoup en ce moment. Notre objectif est de faire en sorte que le skateboard olympique ressemble au sport que nous connaissons et que nous aimons."

"Nous souhaitons que les athlètes puissent porter des tenues sympas et nous avons envie de proposer des parcours qui soient à la fois cool et impressionnants."

Jusque-là, tout va bien. Selon Neal Hendrix, "99 % des meilleurs skaters du monde" seront à Tokyo dans un peu moins de trois ans. On peut donc s'attendre à ce que la compétition tienne toutes ses promesses.

"Je veux que tous ceux qui n'ont pas encore eu l'occasion de s'initier au skateboard soient vraiment impressionnés par ce qu'ils verront. Imaginez des enfants devant leur télévision en Afrique du Sud, en Malaisie ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée. S'ils découvrent le skateboard, il faut qu'ils aient envie de monter sur une planche. C'est le but que je me suis fixé."

Quoi qu'il en soit, Neal Hendrix est déjà sous le charme des effets positifs de l'ajout du skateboard au programme olympique. Le tableau d'ensemble est très encourageant, que ce soit pour les skateuses, qui voient s'ouvrir de nouvelles perspectives devant elles, ou les athlètes européens, qui bénéficient enfin du soutien de fédérations nationales (FN) pour se produire sur la scène mondiale.

De son côté, le Mouvement olympique peut s'attendre à un formidable retour sur investissement.

"Vous allez voir arriver des spectateurs jeunes et passionnés. Le skateboard ne ressemble pas aux autres disciplines à cause de la culture et du mode de vie qui lui sont associés. L'art et la musique sont également indissociables du mouvement. Les skateurs décorent leurs planches de motifs très frappants."

"Certains skaters comme Nyjah Huston, Pedro Barros ou Tom Schaar ont beaucoup de fans. Que l'on soit à Sydney, à Tokyo, à Shanghai, à Rio, à Los Angeles ou à Vancouver, le skateboard est un phénomène mondial et ces types ont des admirateurs partout. Les Jeux Olympiques ont l'occasion d'entrer en contact avec ce public de passionnés."

Vétéran en semi-retraite du haut de ses 44 ans, Neal Hendrix ne comptera certainement pas parmi les skaters de rue et de parc qui se battront pour décrocher l'or à Tokyo. En revanche, il sera certainement présent pour assister aux acrobaties extraordinaires qui ne manqueront pas de rythmer le programme de skateboard des Jeux Olympiques de 2020.