Barthel l'inconnu du demi-fond sous les feux de la rampe
Durant la majeure partie de ces Jeux, Josy Barthel est resté incognito ou presque. Ses premiers succès remontent aux Championnats du monde militaires de 1947 et 1948, alors qu’il s’est classé neuvième du 1500m des Jeux de 1948 à Londres. Mais de là à devenir une vedette, il y a encore de la marge.
Non seulement Barthel a une silhouette mince – il est plus petit que la plupart des coureurs de fond, mais en plus, il vient du Luxembourg, un pays qui a obtenu ses dernières médailles d'or dans des concours d'art et une en 1900, grâce à un marathonien qui a en fait couru sous les couleurs de la France. Pour faire court, Barthel est un outsider dans le 1500m d'Helsinki.
Pour la victoire, la plupart des gens pensent plutôt à l’Allemand Werner Lueg, qui vient d'égaler le record du monde, ou encore au jeune coureur britannique Roger Bannister. Mais le nom de Barthel ne fait guère dresser l’oreille, même lorsqu’il remporte sa demi-finale.
En finale, le Norvégien Audun Boysen se porte en tête dès le début, avant d’être dépassé par l’Allemand Rolf Lammers. Lueg prend le relais au troisième tour, ultime tour avant la cloche, signalant les derniers 400m.
Tour à tour, trois athlètes tentent de démarrer, mais à chaque fois Lueg réagit en accélérant. Il s’impose dans le dernier tour, alors que personne ne fait – encore – attention à Barthel. C’est à peine si on remarque le coureur luxembourgeois, accompagné de l’Américain Bob McMillen, lorsqu’il s’extirpe de l’anonymat pour se porter à l'avant.
Fatigué à force d’avoir dû défendre sa position de tête, Lueg commence à lutter à l'amorce de la dernière ligne droite. À tel point que Barthel le dépasse, tout comme McMillen. Les deux hommes, Barthel en tête de peu, vont sprinter pour la victoire. L’Américain reste au contact, mais dans les derniers mètres, Barthel sait qu’il a gagné et il franchit la ligne, les bras levés et un large sourire aux lèvres.
Des 12 finalistes, six battent leur record personnel. Barthel, en améliorant son meilleur chrono de plus de trois secondes, s’offre également le record olympique. Bannister, qui deviendra deux ans plus tard le premier à descendre sous les quatre minutes au mile, termine quatrième.
Quant à la médaille d’or de Barthel, elle est restée la plus célèbre de toute l’histoire du sport luxembourgeois, qui n’en a plus gagné depuis.