A Squaw Valley, tout est à faire

Alexander Cushing est le propriétaire de terrains dans une vallée inhabitée située dans la Sierra Nevada Californienne, à 300km à l’est de San Francisco, au-dessus du Lac Tahoe, à 1900m d’altitude. Il souhaite développer les lieux pour faire de Squaw Valley une station de sports d’hiver de classe mondiale et commence par installer un lodge, puis un télésiège dans un environnement encore totalement sauvage.

7 min
A Squaw Valley, tout est à faire
(1960 / Comité International Olympique (CIO) / United Archives)

En décembre 1954, Alexander Cushing apprend dans un article de presse que Reno (Nevada) et Anchorage (Alaska) manifestent leur intérêt pour une candidature à l’organisation des Jeux d’hiver 1960. Inspiré par sa lecture, il a alors l’idée de lancer Squaw Valley dans la course.

Passionné, persuasif, convaincu que les Jeux d’hiver pourraient toucher l’ensemble de la population californienne encore peu au fait de leur rayonnement, il s’assure tour à tour le soutien de l’Etat de Californie, du Comité Olympique américain, puis du gouvernement fédéral des Etats-Unis à travers une résolution du Congrès signée par le président Dwight Eisenhower. Il lève des fonds importants nécessaires au développement du site dont il est le propriétaire.

Squaw Valley présente sa candidature aux membres du CIO présidé par Avery Brundage lors de leur 50e session à Paris, en juin 1955. Les autres villes candidates sont Innsbruck (Autriche), Saint-Moritz (Suisse, déjà hôte des Jeux d’hiver 1928 et 1948) et Garmisch-Partenkirchen (Allemagne, qui a accueilli ceux de 1936).

Les membres du CIO choisissent Squaw Valley au 2e tour de vote, par 32 voix contre 30 à Innsbruck. Pour l’édition estivale 1960, leur choix se porte sur la capitale italienne, Rome.

Organisation des VIIIe Jeux d’hiver

Sous la haute autorité du Comité National Olympique américain, de la commission olympique de Californie et de l’Etat fédéral, un comité d’organisation est constitué, dirigé par Prentis C. Hale. Les terrains appartenant à Alexander Cushing son loués et les travaux commencent.

En dehors d’une piste de bobsleigh jugée trop couteuse pour trop peu de participants et qui ne sera pas construite, entraînant l’absence de ce sport pour la seule fois aux Jeux d’hiver, Squaw Valley va passer en moins de cinq années d’un site quasiment vierge d’installations à une véritable municipalité équipée et accessible. Routes, ponts, bâtiments administratifs, hôtels, motels et restaurants sortent de terre, ainsi que des réseaux d’égouts et d’électricité et une usine de traitement des eaux. Spécialement pour l’occasion, l’aérodrome de Reno, la grande ville des environs située dans le Nevada, est transformé en aéroport international à travers la construction d’un terminal.

Un véritable Village Olympique constitué de quatre bâtiments de 75 chambres et destiné à accueillir plus de 750 athlètes sous les mêmes toits est conçu et construit pour la première fois aux Jeux d’hiver. Au centre de la station, la Blyth Memorial Arena, une arène couverte de 8500 places qui accueillera les cérémonies d’ouvertures et de clôture, les compétitions de patinage artistique et des matches de hockey sur glace, voit le jour. Des bâtiments d’hospitalité pour les spectateurs, les officiels et les athlètes sont construits, ainsi qu’un tremplin de saut, un ovale de glace de 400m et trois patinoires extérieures. Les pistes de ski alpin sur le mont KT-22 et les Little Papoose Peak et Squaw Peak sont tracées, aménagées et équipées de remontées mécaniques. Le McKinney Creek Stadium pour le ski de fond et le biathlon est créé à Tahoma, une localité qui jouxte Squaw Valley au-dessus du Lac Tahoe.

D’un point de vue technologique, la chaîne de télévision CBS va proposer une nouveauté : l’« instant replay » qui permet de revoir instantanément un action, et qui va déboucher sur un élément incontournable des retransmissions sportives : le ralenti. Par ailleurs, une horloge à quartz proposera un chronométrage au centième de seconde, et les premiers ordinateurs seront utilisés pour réaliser et imprimer les classements des épreuves.

Quant au programme des compétitions, il comprend un nouveau sport, le biathlon, et une nouvelle discipline, le patinage de vitesse féminin. Les athlètes vont donc se mesurer dans huit sports en tout (Hockey sur glace, patinage artistique, ski de fond, ski alpin, patinage de vitesse, biathlon, combiné nordique et saut à ski) pour un total de 27 épreuves.

665 athlètes (521 hommes et 144 femmes) représentant 30 pays, avec la première apparition de l’Afrique du sud et le retour du Danemark, de l’Argentine et de la Nouvelle-Zélande sont engagés dans ces Jeux. Les trois délégations les plus importantes sont celles des Etats-Unis (79 athlètes) de l’Equipe Unifiée d’Allemagne (74) et de l’Union Soviétique (62).

Cérémonie d’ouverture : la féérie Walt Disney

Le plus célèbre créateur de dessins animés au monde, et bien plus, Walt Disney, prend la direction du secteur « pageantry », c’est à dire l’ « apparat » incluant les deux cérémonies d’ouverture et de clôture.

Il supervise notamment la création de la « tour des nations », une gigantesque structure métallique surmontée des anneaux olympiques, sur la laquelle vont figurer les drapeaux des nations participantes, bordée sur ses côtés par deux statues de neige géantes (une skieuse et un patineur), et devant laquelle la vasque olympique brulera durant onze jours. Elle sera le lieu des toutes premières « cérémonies de remise médailles » fêtées en un seul endroit. Chaque jour, les athlètes vont monter sur les podiums devant ce décor grandiose, applaudis par la foule.

Un petit miracle se produit le jour de la cérémonie d’ouverture, le 18 février 1960. Une tempête de neige s’abat sur la région dans la matinée, retardant notamment l’arrivée par la route du vice-président des Etats-Unis Richard M.Nixon. Mais au moment même où les délégations se rassemblent pour défiler, le ciel se déchire, le soleil apparait et va régner durant le reste de la journée !

Les délégations entrent dans le stade au son de roulements de tambour, tandis que 30 drapeaux les représentant sont hissés sur des mâts entourant la Blyth Memorial Arena. Elles défilent puis s’installent dans les gradins pour assister au spectacle conçu par Walt Disney, émaillé de feux d’artifices avec la participation de 5000 figurants. Il inclut le lancer de 2000 colombes, huit coups de canon pour saluer les huit Jeux Olympiques d’hiver et l’interprétation de l’hymne olympique composé par Spiros Samaras, avec les paroles de Kostis Palamas qui est ici joué pour la première fois.

A l’ère de la conquête spatiale, le président du comité d’organisation Prentis C.Hale note dans son discours : « Vous pourrez rentrer chez vous en tant qu’ambassadeurs les mieux équipés au monde pour promouvoir l’unité et la paix. Avant de concentrer toute notre attention à conquérir l’espace extérieur, nous devons nous dévouer à conquérir l’espace intérieur : la distance qui sépare les nations ».

La flamme olympique, allumée en Norvège, à Morgedal, dans la maison du pionnier du ski Sondre Nordheim, a transité en avion avant d’arriver à Los Angeles où le lanceur de poids Parry O’Brien a pris le premier relais. Elle est ensuite passée de mains en mains vers Squaw Valley pour arriver dans les celles de la double championne olympique 1952 de ski alpin Andrea Mead-Lawrence qui l’attend au sommet du Little Papoose Peak. Elle dévale la piste pour la transmettre au patineur de vitesse médaillé d’or 1952 Kenneth Henry, qui a l’honneur d’allumer la vasque.

La patineuse artistique Carol Heiss, vice-championne olympique 1956, prononce le serment olympique au nom de tous les athlètes. Richard M.Nixon déclare les VIIIe Jeux d’hiver ouverts et la cérémonie d’ouverture se conclut par un lâcher de 30.000 ballons et un dernier feu d’artifice géant.