1932, l'année où les podiums ont fait leur apparition aux Jeux Olympiques
Qui n'a pas entendu un athlète dire avant une compétition, "je vise le podium", "je veux monter sur la plus haute marche", et autres expressions sur le même mode ? Mais d'où vient cette plateforme constituée d'une marche plus élevée que les deux autres situées des deux côtés ? Cette plateforme où les trois premiers reçoivent leurs médailles, où les drapeaux sont hissés, où le vainqueur entend son hymne national ? Remontons huit décennies en arrière…
Aux Jeux Olympiques, jusqu'en 1928, les trois premiers d'une compétition reçoivent leurs récompenses de différentes manières. Par exemple, lors des premiers Jeux de l'ère moderne à Athènes en 1896, Georges 1er, roi de Grèce, leur remet une médaille, un rameau d'olivier et un diplôme lors de la cérémonie de clôture. Dans le cas des Jeux d'Amsterdam 1928, les athlètes récompensés défilent devant la reine Wilhelmina et son époux, le prince Henry, installés devant une table dans la tribune d'honneur du stade olympique, qui leur remettent leurs récompenses, là aussi le jour de la cérémonie de clôture. D'une manière générale, les cérémonies "groupées" de remises des médailles voient les athlètes se situer dans une position plus basse que les dignitaires et officiels qui les récompensent. Par ailleurs, la montée des drapeaux et l'hymne national joué pour le vainqueur étaient déjà en vigueur à Athènes en 1896.
L'inspiration de Henri de Baillet-Latour
Aux Jeux d'Anvers en 1920, le Belge Victor Bonin prononce le premier serment olympique des athlètes, monté sur une petite plateforme au centre du stade olympique. Et lors des premiers "Jeux de l'Empire" (qui deviendront les "Jeux du Commonwealth") en 1930 à Hamilton au Canada, un podium apparaît dans le stade pour les épreuves d'athlétisme. Le vainqueur monte sur la plus haute marche (laquelle dispose d'une rambarde en bois sur laquelle il peut poser ses mains), le deuxième et le troisième sont placés respectivement à sa droite et à sa gauche, une marche plus bas. Ils sont encadrés des deux côtés par des militaires en uniforme et peuvent ainsi être salués par le public et le saluer à leur tour. Mais ce n'est pas à ce moment-là qu'ils reçoivent leurs médailles. Le comte de Baillet-Latour, président du CIO depuis 1925, est présent à Hamilton.
Inspiré par ce qu'il a vu au Canada, Henri de Baillet-Latour va développer son propre concept. En mai 1931, les comités d'organisation des Jeux d'hiver de Lake Placid et d'été de Los Angeles 1932 reçoivent de Lausanne des directives protocolaires du CIO intitulées "présentation des médailles, cérémonie de la victoire et montée du drapeau, annonces par les haut-parleurs". Il est notamment écrit : "Les médailles seront décernées par le président du CIO, le comte de Baillet-Latour, ou son représentant. Les athlètes seront placés sur trois piédestaux, celui du centre plus haut que les deux autres, le vainqueur de la première place s'installant au centre, le deuxième à sa droite, le troisième à sa gauche".
Ainsi, le 4 février 1932, lorsqu'il prononce le serment des athlètes durant la cérémonie d'ouverture des Jeux d'hiver de Lake Placid, le patineur de vitesse américain originaire de cette même ville Jack Shea est placé sur un étonnant objet, un podium rudimentaire (Jack Shea est sur la marche basse de gauche) ressemblant vaguement à trois tabourets en bois assemblés. Quelques heures plus tard, vainqueur du 500 m, Jack Shea est le tout premier champion olympique récompensé sur la plus haute marche du même "podium". Mais il y a une légère erreur : son dauphin, le Norvégien Bernt Evensen, monte à sa gauche, et le troisième, le Canadien Alexander Hurd, à sa droite. Contrairement aux instructions de Henri de Baillet-Latour, qui leur remet leurs médailles ! L'erreur en question sera instantanément corrigée pour le reste de ces Jeux… et pour toujours.
Quand à ce podium si rudimentaire, aux traverses en bois apparentes, il va être recouvert d'une draperie étoilée dès le lendemain, 5 février, et pour le même vainqueur : Jack Shea, premier du 1500 m. En fait, seuls les médaillés des épreuves de patinage de vitesse reçoivent leurs récompenses sur le podium étoilé après leurs épreuves. Pour tous les autres, ce sera lors de la cérémonie de clôture le 13 février, et notamment pour la fée de la glace norvégienne, Sonja Henie, reine des Jeux de Lake Placid, laquelle fait sensation dans un superbe manteau de fourrure.
1, 2, 3, c'est parti !
L'été venu à Los Angeles, les cérémonies de remise de médailles et les podiums prennent un aspect très proche de ce que l'on connaît aujourd'hui. En effet, les organisateurs de ces Jeux conçoivent un podium où apparaissent les chiffres 1, 2 et 3 sur les trois marches. Les concurrents en athlétisme son récompensés au Memorial Coliseum juste après leurs épreuves, ils montent sur le podium dans les survêtements officiels de leurs délégations, voient leurs drapeaux monter et entendent résonner l'hymne national du vainqueur. Pour les compétitions qui se déroulent hors du majestueux stade, les trois premiers viennent y être récompensés.
Par la suite, les podiums prendront diverses formes, selon l'imagination des différents comités d'organisation, ils sont ronds, carrés, plus ou moins larges, faits de différentes matières, de différentes couleurs, à deux ou trois niveaux, comportent les trois premiers chiffres ou pas, mais sont toujours décorés par les anneaux olympiques. Les podiums sont dressés sur le lieu des épreuves, différents officiels et dirigeants remettent les médailles, et souvent, pour la photo, le vainqueur invite ses deux dauphins à le rejoindre sur la plus haute marche. Mais il y a aussi, ensuite, et notamment aux Jeux d'hiver, tous les soirs, des cérémonies organisées sur une "place des médailles", souvent en ville, où les athlètes récompensés montent tour à tour sur une scène en face d'un public nombreux pour un moment particulièrement festif.
C'est donc grâce à Henri de Baillet-Latour que le podium est depuis 1932 un élément incontournable et un instant majeur des Jeux Olympiques !