Unis par le don de la vie – Alice Tait

Certains n’hésiteraient pas à dire de l’ex-nageuse australienne Alice Tait (née Mills) qu’elle est une "héroïne", elle qui a remporté deux médailles d’or pour son pays aux Jeux Olympiques de 2004 à Athènes. Retirée de la compétition depuis, cette infirmière de 32 ans qui travaille en salle d’opération à l’hôpital pédiatrique de Brisbane (AUS) pense elle que ses exploits font bien pâle figure en comparaison avec l’héroïsme dont font preuve jour après jour les donneurs d’organes et leurs jeunes receveurs.

Unis par le don de la vie – Alice Tait
© Nick Farley 2018

Détentrice du titre du 4x100m nage libre et du 4x100m 4 nages à Athènes et médaillée de bronze au 4x100m nage libre à Beijing quatre ans plus tard, Alice prend sa retraite sportive en 2012 après avoir décroché un total de 20 médailles lors de grandes compétitions internationales. Après avoir reçu l’Ordre d’Australie en 2005 pour services rendus au sport, elle a consacré ces cinq dernières années à sa profession, ce qui fait d’elle l’ambassadrice de prédilection pour les Jeux Australiens des Transplantés 2018 qui se dérouleront sur la Gold Coast entre le 30 septembre et le 6 octobre.

“J’ai simplement senti que c’était la bonne décision”, explique-t-elle. “Je veux voir comment ces patients dont j’ai peut-être croisé le chemin par le passé vivent de manière très active et saine. Ils surmontent beaucoup d’obstacles leur vie durant juste pour conserver leur transplant. Je pense que ce sera un vrai émerveillement de les voir mener la meilleure vie possible ”.

Elle attend ce moment avec impatience: “Pendant les Jeux, on nous invite à faire quelque chose. Je vais tenter de voir le maximum, surtout la natation et le programme pour enfants des deux derniers jours. Je veux faire leur connaissance et leur parler de ma carrière. Certains la décrivent comme "héroïque", mais les véritables héros, ce sont eux et les donateurs. Ce que nous faisons, nous les athlètes, n’a rien d’héroïque mais se battre contre la mort pour rester en vie, ça l’est. J’aimerais leur parler davantage de leur existence que de la nôtre.”

“Je leur conseillerai de respecter les plans de course et de prendre du plaisir.  Ces Jeux pourraient représenter le point culminant de leur vie d’athlète et de sportif et je veux qu’ils puissent nous en dire plus sur la signification que revêt une participation à un tel niveau”, ajoute-t-elle pour expliquer la manière dont ses expériences olympiques lui serviront dans son rôle d’ambassadrice.

Alice, qui travaille à l’hôpital pédiatrique Lady Cilento de Brisbane depuis son ouverture fin 2014, a commencé à planifier sa nouvelle voie tout en menant de front sa carrière d’athlète ; elle a ainsi entamé des études en soins infirmiers qui se sont conclues par un bachelor une année après avoir renoncé à la compétition.  Ce faisant, elle a assouvi sa passion pour le corps humain et a terminé par un stage dans des salles d’opérations.

“J’ai adoré,” explique-t-elle. “Dans mes candidatures post-universitaires je me suis moi-même limitée aux salles d’opérations et c’est ce que j’ai obtenu. J’étais rivée sur cet objectif ; je suis têtue, trait de caractère que j’ai hérité de ma carrière de nageuse”.

“Un jour je peux me retrouver en neurochirurgie et le lendemain en orthopédie, aux urgences, en chirurgie pédiatrique ou en ORL”, poursuit-elle en détaillant son travail. “C’est un métier physiquement et mentalement exigeant. Le principal, c’est de savoir anticiper le geste que va faire le chirurgien. Les nerfs sont toujours mis à rude épreuve, mais agir sous la pression fait partie de mes points forts. Il paraît que j’ai l’air calme mais c’était pareil quand je nageais : de l’extérieur vous avez l’air concentré et solide tout en étant en train de vivre des moments difficiles”.

Le travail dans le domaine de la transplantation fait également partie des activités d’Alice : “Nous transplantons principalement des foies et des reins, au rythme d’une fois par mois environ actuellement. C’est bien lorsqu’un foie est disponible pour ces enfants car ils sont plus ou moins en bout de course lorsqu’ils arrivent en salle d’opération. C’est toujours du dernière minute”.

“On vous appelle pour vous avertir qu’une transplantation de foie se prépare. Les opérations se déroulent généralement tôt le matin, vers 7 heures, mais la préparation dure environ trois heures. Nous devons donc être sur place à 4 heures du matin. La durée de l’opération varie selon que l’on a un foie entier ou pas. L’opération elle-même prend près de huit heures puis il faut nettoyer et ranger. C’est fatigant car on est sans arrêt en mouvement”.

Alice poursuit en décrivant les émotions suscitées par son métier: “Assister au moment où ils reçoivent l’organe est un moment d’une grande humilité et probablement une des choses les plus spéciales que nous faisons. Le seul bémol, c’est que nous les recousons et les renvoyons chez eux et que nous ne savons pas vraiment ce qu’ils deviennent. C’est la raison pour laquelle ces Jeux des transplantés m’ont vraiment intéressée, car je veux savoir comment ils gèrent l’après-opération”.

Lorsqu’elle fera enfin la connaissance des athlètes, elle se souviendra de tous leurs résultats, qu’ils aient eu ou non des médailles : “Ces gens sont toujours des gagnants. Ils vivent avec l’organe de quelqu’un d’autre en eux, cet organe fonctionne et leur permet de mener une vie d’athlète. Qu’importe s’ils gagnent ou s’ils perdent, ils ont déjà gagné puisqu’ils sont en vie. Je veux qu’ils soient contents d’avoir remporté l’argent ou le bronze et non pas découragés de ne pas avoir décroché l’or”.

L’implication d’Alice dans la vie des receveurs d’organe et dans le calvaire qu’ils traversent l’a rendue particulièrement attentive à la nécessité d’encourager les gens à faire don de leurs organes. C’est la raison pour laquelle elle s’est associée à ses collègues nageuses médaillées d’or olympiques Brooke Hanson et Melanie Wright dans le cadre d’une campagne de don d’organes organisées par Transplant Australia.

Désireuse d’intensifier son activité d’ambassadrice à l’avenir, Alice n’aimerait rien tant que participer une nouvelle fois à des Jeux Olympiques, là où elle s’est fait un nom alors qu’elle était adolescente. Rappelant ses jours de gloire dans la capitale grecque, elle raconte: “La natation était toute ma vie et je rêvais de participer aux Jeux ; aller à Athènes et faire une bonne compétition m’a permis de réaliser mon rêve. J’avais 18 ans et j’ai gagné l’or, j’ai contribué à établir un nouveau record du monde la toute première soirée. Qu’aurais-je pu avoir de plus ?”