Dimanche dernier à Saint Moritz, Federica Brignone est entrée dans l'histoire du ski alpin avec son premier podium de la saison.
En remportant le super G organisé en Suisse, elle est devenue la skieuse italienne la plus victorieuse de l'histoire en Coupe du monde. Avec 17 succès, elle a dépassé Deborah Compagnoni, la légende des années 90.
En 2020, elle était déjà devenue la première skieuse italienne à remporter le gros globe de cristal. La route de ses records a débuté en 2015 quand elle a décroché sa première victoire en Coupe du monde, c'était sur le slalom géant de Sölden. Dans cette spécialité, elle en compte désormais sept en plus de ses cinq succès en super G et dans les épreuves combinées. Une preuve de sa polyvalence.
Avec son dernier succès en super G, elle a aussi dépassé Karen Putzer et Sofia Goggia dans le classement des Italiennes comptant plus de succès dans cette discipline.
En plus de ses exploits en Coupe du monde, il ne faut pas oublier ses trois médailles mondiales (deux en juniors, une chez les seniors) et le bronze olympique remporté en slalom géant aux Jeux Olympiques d'hiver de PyeongChang 2018.
Olympics.com s'est entretenu avec elle en octobre dernier lors de la journée média de la FISI à Milan. La skieuse a parlé de sa saison olympique, de ses coéquipières et de santé mentale. En lisant ses mots aujourd'hui, on se rend compte qu'ils sont plus vrais que jamais.
Olympics.com : Sofia Goggia a dit que vous et vos coéquipières utilisaient beaucoup de métaphores musicales. Elle est une guitare électrique, Marta Bassino un violon et vous une flûte car vous avez la capacité à travailler de manière régulière et harmonieuse.
Federica Brignone : Oui, c'est sympa. J'aime cet instrument de musique mais je préfère la guitare donc ce n'est pas juste ! Même si la guitare acoustique est mon instrument favori.
OC : Vous faîtes partie de l'équipe italienne féminine de ski alpin la plus forte de l'histoire. Qu'est-ce que ça vous fait ?
FB : Je pense que nous sommes une équipe aussi forte, car nous sommes trois grandes travailleuses. Avoir une telle concurrence dans notre équipe nationale nous a permis d'élever notre niveau à l'entraînement. J'ai skié pendant tellement d'années avec de grandes championnes et j'ai beaucoup appris d'elles. J'ai essayé de prendre le sillage d'Emanuela [Mölgg], Denise [Karbon], Chiara [Maj] et Nicole [Gius]... Elles m'ont beaucoup aidé. Elles ont été une source d'inspiration, des exemples pour moi, car j'ai passé le début de ma carrière avec elles.
OC : Vous êtes montée sur 44 podiums en Coupe du monde, comme une certaine Deborah Compagnoni…
FB : Et avec autant de victoires (16 au moment de l'entretien). C'est fou de voir qu'on a le même nombre de victoires. Évidemment, mon premier objectif cette saison est de gagner une course. C'est un honneur pour moi, car Deborah est une grande championne et c'est tellement incroyable. Je n'arrive pas à m'y faire.
OC : Même si vous avez réalisé de bonnes performances l'an passé, vous aviez dit ne pas prendre beaucoup de plaisir. Comment vous-sentez vous désormais ?
FB : Je me sens vraiment plus sereine. Pendant le printemps et l'été, j'ai fait d'autres sports et je me suis amusée. Plutôt que de faire une pause, j'ai beaucoup travaillé physiquement. Pour une fois, je faisais des choses que j'aime et j'ai adoré ressentir l'adrénaline qui venait avec. J'ai toujours pensé qu'on ne vit qu'une fois et c'est vrai. Le sport est vraiment important, le ski est ma vie, mais il y a tellement d'autres choses dont j'avais besoin pour retrouver la paix et la joie, même sur les skis.
OC : « On ne vit qu'une fois », c'est votre devise cette saison ?
FB : Toujours !
OC : Que pensez-vous du nouveau format de la Coupe du monde de ski alpin ?
FB : Cet été, je n'ai pas été trop dérangée par ça.
Mon premier objectif est de gagner une course. Après ça, on se penchera sur mon objectif de la saison qui est de se qualifier pour les Jeux Olympiques d'hiver de Beijing 2022 dans un maximum de disciplines. La concurrence est rude dans l'équipe italienne et je veux m'aligner sur autant d'épreuves que possibles. Évidemment, mon plus grand rêve était de remporter le gros globe de cristal et je l'ai fait. Si je suis aux Jeux Olympiques, ça sera évidemment ça mon plus grand rêve.
Néanmoins, pour revenir à la Coupe du monde de ski alpin, il y a tellement de concurrence et je pense que c'est juste de programmer un même nombre de courses dans chaque discipline parce qu'avant, il y avait toujours beaucoup moins de super G que de descente et je trouve que ce n'est pas juste.
C'est vrai que les femmes sont meilleures dans les quatre disciplines ou au moins deux ou trois d'entre elles. De ce point de vue, il y a plus de concurrence chez les femmes que chez les hommes. Pour ceux qui visent le classement général, ça serait mieux de faire comme en biathlon, car c'est pratiquement impossible de sortir en compétition tous les week-ends et performer. Ça pourrait être utile pour la santé des athlètes.
OC : Les Jeux Olympiques d'hiver de Beijing 2022 arrivent à grands pas. Vous allez vous y présenter en ayant déjà gagné une médaille olympique. Lors des deux dernières saisons, vous avez l'air de vous concentrer sur le super G. Vous le confirmez ?
FB : Je ne sais pas. J'ai gagné des médailles aux Championnats du monde et aux Jeux Olympiques d'hiver en slalom géant et je considère cette discipline comme la mère de toutes les autres. Mais c'est vrai que le super G est ma discipline préférée, celle que je préfère... J'aimerais gagner une médaille olympique dans l'une ou dans l'autre, l'épreuve importe peu ! (rires)
OC : Vous êtes une des athlètes qui parle du stress vécu par les athlètes de haut niveau. Tokyo 2020 a été un moment décisif dans la prise de parole des femmes par rapport à la santé mentale des athlètes ...
FB : Oui, c'est vrai pour tellement d'athlètes. Vous aviez Simone Biles à Tokyo 2020, mais aussi Naomi Osaka... et beaucoup d'autres athlètes dans d'autres sports. Je pense que tous les sportifs de haut niveau sont à la limite. Ils doivent gérer beaucoup de choses et être au maximum pour être dans leur forme optimale et c'est difficile quand vous êtes sous le feu des projecteurs. Au fil des années, beaucoup d'entre nous avons eu besoin de cacher nos faiblesses parce qu'on ne pouvait pas vraiment les révéler. Nous avons tous été affectés par ce qui est arrivé ces dernières années. On a continué de s'entraîner et de se préparer, mais à quel prix ? Ça a ajouté de la pression sur nos épaules d'athlète et nous avons dû relever le test ultime qui a rendu tout le monde plus vulnérable.