Grand Prix de patinage artistique d'Espoo 2023 : Kevin Aymoz parle de sa concurrence avec Adam Siao Him Fa : « Je l'admire beaucoup »
Kevin Aymoz est l’un des patineurs les plus appréciés et il commence à se convaincre qu’il peut aussi rivaliser avec les meilleurs : « Je suis prêt à travailler pendant les trois prochaines saisons » pour préparer les Jeux Olympiques.
À la fin de la saison de patinage artistique l’an dernier, Kevin Aymoz avait terminé deux fois à la quatrième place. Ce qui a changé beaucoup de choses pour l’athlète français.
Après avoir manqué le podium aux Championnats d’Europe 2023 pour la deuxième fois de sa carrière en janvier (il s’était déjà classé quatrième en 2019), le patineur tricolore est arrivé aux Mondiaux « sans aucune motivation », avoue-t-il.
« Je m’en voulais vraiment. J’étais très triste. »
Mais son entraîneure Silvia Fontana, ancienne patineuse italienne, lui a lancé ce défi : « Contente-toi de patiner [aux Championnats du monde], parce que tu adores ça... Ne patine pas pour la performance. Fais simplement ce que tu peux », se rappelle Kevin Aymoz, en lice au Grand Prix d'Espoo 2023 (17-19 novembre), où il a terminé 5e du programme court ce vendredi 17 novembre.
Les fans de patinage artistique savaient déjà ce dont il est capable de faire, mais la réalité a pris une tournure complétement différente en mars, au sein de la Saitama Super Arena, au Japon. Car le Français a réalisé deux énormes programmes extrêmement émouvants pour terminer – vous l’avez deviné – au pied du podium.
« Ce n’était pas une mauvaise quatrième place, c’était vraiment une bonne performance », analyse-t-il en souriant, lors d’une récente interview en exclusivité pour Olympics.com. « Ce résultat me disait : 'Regarde, tu peux te rapprocher du podium aux Mondiaux.' »
« Cela m’a ouvert les yeux pour cette [saison] », a déclaré le patineur aujourd’hui âgé de 26 ans. « Ça m’a préparé et je suis prêt à travailler pendant les trois prochaines saisons pour préparer les prochains Jeux Olympiques et essayer de me rapprocher encore plus du podium. »
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Kevin Aymoz : « J’y suis allé pour sauter, c’est tout »
En obtenant la note de 282,97 aux Championnats du monde, en mars dernier, Kevin Aymoz a enregistré la meilleure performance de sa carrière. Et il est devenu l’un des chouchous du public en présentant des programmes captivants comme sur la chanson The Question of U (de Prince) pour son programme court des JO d’hiver 2022, et sur la musique du film Gladiator dans son programme libre l’année dernière.
Cette saison, il s’attaque peut-être à l’œuvre musicale la plus emblématique du patinage – le Boléro de Ravel – pour son programme libre. Une décision qu’il dit avoir prise grâce à l’accord de son équipe et avec la volonté que sa version soit très différente des propositions faites par le passé.
Alors que Kevin Aymoz terminait son programme au Skate America le mois dernier, les spectateurs se sont levés d’un bond pour l’acclamer quand il s’est agenouillé sur la glace au moment de son finish.
Le patineur tricolore pousse sa créativité et son engagement artistique encore plus loin grâce à une passion sans égal pour sa discipline, alors qu’il entame sa neuvième saison sur le circuit international seniors.
Son expérience est un couteau à double tranchant : « Je sais comment maîtriser ma performance », explique-t-il. « Mais je peux aussi avoir peur et être stressé. Je sais comment cela fonctionne. »
John Zimmerman, un autre entraîneur de Kevin Aymoz, l’a fait réfléchir avec une analogie en début de saison : « Tu dois imaginer une falaise par-dessus laquelle tu es capable de sauter. Le trou est étroit, mais c’est très haut : environ un kilomètre de profondeur. Tu pourrais mourir en cas de chute. » Ce coach américain qui a participé aux Jeux Olympiques d'hiver de Salt Lake City 2002 lui a dit : « Si tu veux sauter par-dessus cette falaise, tu dois franchir le pas sans avoir peur. Car si tu y vas avec des craintes, tu vas t’arrêter. Tu dois sauter comme si tu n’allais jamais t’arrêter. »
Kevin Aymoz ajoute : « C’est donc comme ça que j’y suis allé : sans aucune peur. J’y suis allé pour sauter, c’est tout. »
L’enjeu de l’ascension de son compatriote Adam Siao Him Fa
De 2016 à 2021, Kevin Aymoz a remporté cinq titres de champion de France, dont les quatre derniers de manière consécutive.
Mais son compatriote Adam Siao Him Fa a brisé sa propre série de quatre médailles d’argent consécutives, en venant interrompre sa domination à l’échelle nationale. Le jeune patineur de 22 ans a ensuite poursuivi sur sa lancée allant jusqu’à remporter une médaille d’or convoitée aux Championnats d’Europe quelques semaines plus tard. Là où Kevin Aymoz a atterri à la quatrième place.
Mais l’ascension d’Adam Siao Him Fa, qui a également participé aux JO de Beijing 2022, n’a pas dérangé Kevin Aymoz. En réalité, ça n’a fait que le motiver.
« J’admire beaucoup Adam », admet le Grenoblois. « Il a travaillé très dur pour en arriver là, [à mon niveau], et il [n’a pas peur] de l’affrontement. Nous sommes deux maintenant. »
« Mais je ne pense pas avoir besoin d’un autre titre de champion de France dans ma carrière. Bien sûr, c’est ce que je souhaite... Mais je me concentre vraiment sur mon objectif de médailles dans des compétitions internationales, et je pense que c’est la même chose pour [Adam]. »
Pour cette saison de Grands Prix, Adam Siao Him Fa a montré certains de ses meilleurs talents de patineur, en remportant deux médailles d’or consécutives au Grand Prix de France, puis à la Coupe de Chine.
Quant à Kevin Aymoz, après sa médaille d’argent au Skate America, il aimerait retrouver son compatriote Adam Siao Him Fa lors de la finale du Grand Prix ISU à Beijing le mois prochain. Ce serait la première fois depuis 2006 que deux patineurs français se qualifient pour la finale de la saison, après Brian Joubert et Alban Préaubert à l’époque.
« Nous sommes dans le même bateau : ce que nous voulons, ce sont des médailles internationales. Nous sommes tous les deux talentueux ; nous formons une belle équipe. »
Il en a également profité pour évoquer le patinage français dans sa globalité.
« J’ai toujours été très fier du patinage français. On n’est pas comme les grosses nations, avec trois patineurs sur toutes les compétitions internationales, mais la France a toujours réussi à apporter quelque chose de différent. Le patinage en France est tellement spécial et je l’aime pour ça. On a réussi à se démarquer et on va continuer, sur les prochaines années et générations. »
Kevin Aymoz parle de ses idoles de patinage… et de la Floride
Kevin Aymoz est un patineur par excellence : demandez-lui qui l’a inspiré quand il était enfant et à travers sa carrière, et il se perdra avec plaisir dans des livres d’histoire du sport.
« Je suis incapable de citer le moindre de nom parmi ceux et celles que j’admire en patinage artistique, car il y en a tellement ; la liste serait beaucoup trop longue », dit-il en riant.
Mais il s’est tout de même prêté à l’exercice : Patrick Chan, Florent Amodio, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, Jason Brown, Madison Chock et Evan Bates, Loena Hendrickx, Ilia Malinin.
« C’est effrayant de voir les jeunes arriver », avoue Aymoz en faisant référence à Malinin. « Mais c’est un beau sport... un sport vraiment magnifique. »
Kevin Aymoz a passé une bonne partie de ces six dernières années à s’entraîner avec Silvia Fontana et John Zimmerman du côté de Tampa, en Floride. Vous imaginez ? Un Français qui vit en Floride pour faire du patinage artistique...
Mais il en rit aussi.
« Quand je passe la frontière [très souvent], les douaniers me demandent ‘Que faites-vous ici ? Pourquoi venez-vous en Floride ?’ Je leur parle de patinage artistique et ils partent toujours en disant ‘Il n’y a pas de patins à glace en Floride. Mais uniquement des sandales de plage.’ »
« Mes amis me manquent beaucoup », admet-il en raison de sa vie à l’étranger – et du nombre considérable de déplacements qu’il fait chaque année. « La patinoire de ma ville natale [me manque] aussi. Mais je me sens chez moi en Floride... Regardez mon bronzage ! »