Oyuna Uranchimeg, la curleuse américaine qui a trouvé sa voie après un terrible accident

De la Mongolie aux États-Unis, des pensées suicidaires à une chance de médaille paralympique, Batoyun 'Oyuna' Uranchimeg raconte son histoire : « C’est juste irréel ».

8 minPar Ken Browne
Oyuna Uranchimeg at the Beijing 2022 Paralympic Winter Games. Image: Olympics.com

« Je dis aux gens que c’est le pays de ma renaissance ». C’est Oyuna Uranchimeg, curleuse de l’équipe des États-Unis, qui parle.

« Parce que mon accident m’a fait poser mes valises aux USA, avec cette nouvelle vie, avec ce nouveau chemin de vie à suivre. C’est incroyable de pouvoir représenter le pays à ce niveau-là. »

Uranchimeg a discuté avec Olympics.com lors des Jeux Paralympiques de Beijing 2022. Il y a 20 ans, elle s’est rendue aux États-Unis en provenance de Mongolie et sa vie a changé à jamais.

« Une semaine seulement après mon arrivée aux États-Unis, j’ai été victime d’un accident de voiture, avec blessure de la colonne vertébrale qui m’a rendue paraplégique. Je vais devoir me déplacer en fauteuil roulant jusqu’à la fin de mes jours. »

« Quand ce genre de choses t’arrivent, tu déprimes, tu perds espoir pour la vie et l’avenir. Et quand tu n’as aucun espoir d’avenir, c’est dur de vivre. »

« Peu après mon accident, il y a des moments où j’ai pensé au suicide. Je pensais que ma vie était finie. »

Oyuna Uranchimeg : « J’ai tenu pour mes enfants »

« J’imagine que ça fait partie du processus de deuil », ajoute-t-elle.

« Tu perds quelque chose de grand dans ta vie. Parce que, oui, c’est quand même énorme de perdre la moitié de ta fonction corporelle. Tu ne peux plus bouger les jambes, tu ne sens plus tes jambes. Et ce n’est pas que ça : tu ne peux plus aller aux toilettes comme avant par exemple. Ta vie a complètement changé. »

« Donc pendant le processus de deuil, c’est ce que je ressentais. Mais beaucoup de personnes m’ont aidée à m’en sortir, à voir les choses sous un autre œil et à me donner de l’espoir. »

« J’ai dû traverser cette mauvaise passe, je n’avais pas le choix, surtout quand tu as des enfants, quand tu es parent, que tu as l’obligation d’élever tes enfants et que tu dois être là pour eux, vous ne croyez pas ? »

« J’avais un enfant, donc je ne pouvais pas dire : "Allez, c’est fini, je vais mourir et ce que devient mon enfant, je m’en fiche". Je ne pouvais pas faire ça. »

« En gros, je n’avais pas d’autre choix que d’être un parent et de continuer à élever mon fils. J’imagine que ça m’a aidé à traverser tout ça, à ignorer ma douleur et à surmonter cette épreuve. »

« Quand une chose si tragique se produit, la plupart des gens extérieurs se demandent : "Mais comment cette personne peut réussir à traverser ça ? Si j’étais à sa place, je ne pourrais pas survivre ou traverser cette situation, ou gérer la situation aussi bien qu’elle". »

« Mais quand c’est toi qui vis cette situation, tu n’as pas d’autre choix que de tenir. Tu n’as pas le choix. Le seul autre choix que tu as, c’est de baisser les bras et mourir, j’imagine. »

« Surtout quand tes enfants sont petits, c’est le moment où ils ont le plus besoin de toi. Le plus dur pour moi, c’était d’être loin d’eux quand ils avaient besoin de moi. Je pense que mon fils a beaucoup souffert, lui aussi. »

« J’ai tendance à pleurer quand je repense à cette époque », dit-elle alors que les larmes commencent à couler. « Parce que mon petit garçon, qui n’a que six ans, n’avait jamais quitté son papa et sa maman. »

« Je lui ai manqué tous les jours, donc c’était très dur. »

« Mes deux enfants sont extrêmement fiers »

Aujourd’hui, ses enfants regardent fièrement leur maman participer aux Jeux Paralympiques de Beijing 2022, sous la bannière des USA, alors qu’elle a commencé à pratiquer le curling il y a à peine six ans.

« Hier, mon fils regardait le match USA - Norvège avec ses collègues de travail. Ils criaient devant l’écran parce que le match était plutôt intense. »

« Mes deux enfants sont extrêmement fiers de moi. En tant que parent, j’aimerais montrer l’exemple à mes enfants : ce que ça veut dire d’avoir un objectif dans la vie, ce que ça veut dire d’essayer d’atteindre ton objectif et finalement de l’atteindre. »

« Donc j’espère que mes enfants voient que je me fixe des objectifs et que je les atteints. Qu’ils s’empreignent de ça. Et ensuite, quels que soient leurs objectifs, qu’ils fassent la même chose, qu’ils se fixent des objectifs et qu’ils tiennent bon pour les atteindre. »

« En fait, ma fille prépare son certificat pour entrer en école de médecine. J’espère qu’elle va réussir à atteindre son objectif et j’espère l’inspirer à aller jusqu’au bout, à ne jamais abandonner. »

Un brunch qui mène aux Jeux Paralympiques

Mais comment le curling fauteuil est-il entré dans la vie d’Oyuna Uranchimeg ?

« Jusqu’à il y a six ans, je ne connaissais rien au curling. Le seul moment où j’avais entendu parler ou regardé du curling, c’était à la télé pendant les Jeux Olympiques. »

« Du genre, tu zappes et tu vois quelqu’un qui fait glisser une pierre sur la glace, et quelqu’un d’autre qui balaie devant la pierre. Je n’avais aucune idée de ce que c’était. »

« J’avais un ami qui faisait du curling en club dans les villes jumelles [Minneapolis-Saint Paul] donc il me parlait de curling, mais je n’avais jamais vraiment fait attention. Et un jour, cet ami m’a appelée pour me dire qu’il avait une surprise pour moi. Il voulait que je rencontre des amis à lui. »

« Je suis allée le voir parce qu’il m’a dit qu’on allait déjeuner ou bruncher. Donc moi, j’ai dit : "D’accord, allons manger !". »

« Bref, c’était ça la surprise. J’ai ensuite rencontré l’équipe nationale, puis les entraîneurs quand ils sont passés en stage à Blaine, dans le Minnesota, il y a six ans. »

« Je n’avais jamais pensé à devenir athlète avant cela. Je vivais normalement, je travaillais à temps plein et les seules choses auxquelles je pensais, c’était payer mes factures et le bien-être de mes enfants… une vie tout à fait normale. »

« C’était une très bonne surprise qui a changé ma vie. »

« Ça me semble encore irréel »

Quelques années plus tard, Oyuna s’envolait pour les Jeux Paralympiques.

« C’était un peu irréel. Genre, je suis là, entourée de tous ces grands athlètes et pas seulement dans mon équipe. Il y a tous les autres athlètes, ceux qui ont fait les Jeux Paralympiques plein de fois et ceux qui ont réalisé tant de belles choses dans leur carrière sportive. Des personnes qui ont décroché plusieurs médailles d’or, des médailles d’argent et tout. »

« L’équipe de para hockey sur glace, de ski nordique, de ski alpin… Tous ces athlètes, c’est juste incroyable. Genre, je fais partie de ces gens-là. C’est un peu irréel, vous savez ? »

« Non, mais imaginez : j’étais assistante administrative dans un bureau et j’aidais les autres. Je ne me serais jamais imaginée être athlète, à représenter ce pays. »

« Ça me semble encore irréel aujourd’hui. C’est fou. Je ne sais pas ce que j’ai fait dans une vie antérieure pour mériter ça. Je dois avoir sauvé le pays pour qu’on m’offre une telle opportunité ! Donc, bon, oui, c’est incroyable. »

Oyuna Uranchimeg : « Fière de ce que j’ai accompli »

« Je ne suis vraiment pas compétitive, mais j’aime faire de mon mieux, c’est vrai », poursuit-elle.

« Je suis aussi du genre perfectionniste. Quand je fais quelque chose, j’aime que ça soit bien fait. C’est peut-être pour ça que le curling correspond à ma personnalité, dans un sens. »

« Quand tu t’entraînes, tu veux perfectionner ton tir, non ? En gros, tu es en compétition avec toi-même. En tout cas, moi, je suis en compétition avec moi-même et j’essaie de battre mon moi d’hier. »

« Ou celui du mois dernier. Je veux juste m’améliorer. Le tir parfait, la routine parfaite... J’imagine que c’est un peu comme les personnes atteintes de TOC. Je pense que j’ai quelques TOC et parfois, je suis un peu obsédée par la perfection. »

« C’est sans doute pour cette raison que je m’entraîne très dur. Je veux juste perfectionner les qualités dont j’ai besoin. »

Uranchimeg espère aussi écrire une nouvelle page de l’histoire paralympique en offrant aux USA sa première médaille en curling, aux Jeux à Pékin. Cependant, même si elle ne parvient pas à atteindre cet objectif, elle sait qu’elle a déjà parcouru un beau chemin.

« Oui, même si on ne ramène pas de médaille, je serais quand même fière de ce que j’ai accompli jusqu’à présent et de l’expérience que j’ai vécue ici. »

Et elle a déjà un œil sur les Jeux d’hiver qui auront lieu en Italie en 2026, avec les premiers pas du double mixte en curling fauteuil.

Vous n’avez pas fini d’entendre parler d’Oyuna Uranchimeg.

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