Mes Jeux Olympiques : le Britannique Jason Kenny passe d’une édition à l’autre
Jason Kenny peut devenir l’athlète britannique le plus titré de l’histoire aux Jeux de Tokyo 2020. Le "tueur" tranquille de l’équipe britannique de cyclisme ne s’est cependant résolu à reprendre du service uniquement parce qu’il n’a pas pu trouver un emploi "régulier" à sa mesure…
Jason Kenny a pris sa retraite après Rio 2016. Mais l’olympien britannique le plus titré de l’histoire (à égalité avec son compatriote cycliste, Chris Hoy) a découvert que les médailles d’or n’avaient pas toujours une grande valeur sur le marché du travail. "Il n’y avait qu’une seule référence sur mon CV : les médailles", confie-t-il en riant. "J’ai postulé à quelques emplois, mais cela n’a rien donné. Il aurait peut-être fallu qu’un de mes supporteurs m’embauche !"
Quelque peu désorienté, Jason Kenny est remonté sur son vélo en 2017. "J’avais vraiment arrêté le cyclisme et je m’étais reposé pendant un an", indique le coureur qui a vécu trois éditions des Jeux au sein d’une équipe olympique de Grande-Bretagne très compétitive. "Je me suis fait plaisir. Quand on est athlète, on fait énormément de sacrifices pour tenter de rester en forme au maximum. Alors j’ai pris du bon temps. Je suis allé à la salle de sport avec des copains, je me suis marié et j’ai fondé une famille [la femme de Jason, Laura Kenny, est aussi une légende olympique du cyclisme britannique]."
"Comme je ne travaillais pas, j’ai fini par reprendre l’entraînement. Je voulais voir ce qui allait se passer. Et j’avais l’impression d’avoir un nouveau regard sur le vélo. Ça m’a renvoyé à l’époque où j’ai essayé pour la première fois d’intégrer l’équipe. Je m’améliorais chaque jour. C’était presque comme une nouvelle naissance."
"J’ai dû repartir de zéro. Si je n’avais pas pris ma retraite, j’aurais gardé cette forme physique, mais aujourd’hui, je progresse à nouveau petit à petit. Ça n’a pas été facile de renouer avec la course et de voir tous les changements qui avaient été opérés, et de redevenir compétitif."
Peu sont ceux qui doutent du fait que Jason Kenny sera dans l’avion pour Tokyo 2020, où il aura l’occasion de devenir l’olympien britannique le plus titré. Ce dernier compte actuellement six médailles d’or à son actif : une à Beijing 2008, deux à Londres 2012 et trois à Rio 2016, ainsi qu’une en argent, soit exactement le même nombre que Chris Hoy.
Âgé de 31 ans et originaire de Bolton, Jason Kenny, qui parle posément, symbolise peut-être plus que tout autre, le formidable renouveau olympique de la Grande-Bretagne lors des trois dernières éditions des Jeux. Une somme considérable provenant de la Loterie nationale britannique a en effet été allouée aux programmes olympiques de l’équipe nationale britannique avant Beijing 2008 (19 médailles d’or et une 4e place au classement des médailles), Londres 2012 (29 médailles d’or, 3e) et Rio 2016 (27 médailles d’or et 2e, le meilleur résultat du pays depuis Londres 1908).
Team GB (la délégation britannique) a ciblé sans états d’âme les sports dans lesquels le pays avait des chances de médailles. Le cyclisme sur piste était son joyau. Et malgré la présence d’une pléiade de stars à leurs côtés, Jason et sa future épouse Laura Trott - l’olympienne britannique la plus titrée avec quatre médailles d’or - sont devenus son couple phare. Leur attitude très proche du public a également renforcé leur popularité au Royaume-Uni. Jason Kenny est d’ailleurs tout à fait sincère lorsqu’il dit à propos de son record qu’il n’y a "jamais vraiment songé".
Jason Kenny s’est libéré très tôt de la pression. Âgé de 20 ans aux Jeux de Beijing 2008, il a fait subrepticement son entrée dans le groupe de vitesse britannique qui a remporté l’or et l’argent en vitesse individuelle hommes. "Ces Jeux ont été exceptionnels, car on ne m’attendait pas vraiment et je n’avais donc rien à perdre", commente-t-il.
"Je n’étais pas stressé. Comme je n’étais pas supposé faire partie de l’équipe de vitesse, il a fallu vraiment se battre pour obtenir une place. Alors quand j’ai décroché le précieux sésame, j’ai su qu’on avait de bonnes chances de remporter l’or. Je me souviens être retourné au village (olympique) après notre victoire et avoir pensé que c’était fait, et que nous avions rempli notre mission. C’est la meilleure sensation que j’aie jamais ressentie."
"Ça m’a préparé mentalement pour les Jeux Olympiques suivants. J’ai eu de la chance de remporter l’or aussi tôt. Certains athlètes travaillent très dur et n’en obtiennent jamais. Y arriver dès sa première tentative, c’était vraiment super."
À Londres 2012, les supporteurs de Jason Kenny ont vécu un été d’enfer. Il est donc normal que Jason s’en souvienne comme d’un moment fort de sa carrière. "L’essentiel, c’est qu’il y avait vraiment une bonne ambiance dans cette équipe, tout comme au vélodrome où il y avait des décibels. C’était géant", déclare-t-il.
"Je me suis concentré sur la vitesse par équipes, si bien qu’il y avait moins de pression individuelle, car on travaillait ensemble et il y avait une émulation entre nous. J’avais été repéré pour Londres 2012 et je m’y étais préparé. J’avais 24 ans et j’étais au sommet de mes capacités. Cela a été tout simplement une bonne expérience, et je suis devenu très copain avec Chris [Hoy]."
Jason Kenny a également remporté la vitesse individuelle à Londres. Mais alors que Rio se profilait, il a eu peur de ne plus jamais retrouver le sommet. "En janvier 2016, je n’allais pas bien et j’en avais assez", confie-t-il. "Je ne pensais pas pouvoir faire mieux qu’à Londres. J’étais juste en train de m’user. Je me sentais toutefois suffisamment en forme pour la vitesse par équipes et je n’ai donc pas voulu abandonner avant Rio. Je me disais que j’allais m’en sortir, mais en y réfléchissant, j’étais persuadé que tout allait s’arrêter là."
"Et puis je suis devenu champion du monde en mars. Je n’ai pas senti la magie opérer comme cela avait été le cas avant Londres, mais tout s’est précipité. Je suis devenu de plus en plus rapide dans les dernières semaines. Quand je me suis présenté sur la ligne de départ, jamais je n’avais été aussi confiant. C’était bizarre. Je regardais les autres réaliser leurs chronos et je me disais qu’il n’y aurait pas de problème. J’aurais pu dire avant Rio ce que j’allais faire." Une fois de plus, il a empoché l’or de la vitesse par équipes et individuelle, ainsi que l'épreuve du keirin.
À un peu moins d’un an de Tokyo 2020, Jason est particulièrement détendu. "Quand on s’entraîne bien, on veut remettre ça le lendemain. Je travaille dur pour l’année prochaine. Ensuite, il faudra monter en puissance et réaliser une performance. Advienne que pourra. Je n’ai plus rien à prouver."
"Nous faisons actuellement le maximum pour nous qualifier le plus facilement possible. Nous voulons jeter les bases d’une bonne préparation estivale pour les Jeux. Je ne sais pas exactement comment on va procéder. C’est la quatrième fois que j’essaie et, à chaque fois, c’était différent. Si nous faisions exactement ce que nous avions fait avant Beijing, ça ne marcherait pas aujourd’hui. Cela ne suffirait pas."
Jason Kenny n’est jamais allé au Japon et l’idée de découvrir un nouvel endroit l’enthousiasme. Apparemment, seule une chose pourrait troubler son calme : regarder son épouse concourir. "C’est beaucoup plus dur de regarder Laura que d’être moi-même en compétition", reconnaît-t-il. "Je comprends mieux maintenant ce que mes parents ont éprouvé tout au long de ma carrière. Ils étaient stressés et je leur demandais pourquoi ils étaient inquiets. Mais aujourd’hui, je comprends. On n’a aucun contrôle sur la situation, mais on veut juste que l’autre réussisse."