Spyridon Louis devient le héros du marathon et du peuple grec

L’un des temps forts indiscutables des Jeux Olympiques de 1896 est le marathon. Imaginée par le Français Michel Bréal, la course suit l’itinéraire de légende de Pheidippides, un coureur entraîné dont on dit qu’il a été envoyé de la plaine de Marathon jusqu’à Athènes pour annoncer la défaite d’une armée d’envahisseurs perses, en 490 av. JC. Le 10 avril, la course devient le point culminant de ces Jeux inauguraux. Et le fait qu’elle soit gagnée par un Grec, Spyridon Louis, va déclencher une réaction d’euphorie dans le pays hôte.

Spyridon Louis devient le héros du marathon et du peuple grec
(IOC)

Il n’est pas exagéré de dire que le pays tout entier a à cœur de remporter le prix offert par M. Michel Bréal, un académicien français, en mémoire du célèbre coursier athénien qui a parcouru la distance séparant Marathon de la ville pour annoncer la défaite des Perses avant de tomber raide mort en arrivant.

Lors de ces premiers Jeux, les concurrents grecs sont au nombre de 230 sur les 313 participants, mais c’est au marathon que leur désir de vaincre est plus fort que tout. Et ils obtiennent satisfaction, puisque les Grecs trustent les trois places du podium, rachetant ainsi au centuple leur déception des autres épreuves.

(IOC)

Avant cela, un colonel de l’armée a mis sur pied des courses de qualification pour sélectionner les candidats grecs. Il s’appelle Papadiamantopoulos et a été le commandant de Spyrídon Loúis durant son service militaire. Lors des manœuvres, Loúis s’est taillé une certaine réputation, en raison de son endurance et de sa vitesse impressionnantes, et on le persuade de s’aligner au départ de la seconde épreuve de qualification. Il ne termine que cinquième, derrière le vainqueur Dimitrios Deligiannis, mais cela s’avère suffisant pour participer à la course olympique.

Âgé de 23 ans, Loúis, qui est porteur d’eau dans la boutique d’eau minérale de son père, prend la tête à quatre kilomètres de l’arrivée qu’il franchit plus de sept minutes avant son plus proche adversaire, pour la plus grande joie des 100 000 spectateurs du stade.

(IOC)

Dix-sept athlètes - dont 13 Grecs – se sont extirpés d’un petit peloton à Marathon. C’est un Français qui s’est porté d’abord aux commandes, Albin Lermusiaux, qui a déjà terminé troisième du 1 500 m, mais gagné par la fatigue après 32 km de course, il est contraint à l’abandon. Edwin Flack, l’Australien victorieux du 800 m et du 1 500 m, prend le relais, mais Loúis se rapproche lentement de lui et le passe lorsque l’Australien s’effondre, victime d’une énorme défaillance.

Dans le stade l’atmosphère est tendue, surtout depuis qu’un cycliste est venu annoncer qu’un Australien était en tête. Mais lorsque Loúis prend les commandes, la police dépêche un autre messager pour répandre la nouvelle : un Grec est désormais en tête et le stade n’en finit plus de résonner des cris de « Hellene, Hellene ! » (« Grèce, Grèce ! »). Quand Spyrídon Loúis pénètre enfin dans le stade, les spectateurs n’en peuvent plus de joie. Deux princes grecs – le prince héritier Constantin et le prince Georges – se précipitent à sa rencontre et l’accompagnent tout au long de son dernier tour, qu’il boucle pour terminer en 2h58’50’’.

Du jour au lendemain, Loúis accède au statut de héros national. Les pages de tous les journaux du lendemain sont noircies de ses exploits, relatent sa vie et dressent son portrait. Quelques boutiques vont même jusqu’à adopter son nom pour attirer les clients. Le vainqueur, Spyrídon Loúis lui-même, est submergé par l’attention dont il est désormais l’objet.

Le résultat est rapidement télégraphié vers les principales villes de Grèce, déclenchant immédiatement dans tout le pays des « défilés » en l’honneur du vainqueur. Les télégrammes de félicitations affluent du monde entier, tout comme pléthore de cadeaux, allant d’un vase antique à un abonnement pour un rasage gratuit à vie offert par un barbier athénien. Certains expatriés grecs en Angleterre lui offrent même un champ, rebaptisé en son honneur le champ de Marathon.

(By Bundesarchiv, Bild 183-G00178 / CC-BY-SA 3.0, CC BY-SA 3.0 de, Link)

CC BY-SA 3.0 deLink

On rapporte également que le roi de Grèce a proposé de lui offrir tout ce qu’il demanderait, mais tout ce que Loúis a trouvé a été de réclamer une charrette d’âne pour l’aider à porter l’eau çà et là. Il se retirera dans sa ville natale et ne prendra plus part à la moindre compétition. Il vivra une vie tranquille, travaillant comme fermier, puis comme agent de police.

En 1936, il sera choisi comme porte-drapeau de la délégation grecque aux Jeux Olympiques de Berlin, où il évoquera ses exploits de quatre décennies en arrière. « Cela a été un moment inimaginable et aujourd’hui encore, je m’en souviens comme d’un rêve… Ce jour-là, il pleuvait des branches et des fleurs. Tout le monde prononçait mon nom et lançait son chapeau en l’air… »

Il mourra quatre ans plus tard, à l’âge de 67 ans. Son esprit demeure toutefois vivant et de nombreux clubs sportifs de Grèce et de l’étranger portent son nom, tout comme le stade principal du Complexe sportif olympique d’Athènes, site majeur des Jeux Olympiques d’été de 2004. Son nom a même intégré le langage grec, à travers l’expression "yinomai Loúis " (γίνομαι Λούης), qui signifie littéralement « devenir Loúis », c’est-à-dire « disparaître rapidement ».

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