Le formidable match Kankkonen - Engan en saut à ski

Le formidable match Kankkonen - Engan en saut à ski
(IOC)

A Innsbruck, une épreuve de saut à ski supplémentaire est définitivement inscrite au programme,le « Grand Tremplin » (K90) qui vient s’ajouter au « tremplin normal » (K70). Le spectacle, devant les dizaines de milliers de fans massés autour des tremplins du Bergisel et de Seefeld, va être grandiose, avec deux protagonistes centraux : le Norvégien Toralf Engan et le Finlandais Veikko Kankkonen.

Veikko Kankkonen a déjà participé aux Jeux de Squaw Valley en 1960 où il s’est classé 40e,à l’âge de 20 ans. Mais il a largement progressé depuis. Toralf Engan, lui, plus vieux de 4 ans, ne s’est pas qualifié pour les VIIIes Jeux d’hiver en Californie, mais en 1961, il a remporté le championnat de Norvège, puis a passé un hiver 1962 de haute volée : il est devenu champion du monde au tremplin normal à Zakopane (Pologne) et a gagné 22 des 26 compétitions auxquelles il a participé. L’année suivante, il s’est imposé dans le fameux Tournoi des quatre-tremplins. Kankkonen lui a succédé en remportant cette compétition début janvier 1964, juste avant de disputer les Jeux d’Innsbruck.

Le 21 janvier 1964 à Seefeld, Engan est le 43e concurrent à s’élancer du haut du tremplin K70, Kankkonen le 54e et dernier. Au premier saut, le Norvégien Hans Olav Sørensen, dossard No 1, atterrit à 76,0 m et prend la tête du concours. Engan le déloge de la première place en bondissant à 79,0 m. Kankkonen rate sa première tentative - 77,0 m - et se contente de la 29e place provisoire.

Lors de la 2e rotation, le champion finlandais déploie ses ailes et réussit le meilleur bond du concours, 80,0 m avec des notes de style particulièrement élevées. Mais Engan, avec un 2e saut à 78,5 m, n’est pas très loin et tient solidement la première place de la compétition alors que Kankkonen remonte à la 4e place.

C’est donc au 3e et dernier saut, au bout du suspense et en réussissant 79,0 m avec à nouveau les meilleures notes de style, que Kankkonen réussit à devancer Engan, 79,0 m aussi, mais pénalisé pour un atterrissage moins réussi. 229,90 points au total pour le Finlandais sacré champion olympique, 226,30 pour le Norvégien. Son compatriote Torgeir Brandtzæg les rejoint sur le podium, 3e avec 222,90 points.

Revoilà les deux protagonistes de ce duel phénoménal au tremplin normal, 9 jours plus tard, en haut du K90 du Bergisel devant une foule imposante pour le premier concours « grand tremplin » olympique de l’histoire. Cette fois, le Norvégien porte le dossard 42 et le Finlandais, le 47. Leur explication va être à nouveau si intense, qu’un montage photo pleine page du rapport officiel les montre en vol parallèle, dans une position identique : penchés à l’extrême vers les skis, bras collés le long du corps, avec cette légende : « Les deux exceptionnels sauteurs des Jeux ».

Et cela part très fort : au premier saut, Kankkonen se pose à 95,5 m, le bond le plus long de ce concours, et prend d’entrée 4,2 points d’avance sur Engan, 2e avec 93,5 m. La piste d’élan est réduite pour la 2e rotation, où Engan réussit cette fois 90,5 m avec un atterrissage parfait, tandis que Kankkonen réalise un saut de longueur identique, mais en ratant sa réception. Engan prend donc la tête du classement, 1,8 point devant son rival finlandais. Quant à Torgeir Brandtzæg, déjà en bronze 9 jours plus tôt, ses deux sauts à 92,0 m et 90,0 m lui assurent une nouvelle médaille.

Tout reste à jouer lors du 3e saut sur une piste d’élan encore abaissée d’un cran. Brandtzæg réussit 87,0 m et scelle sa médaille de bronze. Engan, sous pression, cafouille et ne retombe qu’à 73,0 m. Kankkonen a dès lors toutes les cartes en mains pour remporter son 2e titre olympique, ce qu’il semble réaliser en retombant à 88,0 m…. mais il pose une main sur la neige et perd tous les points de style, laissant la victoire et une revanche à Toralf Engan qui l’emporte avec un total de 230,70 points, contre 228,90 points pour le Finlandais. Brandtzæg suit avec 227,20 points. Quel match !

On ne reverra plus les deux formidables protagonistes d’Innsbruck à pareille fête. Toralf Engan arrête sa carrière sportive en 1966 et devient à la fin des années 1960 entraîneur en chef de l’équipe norvégienne de saut. Veikko Kankkonen, lui, dispute encore les Jeux de Grenoble en 1968 sans obtenir de résultat significatif, puis devient lui aussi entraîneur dans son pays.

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