Parmi les centaines d’athlètes de breaking, de BMX Freestyle, d'escalade sportive et de skateboard présents aux Séries de qualification olympique (OQS) du 16 au 19 mai à Shanghai, l’un d’entre eux a une histoire peu commune.
Joseph Garbaccio n’est pas qu’un skateur de l’équipe de France. Il est également YouTubeur et créateur de contenu. À la veille des OQS, sa chaîne YouTube affiche 300 000 abonnés, tandis que son compte Instagram réunit 142 000 followers.
Il skate depuis l’âge de 5 ans mais il a filmé sa première vidéo pour YouTube en juillet 2019. « J’étais mal à l’aise rien qu’à l’idée de filmer mon introduction. J’étais hyper introverti, même si c’est encore un peu le cas aujourd’hui », a-t-il déclaré en exclusivité pour Olympics.com.
Le Normand, qui se décrit comme « un grand enfant passionné qui fait ce qu’il aime », a pourtant su vaincre cette timidité pour partager sa passion et se lancer à corps perdu dans la création de contenu.
« Comme j’étais au Havre, qui n’est pas une grosse ville de skate, j’étais un peu à l’écart. On était un peu dans notre coin avec mes potes. J’avais envie de partager mes délires, ma passion avec des gens qui sont comme moi quand j’étais petit, qui sont un peu à l’écart et n’ont pas les moyens d’aller voir une compétition ou de voyager pour le skate. »
Mais au-delà de la communauté qu’il a réussi à fédérer grâce à son contenu et sa personnalité, le skateur apprécie les opportunités qui s’offrent aujourd’hui à lui grâce à YouTube.
« Je fais plus de choses qu’avant. Je voyage, je skate des planches un peu farfelues. Et ça m’ouvre des portes pour des événements ou des collaborations avec des marques. » De façon détournée, la création de vidéos lui sert aussi d’entraînement. « Ça me pousse à essayer des nouveautés, à travailler la polyvalence. Dans le skate, l’adaptabilité, c’est hyper important. »
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La transmission au-delà de YouTube
En parallèle de ses réseaux, Joseph Garbaccio a aussi lancé un programme de formation, Skate and Progress, destiné aux personnes qui veulent tout simplement apprendre le skate. Là encore, ce projet s’inscrit dans une volonté de transmission de ses connaissances.
« Après le bac, j’ai passé le diplôme pour être prof de skate et j’ai lancé ma chaîne en parallèle. J’avais envie de me servir de mes connaissances, mais je n’avais pas vraiment le temps de donner des cours, d’autant que ma communauté grossissait. » Il décide alors de créer sa propre formation pour que tous et toutes puissent progresser.
« C’est un métier à plein temps ! Même si ça fait partie des nouveaux métiers et que certaines personnes s’étonnent que l’on n’ait pas de travail à côté », explique Garbaccio avec humour.
Il a même tenu à sortir cette formation en format numérique mais aussi en format papier, pour rendre hommage aux magazines de skate qui ont bercé sa jeunesse et que l’on trouve « de moins en moins. » De quoi ravir les lecteurs de Sugar ou Thrasher.
« Je trouve ça important, parce que tu peux l’offrir ou le faire dédicacer. J’aurais pu me contenter d’un fichier avec des vidéos, ça aurait été plus simple. Mais je trouve que c’est hyper important de garder ce côté papier. » Joseph Garbaccio souligne également que Vincent Milou, autre skateur français présent aux OQS, excelle dans sa capacité à produire du contenu intéressant.
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Perpétuer ce qui fait la beauté du skate
Par son profil atypique et ses activités multiples, Joseph Garbaccio fait ainsi le lien entre les racines du skate traditionnel, né dans la rue, et sa forme évoluée et moderne, celle que l’on retrouvera aux Jeux Olympiques de Paris 2024.
Si cette évolution est parfois critiquée chez les puristes de la discipline, Joseph Garbaccio trace sa route. « Il y en a qui sont contre, mais je n’ai pas envie de plaire à tout le monde. On ne peut jamais faire l’unanimité. »
Le Français reste toutefois attaché à ce qui l’a fait tomber amoureux du skateboard quand il était plus jeune. « Pour moi, le skate, ça reste prendre sa planche et skater un trottoir un rail de dix marches en compétition. Tant que tu ne gênes personne et que tu prends du plaisir, il y a zéro problème. »
Son ouverture d’esprit semble être le secret de sa réussite. « Il n’y a rien de négatif. Je le fais avec plaisir, pour moi, ça ne va pas m’empêcher d’aller aux JO et de tester un skate hyper bizarre le lendemain. »
Cette polyvalence se retrouve également dans son style, fait de vitesse et de puissance. « J’ai commencé en street parce qu’il n’y avait pas de skatepark et que la rampe était trop haute pour moi quand j’étais petit. Puis on a eu un bowl [au Havre] donc j’ai ensuite fait plus de bowl que de street. J’ai toujours gardé ces deux trucs-là. » Du park (ou bowl), il y en aura également lors des JO de Paris 2024 ainsi qu'aux OQS de Shanghai.
Ces deux échéances donnent à Joseph Garbaccio l'occasion de s’inscrire dans la lignée des champions olympiques qu’il a admirés étant plus jeune. « Forcément, il y a eu Usain Bolt, c’est du classique. Aux JO d’hiver, il y avait aussi Martin Fourcade. Mais comme j’ai fait beaucoup de judo quand j’étais petit, forcément, je vais dire Teddy Riner. C’est un peu le boss. »
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« Les JO à Paris, c’est trop bien, ça faisait 100 ans que ça n’avait pas eu lieu. Je vois ça comme une chance. On a souvent tendance à dire que les Jeux, c’est une fois dans une vie, mais alors à Paris, c’est encore plus le cas. »
YouTube, c’est bien, mais comme il le dit lui-même, « le plus important, c’est la compèt’ ! » Pour se préparer aux OQS, Joseph Garbaccio a participé à l’International Skateboard Open organisé du 3 au 5 mai 2024 au skatepark FAR’n HIGH, en Essonne, une compétition qu'il a terminée à la 6e place et qu’il a retracée en vlog sur sa chaîne YouTube. « Ça va me servir d’entraînement pour les qualifications pour les JO », dit-il dans cette vidéo parue le 11 mai 2024.
Mais en quoi les OQS sont-elles différentes des autres compétitions ? « Ce n’est pas ouvert à tout le monde. C’est réservé au Top 44 mondial, donc il faut avoir fait pas mal de chemin avant d’arriver jusqu’ici. »
En plus du haut niveau de compétitivité qui animera ces Séries de qualification olympique, le jeune Normand apprécie le melting-pot qui fait la particularité de cette compétition.
« D’habitude, le bowl et le street sont séparés. Là, on va retrouver plusieurs sports en même temps. » Et, contrairement à Tokyo 2020, l’événement se tiendra en public, élément non négligeable dans un sport dont l’adrénaline est l’essence-même.
« Pour réussir, il faut être dans sa bulle, mais le public peut être un gros atout. Pour se galvaniser, c’est vraiment une force. Il faut savoir s’en servir de façon positive. »