JO de Paris 2024 : à Montmartre, un public en folie a accueilli l'épreuve de cyclisme sur route

Par Léo-Pol Platet
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Photo de David Ramos/ 2024 Getty Images

Une semaine après le contre-la-montre, les cyclistes étaient invités à remonter sur leur vélo, ce samedi 3 août. Une course de 273 kilomètres, dont une partie dans le cœur de Paris. En fin d’après-midi, c’est sur la butte Montmartre que s’est dessiné le scénario final. Dans un décor impressionnant, le public avait fait le déplacement en nombre.

Au pied de la butte Montmartre, la station de métro Abbesses est la plus profonde de Paris. Quiconque s'arrête ici, doit remonter 36 mètres pour apercevoir la lumière du jour. Ce samedi 3 août, en début d'après-midi, les sous-sols de la station sont copieusement garnis. Des files d'attente sont improvisées au pied des escaliers. De quoi prolonger les plaisirs de cette première ascension de la journée. «On devrait attendre les autres» suggère une jeune fille, t-shirt à l'effigie de la Belgique sur le dos. Son petit groupe se divise à mesure qu'ils avalent les marches. Même divisée, la Belgique s'affiche partout. Après la médaille d'or de Remco Evenepoel sur le contre-la-montre, tout un pays compte sur son héros pour doubler la mise.

L'agitation de Montmartre

À Paris, le quartier de Montmartre est un incontournable pour les touristes du monde entier. Ses ruelles pittoresques peuplées de bar, ses nombreuses boutiques en tout genre, son architecture qui confère au lieu des allures de village. En cette période de Jeux, les touristes ne s'y trompent pas. Mais c'est un tout autre spectacle qui attire les foules aujourd'hui. L'habituelle procession qui mène les touristes jusqu'à la place du Tertre, est aujourd'hui dévié. Passage obligatoire par la rue Lepic. C'est ici que l'issue finale de la course peut se décider. Dans ces pentes à 8%, sur un sol pavé.

Photo de Alex Broadway/ Getty Images

La rue Lepic en transe

Deux heures avant le premier des trois passages du peloton, les trottoirs débordent sur cette artère qui relie Pigalle à la place du Tertre. Certains se sont levés tôt pour réserver leur bout de bitume. «Mes potes sont juste ici, ils se sont assis juste derrière la barrière indique un jeune homme en pointant un petit groupe, bien assis en train de manger, ils sont venus grave tôt». Pour patienter, le public se réchauffe avec les plus grands classiques de la chanson sportive française. “Les yeux d’Emilie” pour commencer, une “Pena Baiona” pour se donner de la force, ou encore du Johnny Hallyday avec un “Que je t’aime” remis au goût du jour par les organisateurs de Paris 2024. Mais ce sont surtout les chants à la gloire de Thibaut Pinot qui résonnent le plus fort. Le coureur franc-comtois a pris sa retraite il y a près d’un an, mais son aura demeure intacte chez les amateurs de cyclisme.

Au-dessus de la foule, les habitants de la rue jettent un œil à la fenêtre. Soudain, un vacarme remonte du Boulevard de Clichy, en contre-bas. La rumeur se fait de plus en plus pressante et parvient jusqu’au premier virage de la rue Lepic, qui redouble de bruit, «C’est eux ?» , s’interroge-t-on dans le public. À la place des cyclistes, une dizaine de motos de police remontent la rue à grande vitesse. Tant qu’à faire, ils sont acclamés par la foule, à grand renfort de «Allez les Bleus». Puis vient le tour des pompiers et des agents d’entretien de la ville de Paris. La rue Lepic s’échauffe. Le spectacle ne devrait plus trop tard.

Thibaut Pinot, un absent qui fait grand bruit

D’ailleurs, certains commencent à avoir les yeux rivés sur leur téléphone, pour suivre la course. Un jeune homme coiffé d'un catogan joue les speaker. «Ils arrivent dans huit minutes» nous informe-t-il. Quelques instants plus tard, il complète ses informations : « Alexey Lutsenko en tête, avec ...un autre gars» (Ben Healy). Notre informateur ne nous a pas menti, les deux hommes échappés à l'avant déboulent devant nos yeux, dans un fracas de bruits en tous genres. Une poignée de secondes plus tard, le bruit se fait plus pressant pour acclamer les Français, lancés à la poursuite du duo de tête. Le ballet des voitures suit. Il reste encore deux ascensions de la Butte, tout le monde est bien décidé à rester sur place, pour suivre la suite.

Photo de David Ramos/ Getty Images

Tout un quartier en ébulition

D'autres décident pourtant de se trouver un autre endroit, pour tenter d'apercevoir un bout de guidon, une roue ou mieux, un casque.«Tonton il a dit qu’on avait le temps» assure un enfant à son petit groupe. Dépêchons-nous quand même, car Remco Evenepoel est en train de dynamiter la course. Au hasard d’une rue, la place Jean-Baptiste Clément apparaît comme une évidence pour suivre la deuxième traversée de la butte. La place est située tout en haut de la rue Lepic, juste avant l’arrivée dans les petites rues du vieux Montmartre. Un immense drapeau belge nous accueille, accompagné de «Rem-co, Rem-co, Rem-co». En réplique, quelques « Julian, Julian, Julian » fusent, plus timides. Ici aussi, le monde est impressionnant. Sur un abribus, dans des arbres, en contorsion sur une façade, chacun essaie d’apercevoir un bout de la course. Une autre option existe, en regardant les écrans d’une forêt de téléphone. Soudain, l’un d’entre eux capture, déjà, l’arrivée d’un vélo, au loin. Pas de Remco Evenepoel à l’horizon, mais un retardataire qui peine à escalader cette butte. Comme on le comprend.

Finalement, le Belge déboule quelques minutes plus tard. Derrière lui, Stefan Küng et Michael Woods s’accrochent. «Madouas est dans le coup» prévient un spectateur mieux placé. Tout comme Alaphillippe, que certains voient déjà s’imposer, au pied de la tour Eiffel. En attendant le peloton, un bruit sourd fait se retourner tout ce petit monde. Une jeune femme vient d’ouvrir une bouteille de champagne. Il reste encore une trentaine de kilomètres.

Photo de Tim de Waele/Getty Images

Des terrasses bondées

L’agitation continue de gagner les rues de cet ancien village, finalement annexé à Paris. Un troisième passage doit avoir lieu. Pour être sûr de ne pas rater l’arrivée, les badauds se ruent sur les terrasses. Bon nombre de bars ont installé des écrans géants diffusant la course alors, par grappes, les spectateurs s’y dépêchent. Les pieds sur la route, les yeux vers la télé. De quoi faire sourire les serveurs. Paris a bien changé.

D’ici, ils voient Remco Evenepoel se détacher de tous ses concurrents. Des fans belges commencent à se faire bruyants, pour célébrer le doublé du Flamand. Même la panne de vélo, aux abords du musée du Louvre ne les inquiète pas. Leur champion file vers la victoire. Deux Français, Valentin Madouas et Christophe Laporte complètent le podium.

Au pied de la Tour Eiffel, Remco Evenepoel pose pour la postérité. Une carte postale de plus pour ces Jeux Olympiques, comme tant d'autres ont été capturées à Montmartre.