Jeux de Paris 2024 : Grand Palais, une histoire olympique qui ne date pas d’hier

Par Pierre Sarniguet
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Le Grand Palais va connaître le frisson olympique pour la deuxième fois de sa riche histoire à l’occasion des Jeux de Paris 2024. Des révolus concours d’art en 1924 à l’escrime et taekwondo (olympiques et paralympiques) en 2024, le site s’est forgé une belle histoire sportive.

Avec ses deux millions de visiteurs par an, le Grand Palais a été édifié à Paris à partir de 1897 afin d’accueillir l'exposition universelle prévue au printemps 1900. « Monument consacré par la République à la gloire de l’art français », il a pour vocation d’accueillir les grandes manifestations artistiques de la capitale. Au vingtième siècle s’y succéderont ainsi des salons artistiques, techniques, commerciaux et d’autres événements dédiés aux sciences et aux arts qui profitent de cet écrin de plus de 75 000 m². Classé “Monument historique” en 2000, le site vit depuis 2021 une importante rénovation. Pour la Nef et les galeries attenantes, tout sera prêt pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. Il faudra patienter jusqu’au printemps 2025 pour pouvoir profiter du reste du monument.

Quand art et sport se rejoignent

De 1900 à 2024, la vocation artistique du Grand Palais a su laisser de la place au sport. Le point d’orgue étant l’expérience olympique de 1924 lors de laquelle furent exposées les œuvres des concours d’art et du sport (épreuves qui ne figurent plus au programme des Jeux actuels).

Mais comment ces concours ont-ils pu faire partie des Jeux de Paris 1924 ? Pour répondre à cette question, il faut remonter encore un peu plus dans le temps et s’attarder sur le personnage de Pierre de Coubertin, père des Jeux Olympiques modernes, qui a tout au long de sa carrière voulu associer les arts et le sport afin de conserver l’esprit des Jeux tels qu’ils se déroulaient en Grèce antique. Sous son impulsion, le CIO intègre en 1906 de cinq nouvelles disciplines au programme olympique : littérature, peinture, musique, sculpture et architecture, ou ce que le baron préfère appeler le “pentathlon des muses”.
Après quelques balbutiements, c’est en 1912 lors des Jeux de Stockholm que les premières médailles du concours d’art et du sport sont attribuées. Pour l'anecdote, parmi les 35 artistes engagés, Pierre de Coubertin obtient (sous ses pseudonymes Georges Hohrod et Martin Eschbach) la première médaille d’or de l’histoire dans la catégorie littérature avec son œuvre Ode au sport.

Photo de 2014 Getty Images

Les Jeux débarquent au Grand Palais

C’est réellement à l’occasion des Jeux de Paris en 1924, et donc au Grand Palais, que le concours d’art et du sport connaît son âge d’or. Près de 200 artistes sont de la partie et exposent leurs œuvres au jury qui désigne les lauréats qui reçoivent les mêmes médailles que les sportifs. Malgré le succès de 1924, ces concours d’art ne jouissent pas d’une grande popularité auprès du grand public. Par un nombre de candidats limité ou par une qualité des œuvres jugée trop pauvre, le CIO envisage de retirer ces épreuves du programme. Reprochant également aux artistes d’aller à l’encontre du principe de désintéressement des Jeux en vendant leurs œuvres aux visiteurs, le Comité retire les épreuves d’art et du sport. Leur dernière apparition fut celle de Londres en 1948.
Au cours de ces sept olympiades d’existence, certains protagonistes se sont démarqués par leur polyvalence. On pense ici à Walter Winans, médaillé d’or en tir en 1908 puis vainqueur en 1912 dans la catégorie “sculpture”. Le Hongrois Alfréd Hajós remporte quant à lui deux médailles d’or en natation en 1896 avant de décrocher l’argent en 1924 dans la catégorie “architecture”.

Si les épreuves d’arts et du sport disparaissent en 1948, notons que l’épopée artistico-sportive est restée au cœur de l’esprit olympique. Les affiches officielles mais également les cérémonies d’ouverture et de clôture en sont des exemples remarquables.

Une identité sportive grandissante

Outre les épreuves artistiques de 1924, le Grand Palais a accueilli de nombreux rendez-vous sportifs durant son histoire, légitimant (sans que cela soit bien nécessaire) son statut de site olympique et paralympique cet été. Pêle-mêle citons ces évènements :
- Le concours central de Paris, dit L’Hippique avec ses trois semaines de compétitions, 1 500 chevaux et, en moyenne, 40 000 visiteurs. L’édition de 1906 a d’ailleurs marqué l’histoire de l’équitation avec l’exploit du Capitaine Crousse et son cheval Conspirateur qui franchissent une barre à 2,35 m et deviennent champions du monde de saut équestre en hauteur.

- La grande fête de gymnastique au Grand Palais : près de 1 000 gymnastes se regroupent une fois par an pour réaliser des démonstrations (agrès, cheval d’arçon, assauts de boxe, de lutte, de bâton, pyramides humaines).

- Après la Première Guerre mondiale, le bâtiment devient un “stade de jeux” pour l’hôpital militaire du Grand Palais. En 1916 il comprend 1 300 lits et accueille 700 soldats en rééducation, s’appuyant notamment sur des exercices de gymnastique rééducatrice et de renforcement musculaire.

- La Coupe de Noël : existait au début du vingtième siècle cette course de natation en eau libre dans la Seine, du Port du Gros Caillou jusqu’en face, celui de la Conférence sous le Grand Palais à parcourir dans des conditions extrêmes.

- 1937, le Grand Palais accueille le Championnat international de France de tennis professionnel dit le « French Pro ». Les rencontres se déroulent dans la Nef métamorphosée pour l’occasion.

- Le championnat de France d’escrime 1937 se tient au Grand Palais.

- La boxe y connaît ses heures de gloire avec, par exemple, le combat de Marcel Cerdan contre De Ridder le 28 juin 1942.

- Janvier 1944, place à une nouvelle discipline sportive avec l’équipe de France féminine de volley-ball.

- Après une période de travaux au début du 21e siècle, la Nef est réouverte au public et reçoit plusieurs événements sportifs : Pari-Roller (2009), More than a game (basket en 2009), le Saut Hermès (équitation) mais surtout, le championnat du monde d’escrime en 2010. Soixante-treize ans après le championnat de France de 1937, l’escrime revenait au Grand Palais rassemblant 900 tireurs et tireuses de 110 nations devant 4 500 spectateurs ! Un avant-goût (même si on ne le savait pas encore à l’époque) des Jeux de Paris 2024 !

Car oui, en cette année 2024, le Grand Palais va connaître une nouvelle aventure sportive. Pour accueillir les escrimeurs et les taekwondoïstes dans les meilleures conditions, le monument a dû fermer ses portes durant trois ans pour un chantier de restauration et de mise aux normes. Les épreuves se dérouleront dans la Nef, tout juste restaurée pour l’occasion. 8 000 spectateurs pourront ainsi assister aux compétitions olympiques et paralympiques d’escrime et de taekwondo.

Le calendrier complet des épreuves olympiques

Le calendrier complet des épreuves paralympiques