Jeux Paralympiques de Paris 2024 | Sandrine Martinet, légende du Para judo français : « Je ferai tout pour aller chercher cette médaille d'or devant mes proches »
Quadruple médaillée paralympique depuis 2004, la Para judokate Sandrine Martinet est une légende de la discipline en France. Leader de son sport, elle s'apprête à disputer, le 5 septembre sur les tatamis de l'Arena Champ-de-Mars, ses sixièmes Jeux Paralympiques. La native de Montreuil a accepté de se prêter au jeu de l'interview.
Dans quelques jours, Sandrine Martinet va lancer débuter sa préparation terminale pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024. Spécialiste de Para judo, la sportive de 41 ans, malvoyante, a effectivement un stage prévu du 26 août au 1er septembre à l'INSEP, dans le bois de Vincennes. Expérimentée, la quadruple médaillée paralympique et porte-drapeau de Tokyo 2020 vise une cinquième breloque dans la catégorie des -48 kg.
Sandrine Martinet, qui a à cœur de décrocher ce podium devant ses enfants de 14 et 10 ans, se confie à Olympics.com à quelques jours de son grand défi. Interview.
- Pouvez-vous nous expliquer votre handicap et comment vous êtes-vous mise au judo ?
Je suis malvoyante de naissance. Pour résumer, j'ai une achromatopsie et, donc, une absence de cônes. Cela entraîne trois choses : non-vision des couleurs, photosensibilité et diminution de l'acuité visuelle. En plus, je suis myope et astigmate. Ceci étant dit, c'est à l'âge de 9 ans que j'ai commencé le judo. Mes frères en faisaient au lycée donc cela m'a donné envie de découvrir cette discipline. Contrairement aux sports de balle, il me semblait avoir moins de difficultés visuelles. Faire un sport de combat m'attirait, cela me convenait pour me dépenser en tant qu'amoureuse du sport de manière générale. Le code moral du judo, pour la petite fille que j'étais, je me dis avec du recul qu'il m'a permis d'être moins moquée et plus intégrée.
- Vous avez effectivement été longtemps moquée à l'école à cause de votre handicap...
On me donnait des surnoms comme la taupe, le serpent à lunettes, l'aveugle. J'en passe et des meilleurs... J'ai commencé le judo et j'ai tout de suite accroché. Dès qu'on a les mains sur le kimono, on peut faire du judo comme n'importe quel enfant. J'ai fait mes premières compétitions chez les valides puis mes premiers podiums. Cela a été pour moi le sport idéal.
- C'est ensuite seulement que vous découvrez le Para judo : pourquoi est-ce intervenu aussi tard ?
J'ai fait une première compétition à 16 ans où je gagne en juniors, mais où je perds face à la future championne paralympique, plus âgée. Après, j'ai privilégié la réussite de mes études et de mon baccalauréat avant de partir en équipe de France en sacrifiant mes vacances et autres joyeusetés pour pouvoir m'entraîner. J'ai donc eu mon bac S en poche deux ans après cette première compétition en Para judo.
Au quotidien, ce que je vis humainement est assez extraordinaire. Je prends beaucoup de plaisir à pratiquer dans un sport hyper complet où on apprend tout le temps. Il y a une multitude de possibilités que c'est hyper enrichissant. Je continue de me faire plaisir en pratiquant ce sport !
- Après cela, vous êtes d'ailleurs devenue kinésithérapeute...
À mon entrée en équipe de France, en 2002, je venais de rater mon année de DEUG. C'était très compliqué pour moi tant visuellement que pour suivre les cours en eux-mêmes. J'ai redoublé et j'avais très peu d'heures de cours. C'est donc là que je me suis dit avec mon club que je pouvais aller aux Championnats de France, que je remporte. J'avais les Mondiaux de septembre en ligne de mire et c'est en entrant en équipe de France, en échangeant avec un autre athlète, Olivier Cugnon de Sévricourt, que les écoles spécialisées pour déficients visuels proposaient des écoles de kinés. Ce que je ne savais pas du tout. J'étais intégrée dans le monde valide, mais quand j'ai su que c'était possible, j'ai fait toutes les démarches pour y être.
- Quelles étaient-elles ?
Il y avait notamment la carte d'invalidité, que mes parents n'avait pas faite parce qu'ils ne voulaient pas que je sois considérée comme handicapée et que ça me freine dans ma vie professionnelle. J'ai aussi demandé la reconnaissance de travailleur handicapé et fait les démarches pour entrer dans cette école de kiné située à Pau. Cette même année, je rencontre d'ailleurs mon futur mari [rires] !
- Qu'est-ce qui vous a fait aimer le judo ?
J'ai aimé que ce soit un sport d'opposition, mais aussi un sport individuel qui ne l'est pas. On a besoin de nos adversaires et de nos partenaires pour progresser. Au quotidien, ce que je vis humainement est assez extraordinaire. Je prends beaucoup de plaisir à pratiquer dans un sport hyper complet où on apprend tout le temps. Il y a une multitude de possibilités que c'est hyper enrichissant. Je continue de me faire plaisir en pratiquant ce sport ! Il y a aussi, bien sûr, l'attrait des podiums. Même quand vous avez tout gagné, vous vous lancez de nouveaux défis.
- À bientôt 42 ans, qu'est-ce qui vous pousse à continuer ?
Il y a les Jeux Paralympiques de Paris 2024, mais aussi, et je dirais surtout, le fait que je continue à apprendre et à me lancer des défis. L'aventure humaine que je vis depuis des années est extraordinaire. J'ai l'intention de pousser encore un peu après les Jeux, je ne sais pas jusqu'où ! Maintenant que j'ai intégré l'Armée de Champions, que je vis enfin de mon sport et que j'ai mis mon métier en suspens... [Elle s'arrête] Tout ça fait que je veux continuer. Sans ça, je n'aurais pas pu faire Paris 2024 parce que, familialement et sportivement, c'était ingérable. Je prends toujours du plaisir et je suis toujours crédible au niveau international en continuant de monter sur les podiums, ce qui permet de continuer de se projeter !
J'aime bien ne pas faire ressortir un événement, mais la globalité du parcours !
- L'Armée de Champions, c'est aussi un nouveau collectif que vous intégrez...
En tant que femme de militaire, ça a beaucoup de sens pour moi. C'est un collectif avec des valeurs très proches de celles du sport. Faire le lien entre l'Armée et la Nation, c'est quelque chose d'assez naturel. Malgré mon palmarès, étant moi-même kiné, c'était compliqué d'intégrer une administration donc je suis très contente d'y être !
- Quel est votre objectif ?
Si on pousse à Paris, c'est pour décrocher une médaille à la maison, c'est l'objectif clair ! L'or sera compliqué à aller chercher parce que la Kazakhe est très forte, venant des valides. Pour l'instant, personne n'est parvenu à la battre, mais sur une finale à la maison avec tout un public derrière, pourquoi pas ! Je ferais tout pour aller chercher cette médaille d'or devant mes proches.
- Jusqu'à maintenant, quel moment retenez-vous de votre carrière ?
Je dirais que c'est l'ensemble de tout ce qu'il s'est passé depuis plus de 20 ans, l'aventure humaine. Tout ce que m'a appris mon sport et le sport, tous ces moments, les difficiles comme les très heureux, c'est ce qui m'a forgé, formé, rendu plus forte et fait avancer dans ma vie. J'aime bien ne pas faire ressortir un événement, mais la globalité du parcours !
- Pour terminer, pouvez-vous expliquer quelle est la spécificité du Para judo par rapport au judo olympique ?
La prise de garde installée dès le début du combat. C'est la seule différence fondamentale. Ele nous permet d'avoir les informations tactiles et de ne pas être à une distance où on ne peut pas distinguer l'autre judokate qui se déplace. Quand on est proches de la sortie du tapis, aussi, l'arbitre nous prévient jusqu'à ce que l'on s'écarte. Selon qu'on l'entende de face ou de dos, on sait si c'est pour nous ou l'adversaire. Il faut, à ce moment-là, faire un changement de direction volontaire visible par l'arbitre afin de ne pas être sanctionné pour sortie de tapis.
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