Exclusif | Simone Biles avant les Championnats du monde de gymnastique artistique 2023 : « La réussite n’a plus la même signification qu'avant »

Par Scott Bregman
8 min|
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La septuple médaillée olympique s’est confiée à Olympics.com lors d’une interview exclusive avant son départ pour Anvers, en Belgique, pour les Championnats du monde de gymnastique artistique 2023, où elle figurera de nouveau parmi les favorites pour le titre.

Début août, quelques centaines de supporters étaient éparpillés dans les gradins de la Now Arena à Hoffman Estates – une ville de l’Illinois située dans la banlieue de Chicago, aux États-Unis – pour assister à l’entraînement officiel des gymnastes en amont de la compétition américaine U.S. Classic 2023.

Pour Simone Biles, médaillée olympique à sept reprises, il s’agissait de sa première compétition depuis les Jeux de Tokyo 2020, où elle s’était retirée de la finale par équipes féminine et de ses quatre finales individuelles afin de privilégier sa santé. À l’époque, elle avait dû gérer une crise de twisties : des pertes de repères dans l'espace entraînant une désynchronisation entre le corps et l’esprit, ce qui représente un risque de blessure au moment où les gymnastes se réceptionnent.

Ce matin-là, dans la banlieue de Chicago, le gymnase était plutôt silencieux : on entendait à peine la musique entre les répétitions des routines d’entraînement au sol. Il n’y avait pas d’encouragements, pas d’applaudissements, ni de jeunes filles criant en l’honneur de leurs idoles de gymnastique... Du moins à ce moment-là.

Simone Biles s’entraînait sur les barres asymétriques pour exécuter la sortie qu’elle avait réalisée tant de fois auparavant, y compris pendant toute sa campagne olympique à Rio 2016 où elle avait récolté quatre médailles d’or et une de bronze.

C’est à ce moment-là que les spectateurs présents sur place, ne serait-ce que pour apercevoir Biles en séance d’entraînement, ont brisé le silence en explosant de joie. Car cet événement public affichait complet quasiment à la seconde qui avait suivi l’annonce de sa participation.

Simone Biles était de retour.

« Je ne savais pas si j’allais être capable de disputer une compétition à nouveau. Car lorsque j’étais dans le gymnase cette année, je me suis dit à plusieurs reprises : ‘En fait, ce full-in [double salto arrière avec une vrille complète dans le premier salto] me terrifie, je ne vais pas le refaire, plus jamais' », a-t-elle avoué à Olympics.com lors d’une interview exclusive à l’occasion de l’épreuve de sélection américaine féminine pour les Championnats du monde.

« Et je me suis dit : ‘Tu sais quoi ? Je reviendrai un autre jour, tout simplement’ ».

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Simone Biles se confie sur son retour en compétition

La facilité habituelle avec laquelle Simone Biles a réalisé ses acrobaties inédites ce jour-là dans l’Illinois n’a pas donné l’impression qu’elle a eu du mal à retrouver ce qui avait toujours été si naturel dans ses prestations gymniques. De même lors des trois compétitions qui ont suivi, y compris aux Championnats des États-Unis 2023 fin août où elle a remporté un huitième titre record au concours général.

Elle s’est empressée de dire qu’elle a été soutenue par son entourage, notamment ses partenaires d’entraînement au World Champions Centre. Dans ce gymnase dédié aux athlètes de haut niveau, elle est coachée par la Française Cécile (née Canqueteau) Landi, qui a participé aux Jeux Olympiques d’Atlanta 1996, et son mari Laurent Landi.

« Les filles de l’équipe m’ont vraiment aidée à gérer cette situation, car elles disaient : ‘Simone, il faut juste que tu viennes. Allez !' Et je répondais : ‘Ok, vous avez raison. Je ne peux pas abandonner maintenant, car sinon j’aurai peur pour toujours' », a expliqué Biles.

Elle a fini par surmonter sa peur, ce qui lui a donné un sentiment de réconfort.

« Au moins, je savais que si je devais m’éloigner du sport, je pourrais aller au gymnase et faire au minimum un full-in, un double-double [double vrille - double salto] ou un triple-double [trois vrilles, deux saltos], et que ça irait », a précisé Simone Biles. « J’ai l’impression à ce moment précis que si je pars, je sais que je peux faire [ces figures], donc ça m’aide. »

Biles : « Je peux continuer comme ça, tout en progressant davantage »

Deux mois après son retour, Simone Biles est sur le point de revenir là où tout a commencé : sur le site de ses premiers Championnats du monde en 2013 à Anvers, en Belgique, où se déroulera l’édition 2023 à partir de ce samedi 30 septembre.

La gymnaste de 26 ans a tout gagné dans sa discipline, et plus d’une fois pour la plupart des titres. Avec 25 médailles mondiales à son actif, dont 19 en or, elle détient déjà la plupart des records dans ce sport.

Elle aurait pu s’éloigner des gymnases après les Jeux de Tokyo, où sa réaction pour prendre soin d’elle a suscité des débats dans le monde entier sur la santé mentale dans le sport. Et ce, malgré son retour triomphal pour la finale de l’épreuve de poutre qui lui a valu une médaille de bronze et qui compte beaucoup pour elle, selon ses dires.

Mais alors que la vie de Biles a suivi son cours après Tokyo 2020, notamment avec une tournée nationale de galas et son mariage avec le joueur de football américain en NFL Jonathan Owens, quelque chose l’a ramenée vers le sport.

« Je crois qu’au fil de ma carrière nous avons réalisé que je peux continuer comme ça, tout en progressant davantage », a-t-elle déclaré. « Par exemple, si c’est moi qui dis ‘Je ne veux pas le faire,’ c’est évident que nous ne le ferons pas [...] ».

Cette fois-ci, Simone Biles a une approche plus décontractée.

Elle a déclaré aux journalistes qu’elle n’avait pas vraiment pensé disputer l’U.S. Classic au mois d’août jusqu’à ce que son entraîneur Laurent annonce sa participation. Puis elle a appris que ses justaucorps allaient être livrés au gymnase.

« Nous avons juste laissé la vie nous guider pour voir ce qui allait se passer, ce qui est très rare pour nous, car en général nous avons un plan établi. Par exemple, nous définissons mes objectifs à court et long terme. Mais, cette année, je crois que je suis moi-même stupéfaite d’avoir participé à [l’U.S.] Classic et aux épreuves de sélection pour les Mondiaux ici et maintenant [à Anvers] », a déclaré Biles à Olympics.com.

« Je crois que c’est simplement plein de surprises et, d’une certaine manière, j’aime ça. Car même si j’ai des attentes, on ne me laissera pas tomber si je n’obtiens pas de résultat. »

« Dans ce sens, je trouve que c’est presque une meilleure approche », a-t-elle ajouté. « J’aime tout planifier, tout savoir. Même mon mari pourra vous le confirmer en disant ‘Simone, il faut juste que tu te calmes. Inutile d’emporter ces affaires pour tel ou tel événement. Contente-toi de prendre les choses comme elles viennent.’ Je ne suis pas comme ça, mais cette année a ressemblé un peu à ça, sur le plan professionnel et [dans] la vie. J’essaie juste de me laisser porter par le courant pour profiter du voyage. »

« Comme ça, si je repense au passé dans dix ans, je pourrais me dire ‘Waouh, j’ai vraiment vécu de bons moments cette année-là'. »

Ne pas avoir de regrets

C’est en se concentrant sur son avenir que Simone Biles trouve sa motivation dans l’instant présent.

« Je [me projette] principalement dans dix ans et, à chaque fois que je me tourne vers le passé, je me demande si je veux avoir des regrets. Est-ce que je souhaite regarder les Mondiaux ou [les Jeux de] Paris à la télévision en me disant ‘Waouh, et si j’étais simplement allée au gymnase en faisant quelques efforts...’ Car je pourrai toujours faire ce que je veux une fois que ma carrière sera terminée, » a déclaré Biles d’un air songeur.

« Mais ma carrière ne pourra pas durer éternellement. »

Donc la revoilà. De retour comme si elle avait été toujours là, dominant son sport comme ça a été le cas depuis une dizaine d’années.

Mais si ses acrobaties audacieuses peuvent sembler similaires, son approche du sport et tout ce que ça implique autour d’elle a changé.

« Pour moi, la réussite n’a plus la même signification qu'avant. Par le passé, tout le monde avait sa définition du succès en ce qui me concerne, même si j’avais mon propre discours, fidèle à mes objectifs, » a déclaré Biles. « À présent, je me contente de participer, d’avoir une bonne santé mentale, de m’amuser sur place et ce, quoi qu’il arrive. »