Hermann Maier : un spectaculaire vol plané en descente avant deux titres à Nagano en 1998
Le 13 février 1998 lors de la descente des Jeux de Nagano, Hermann Maier fait une chute spectaculaire dont les images font le tour du monde. Mais les Jeux continuent pour lui, et dans les jours suivants, il s'adjuge deux médailles d'or, en super-G et en slalom géant. La légende d’''Herminator" continuera à s'écrire les années suivantes.
Ce vendredi 13 février 1998, la descente olympique sur la piste Happo-One du mont Karamastu à Hakuba se déroule enfin après plusieurs jours de reports dus à la météo capricieuse qui a régné jusque-là. Enfin, le soleil resplendit ! Hermann Maier, qui s'est révélé au plus haut niveau international moins de deux ans plus tôt et qui est en route pour terminer sur la plus haute marche du classement général de la Coupe du monde pour la première fois de sa carrière, fait partie des grands favoris de cette épreuve. Il porte le dossard n° 4.
Avant lui, s'élance le Français Jean-Luc Crétier. On s'étonne de le voir se relever pour ralentir à l'entrée d'une courbe qui passe devant une cabane après environ 16 secondes de course, avant qu'il ne se mette en position de recherche de vitesse pour dévaler plein gaz le reste de la piste. Conscient qu'il a réalisé un gros coup, Crétier lève les bras dans l'aire d'arrivée. Il n'est pourtant que le troisième partant. On ne le sait pas encore, mais son temps de 1:50.11 ne sera pas battu.
Hermann Maier, s'élance à son tour. Au bout de 16 secondes, le champion autrichien arrive à très haute vitesse (plus de 105 km/h) sur la courbe qui va piéger beaucoup d'autres concurrents. Sa trajectoire est bien trop directe : il se retrouve violemment éjecté du parcours et part dans un impressionnant vol plané de plusieurs dizaines de mètres, atterrissant dans la poudreuse, derrière les barrières de sécurité. L'inquiétude après ce crash spectaculaire est de très courte durée : il se relève, couvert de neige, fait signe de la main, tout va bien. Maier est tout chiffonné, genoux et épaules abîmés, mais rien qui ne l'empêchera de disputer le super-G trois jours plus tard. En attendant, les images de son vol plané font le tour monde.
Deux médailles d'or après le crash !
Le super-G est devenu la chasse gardée d’Hermann Maier. C'est bien simple, au cours de cet hiver 1997-1998, il y en a eu quatre disputés en Coupe du monde avant les Jeux de Nagano : il les a tous remportés. À la fin de sa carrière, il établira un record de 24 victoires dans la discipline, un total que personne n’a égalé vingt-deux ans après. On le connaît pour son style de "déménageur", très physique, capable d'emmener un maximum de vitesse en ignorant le risque.
Quand Maier pousse le portillon de départ avec le dossard n° 8, le jeune Suisse Didier Cuche occupe la tête avec un chrono de 1:35.43. L'Autrichien semble plus prudent en dévalant les 2 407 m du parcours, peut-être marqué par sa chute survenue trois jours plus tôt. Mais il reste fluide et très rapide pour devancer Cuche de 61/100e de seconde, un écart important. Le compatriote de Maier, Hans Knauss, vient ensuite égaler le temps du Suisse pour partager la médaille d'argent. Hermann Maier, le maçon de Flachau, resté aux portes de l'équipe d'Autriche jusqu'à ce que son talent soit enfin reconnu à 24 ans, est le premier champion olympique autrichien du super-G.
Changement de décor pour le slalom géant, qui a lieu le 19 février sur le mont Higashidate, dans la station de Shiga Kogen, Si le grand géantiste de l'époque est le Suisse Michael Von Grünigen, Hermann Maier a pris le dessus durant cet hiver en remportant trois victoires et en montant sur six podiums en sept courses de Coupe du monde courues avant les Jeux. Et cette fois, il n'y a pas photo. Celui qui va devenir "Herminator" (en référence au Terminator du cinéma) réalise le meilleur temps de la première manche, s'élance le dernier sur le deuxième tracé et obtient encore le meilleur chrono. Il succède au double tenant du titre Alberto Tomba (qui chute après 17 secondes de course dans le premier acte). Son coéquipier Stephan Eberharter, à 85/100e de seconde, et Michael Von Grünigen, à 1:18, l'accompagnent sur le podium.
Devenu un héros national, le double champion olympique Hermann Maier est en fait au début d'un parcours qui va le voir dominer le ski alpin masculin au tournant du XXIe siècle. Après son premier gros globe de cristal en 1998, il remporte l'année suivante à Vail (États-Unis) deux titres de champion du monde (descente et super-G), puis établit en 2000 un record de points chez les hommes (2 000 tout rond ! avec 10 victoires et 22 podiums) qui n'a jamais été battu. Il obtient son troisième gros globe au terme de la saison 2000-2001 avec cette fois 13 victoires.
Un dramatique accident de moto avant un brillant retour
Mais ce parcours triomphal connaît un arrêt brutal le 24 août 2001, quand il est victime d'un terrible accident de moto. Très gravement blessé à la jambe droite, il échappe de peu à l'amputation. Il ne peut disputer les Jeux de Salt Lake City en 2002, mais il parvient à reprendre le fil de sa carrière sportive lors de la saison 2002-2003. Il renoue avec la victoire dans le super-G de Kitzbühel le 27 janvier 2003, remporte son quatrième gros globe de cristal au terme de l'hiver 2003-2004, est sacré champion du monde du géant à Bormio en 2005, s'adjuge deux nouvelles médailles olympiques aux Jeux de Turin 2006 (argent dans le super-G, bronze en géant) et signe sa dernière victoire dans le super-G de Lake Louise le 30 novembre 2008.
En octobre 2009, il annonce en larmes son retrait à 36 ans. "C'est un chapitre exceptionnel de ma vie qui se referme. Cette décision a été dure à prendre, je quitte une profession de rêve. Commencer a été bien plus facile que finir", dit-il. Herminator s'arrête avec l'un des plus beaux palmarès du ski alpin, 54 victoires et 96 podiums en 268 départs, 14 petits et gros globes de cristal, quatre médailles olympiques, six aux championnats du monde dont trois titres.
Comme l'a dit Marcel Hirscher, aujourd'hui considéré comme le plus grand skieur de tous les temps : "En un sens, il a été mon prédécesseur. Il a été une formidable référence pour moi à bien des égards. Comment a-t-il résolu cela ? Comment a-t-il fait ? Je lui ai parfois demandé 'Comment ça se passait pour toi ?' Il m'a souvent conseillé. Pour moi, le plus grand défi a été de devenir une personnalité publique. La course est ce qui me fascine le plus, mais je ne m'étais pas rendu compte à 18 ans que les obligations médiatiques feraient partie du job". Hermann Maier, devenu une icône sportive dans son pays, superstar du ski alpin, avait connu tout cela avant lui.