Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron sur leur sacre olympique : « C’est plus pour notre histoire que pour la médaille »

Le duo français de danse sur glace qui a remporté l’or olympique raconte en exclusivité à Olympics.com la pression face à laquelle ils ont dû faire face, et pourquoi la gloire de ses seconds Jeux semble si belle.

7 minPar Nick McCarvel
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(GETTY IMAGES)

Gabriella Papadakis était si nerveuse avant de fouler la glace des Jeux Olympiques d’hiver de Beijing 2022 qu’elle pouvait entendre les battements de son cœur dans sa poitrine.

« Je pensais vraiment que j’allais avoir une crise cardiaque », a avoué la danseuse sur glace française dans une interview exclusive concédée à Olympics.com suite à son sacre avec son partenaire Guillaume Cizeron.

« J’entendais ‘Boum, boum, boum, boum’. Et j’essayais de faire croire que tout allait bien ».

Mais Papadakis a adopté la bonne mentalité, même dans l’œil du cyclone : « J’essayais de me convaincre, alors que je paniquais, que je patine généralement mieux lorsque je suis stressée. Et je n’avais jamais été aussi stressée auparavant. Alors j’ai décidé que j’allais patiner mieux que jamais ».

Aux côtés de Cizeron, elle a en effet réalisé son meilleur patinage en danse rythmique. Pour tout dire, ils ont même établi un nouveau record du monde avec 90,83 points, pour prendre un avantage de deux points avant la danse libre. 36 heures plus tard, ils remportaient la médaille d'or qui leur avait échappé à PyeongChang 2018, où ils avaient terminé en argent.

Ce succès est venu couronner un cycle olympique où s’est mêlé anticipation, attente et pression, durant lequel les problèmes et les surprises se sont enchaînés, eux qui n’ont pu participer qu’à deux événements internationaux majeurs lors des 24 mois précédant Pékin.

Le malheur de la tenue qui s’est dégrafée en 2018 est désormais bien derrière eux, leurs quatre titres mondiaux n’étant plus leur principal fait d’arme. Papadakis et Cizeron attendaient leur moment de gloire depuis 20 ans, eux qui ont commencé à patiner ensemble depuis leur plus tendre enfance.

Mais les derniers jours qui ont précédé leur médaille d’or peuvent aisément être classés parmi les plus difficiles qu’ils aient connu.

Guillaume Cizeron : « C’est un sport tellement mental »

« Honnêtement, c’est un sport tellement mental », a confirmé Cizeron, âgé de 27 ans. « On devrait les renommer les Jeux Olympiques du mental ».

Alors que Papadakis ressentait une forte pression avant que le duo n’entame son programme de danse libre le 14 février, Cizeron a connu sa montée de stress à la veille de leur entrée en lice, alors qu’il venait de terminer son deuxième entraînement au Palais omnisports de la capitale.

Il alors envoyé un message à son équipe, notamment à ses entraîneurs Romain Haguenauer et Marie-France Dubreuil.

« Devrions-nous faire ça ? », disait le message, pour savoir s’il pouvait utiliser le centre d’entraînement la nuit précédant l’épreuve de danse rythmique. « Ou est-ce que je suis fou ? Dites-moi si je suis fou, mais je veux le faire ».

Ils l’ont donc fait. Un entraînement en soirée avec une seule autre équipe sur la glace, aucun juge, et une chance d’apprivoiser encore plus la glace olympique après avoir vu certains de leurs adversaires et partenaires d’entraînement patiner une ou deux lors de l’épreuve par équipe de patinage artistique qui s’est tenue quelques jours auparavant.

« J’étais vraiment surpris, mais je voulais juste me sentir confiant et retrouver la sensation que nous avons normalement à Montréal », a poursuivi Cizeron. « Juste du calme et de la tranquillité. Le lendemain, j’étais tellement content que nous l’ayons fait parce que… Tout semblait mieux ».

Tête à tête avec Sinitsina et Katsalapov

Pendant qu’ils mettaient leurs nerfs à l’épreuve, Papadakis, âgée de 26 ans, a affirmé qu’ils ne dépensaient aucune énergie à suivre le parcours de la seule équipe à les avoir battus depuis 2018, lors de leur dernier duel aux Championnats d’Europe 2020 : les champions du monde en titre Victoria Sinitsina et Nikita Katsalapov.

Alors, ont-ils suivi de près le duo du ROC dans les jours précédant l’épreuve de danse ?

« Eh bien, non », a répondu en toute franchise Papadakis. « Je ne regarde pas ce que font les autres ni comment ils patinent. La seule chose que je peux contrôler, c’est la façon dont nous patinons. C’est la seule chose qui compte pour moi ».

« La seule chose sur laquelle je me concentre, c’est moi, Guillaume et notre patinage. Pas même lui, juste moi. Ce que nous faisons sur la glace. Et je me fiche de ce que font les autres, si nous patinons bien et qu’ils gagnent, alors tout va bien ».

Alors que Papadakis et Cizeron ont vu leurs partenaires d’entraînement de Montréal battre le ROC dans l’épreuve par équipe (Madison Hubbell et Zach Donohue en danse rythmique, Madison Chock et Evan Bates en danse libre), ils ont maintenu leur concentration sur ce qu’ils devaient faire, ce qui, avec l’entraînement supplémentaire et leur nervosité avant la danse rythmique, a entraîné de nombreux obstacles.

Papadakis poursuit : « Il est inutile de stresser ou d’être anxieuse concernant ce qu’ils font ou d’être terrifiée quand je les vois. Cela ne sert à rien. Je ne les regarde pas vraiment ».

(Justin Setterfield)

Écrire une autre fin par rapport à 2018

Quatre ans plus tôt, Papadakis et Cizeron avaient abordé les Jeux avec la ferme intention de battre Tessa Virtue et Scott Moir, mais un incident avec la tenue de Papadakis dans les premières secondes de la danse rythmique avait mis à mal leur expérience olympique. Et les avait pratiquement contraints à terminer à la deuxième place.

À Pékin, ils se sont appuyés sur leur brillant programme de danse rythmique, leur danse libre « Élégie » leur valant également la meilleure note, leur permettant de décrocher l’une des cinq médailles d’or de la France à Beijing 2022 et leur offrant une revanche par rapport à PyeongChang.

« Nous voulions réécrire ce chapitre de notre carrière », a confirmé Cizeron. « C’est plus pour notre histoire que pour la médaille en elle-même. C’était une déception de repartir avec l’argent il y a quatre ans… Nous voulions que l’histoire raconte que nous n’avons pas gagné il y a quatre ans, mais cette fois oui. Je pense que c’est cela que nous avions en tête ».

Pour sa part, Papadakis a relaté qu’elle ne savait pas si elle avait inconsciemment pensé à PyeongChang pendant qu’ils récitaient leurs programmes à Pékin, mais que ce problème de tenue n’était certainement plus dans son esprit.

« Je ne pense pas à ce qu’il s’est passé il y a quatre ans lorsque je suis entrée sur la glace », a-t-elle tenu à rappeler. « Peut-être qu’une partie subconsciente de moi-même se sent peut-être comme il y a quatre ans… Je sais qu’il y a une part de moi qui ressent encore cette déception et qui ne veut pas la ressentir de nouveau ».

« Mais ce n’est pas par rapport au costume : il s’agit plutôt de profiter du moment présent et de vivre pleinement les Jeux Olympiques. Il y a quatre ans, lorsque j’étais sur glace, je ne vivais pas les Jeux. J’essayais juste de sauver notre performance. Je n’étais pas présente dans mon corps. Je ne voulais pas répéter cela ».

Pour Cizeron, les choses se sont passées de la manière dont elles le devaient, notamment en 2018.

« Ça a été beaucoup de travail de passer par là », a-t-il témoigné. « Mais j’ai eu l’impression que remporter l’or ici était la raison pour laquelle 2018 s’est passé comme cela. Je pense que c’est mieux pour nous de clore ce chapitre avec la médaille d’or ».

« Nous n’avons pas gagné il y a quatre ans, mais cela nous a donné l’envie de gagner cette fois-ci. Nous ne savons pas ce qui se serait passé si nous avions gagné il y a quatre ans. Peut-être que nous ne serions pas ici. Peut-être que nous n’aurions pas eu la motivation, l’envie de gagner aujourd’hui ».

« Je suis juste… Je suis juste heureux que tout cela se soit réalisé ».

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