Championnats du monde de para athlétisme 2023 à Paris | Ronan Pallier, 52 ans : « Ne pas se mettre de barrière mais la franchir »
Ronan Pallier s’apprête à participer ses quatrièmes Jeux Paralympiques à Paris 2024. Rencontre avec le doyen de l’équipe de France paralympique, qui a 52 ans, n’en a pas fini de sauter.
Le Piton de la Fournaise est l’un des volcans les plus actifs au monde, il a donné naissance à l’Île de la Réunion. Sa forte activité ne dérange pas les Réunionnais qui ont appris à vivre avec ce monstre d’intensité prêt à exploser à tout moment.
Chez Ronan Pallier, cette puissance volcanique est perceptible immédiatement, dès les premiers échanges. À 52 ans, l’amour de la compétition et du sport coule encore dans ses veines, comme une coulée de lave qui ne se refroidirait jamais.
« Je suis plutôt quelqu’un de posé, très pragmatique et j’ai le volcan en moi. Je suis de l’Île de la Réunion. Je ne suis pas un explosif, mais il ne faut pas m’embêter dans les compétitions », confie-t-il à Olympics.com, en réponse à la question toujours difficile de « l’auto-définition ».
Le 9 juillet dernier, à l’occasion des Championnats du monde de Para Athlétisme 2023 à Paris, Ronan Pallier a terminé à la cinquième place du concours de saut en longueur dans la catégorie T11 (déficience visuelle) avec un saut de 6,01 m. Une place derrière celle qui lui aurait offert un quota qualificatif pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024.
Cruel certes, mais pas d’inquiétude pour Ronan Pallier qui par son caractère méthodique, presque mécanique, fait confiance au travail et sa préparation.
« Je loupe d’une place la présélection pour les Jeux, mais il y a encore des classement et des opportunités de remporter de quotas. Ça ne m’inquiète pas du tout, je suis plutôt rassuré après il faut bosser, travailler. Là, j’ai sauté dimanche 9 juillet et j’ai fait 5e. Je voulais faire une médaille et je n'ai pas pu. Donc on va encore travailler, ce sont juste des petits détails. On va le faire. »
Ronan Pallier revient sur les différents chapitres de sa vie et son extraordinaire longévité dans le sport, toujours marqué par une positivité sans égal.
Ronan Pallier, une leçon de vie : « Je suis heureux là où je suis »
« On a tous des accidents de vie, certains ne s’en sortent pas et il y a les autres qui ont de la résilience. Je fais partie de ces gens-là. »
Ronan Pallier n’est pas né en situation de handicap. Athlète de haut niveau chez les valides, de niveau national, il voit sa vie basculer subitement.
« Ma maladie est arrivée du jour au lendemain. En me levant un matin, je ne voyais plus rien. Vous vous dites que vous avez mal à la tête, mais là ça a duré 4 heures dans le noir complet. Les urgences sont arrivées et ont donné un nom à cette maladie. C'est rassurant de savoir ce que l’on a. »
Lui arrive-t-il d’être lassé de raconter cette histoire, son histoire ? De revenir sur ce souvenir douloureux voire injuste ?
Pas du tout, pour Ronan Pallier, « (cette) histoire est faite pour être écoutée et il faut que les gens la comprennent que lui a réussi à s’en sortir. Je suis heureux là où je suis. J’ai un handicap, mais je n’aurais jamais voyagé autant, rencontré autant de personnes, c’est mon handicap, ma maladie, elle me tracasse dans la vie de tous les jours mais quand je fais de l’athlétisme, c’est un bonheur. C’est agréable. Cette maladie a aussi des bons côtés… C’est un équilibre. »
Ronan Pallier semble avoir un pragmatisme à toute épreuve, une mise en perspective que certains pourraient qualifier de sagesse. Ces qualités puisent leurs origines dans son parcours de vie, tout sauf linéaire.
« Je suis enfant de la Ddass (Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales). On n’a pas de parents mais on arrive à en avoir après par adoption. J’arrive en France métropolitaine dans une région qui n’est pas forcément un endroit que je connaissais. J’étais un enfant qui avait le sourire, qui ne se plaignait pas. J’arrive à faire la part des choses. C’est en moi et on me l’a appris aussi. »
Ce caractère fort qui lui a permis de relativiser très vite son handicap, Ronan Pallier le doit en partie à son enfance, passé proche de personnes en situation de handicap après qu’un membre de sa famille ait été touché par la maladie.
« Cette résilience est naturelle. J’ai une famille avec un papa qui a eu 7 cancers, une amputation… Tout petit, quand vous ne connaissez que les hôpitaux pour aller voir votre papa adoptif, ce n’est pas pareil qu’une enfance “classique”. Moi, je m’amusais avec mon papa et ma sœur, à celui qui allait pousser le fauteuil. C’était sympa », déclare-t-il avec un sourire à l’évocation de ce souvenir.
« On était déjà très proche des personnes en situation de handicap dès tout petit, de 7 à 10 ans. On a toujours été sensible à ce monde-là, on n’a jamais eu peur. Il ne faut pas avoir peur du handicap. »
LIRE AUSSI - Présentation des Championnats du monde de para athlétisme 2023 à Paris
Ronan Pallier : « Apprendre à danser sous la pluie »
Après son accident, Ronan Pallier n’a pas hésité longtemps. Il était hors de question qu’il arrête le sport et l’athlétisme, qui l’ont accompagné tout au long de sa vie.
« Je n’aurais jamais arrêté le sport. J’aime courir et sauter donc j’ai juste prolongé ma pratique en athlétisme. C’était naturel, je ne me suis pas posé de questions, c’est venu machinalement. »
Si la transition du sport valide à l’handisport a été une évidence pour Ronan Pallier, elle ne fût pas un long fleuve tranquille. Il faut réapprendre à courir, sauter et se faire confiance. Un processus long mais le Réunionnais avait une arme secrète…
« Au début, on revient à zéro. Je suis sauteur en longueur en non-voyant. Les premiers sauts, on les fait sur 6 foulées, puis on augmente jusqu’à 16 foulées au fur à mesure des mois. Il y a aussi le saut en lui-même, mais j’ai un plus avec ma technique par rapport aux plus jeunes. Je faisais déjà du sport donc c’est revenu très vite et ça redonne de la dopamine. Il ne faut pas se mettre de barrière, il faut la franchir. La vie, ce n’est pas attendre que l’orage passe, c’est apprendre à danser sous la pluie. Cette citation me suivra toujours. »
La longévité de Ronan Pallier frapperait n’importe qui. Être athlète paralympique à 52 ans force le respect. Un mental et un physique à un niveau hors norme, la recette pour durer est connue mais chez le Réunionnais, elle est l’illustration même d’un motto qui ne le quittera jamais.
« J’ai une hygiène de vie irréprochable et j’ai la génétique, je suis du sud de la planète, l’Île de la Réunion. Il y a aussi beaucoup d’entretien physique. Il faut éviter les excès, faire attention. Je suis rigoureux. J’ai aussi un mental qui tient bien, je ne me laisse jamais aller. Je vais tout faire pour passer si quelqu’un qui me bloque. »
Papy Jumper en route vers ses quatrièmes Jeux Paralympiques
Orné de son surnom Papy Jumper, le doyen de l’équipe de France s’avance vers ses quatrièmes Jeux Paralympiques à l’horizon de Paris 2024**. Avec déjà deux médailles de bronze, une aux Jeux de Beijing 2008**, l’autre à Tokyo 2020, Ronan Pallier vise une troisième médaille. Elle serait l’apothéose de sa carrière pour sa dernière compétition en équipe de France.
« Ça va être mes quatrièmes Jeux si je suis sélectionné. Je n’ai pas forcément beaucoup changé depuis mes premiers. Ma première médaille était collective et la dernière est individuelle. Il faut avoir la condition, s’entraîner, garder la forme, s’écouter et écouter son entraîneur. Si tout s’aligne, on peut faire quelque chose de favorable. »
C’est en utilisant toute son expérience que Ronan Pallier conclut par des conseils précieux pour la jeune génération prometteuse de l’équipe de France paralympique.
« Les Jeux, c’est différent. Surtout par rapport le public. Il y a beaucoup plus de spectateurs, la médiatisation est énorme. Il faut savoir la gérer. Aux Championnats du monde 2023 déjà, il y a une belle visibilité. Il faut pas trop s’exposer non plus, notamment sur les réseaux sociaux, ça peut être dangereux mentalement. »
Et un titre paralympique pour Papy Jumper ?
« Oui, la médaille d’or, ça serait pas mal. »
Le pragmatisme encore et toujours.