Athlétisme - Cyréna Samba-Mayela : Expatriée aux États-Unis, athlète ambitieuse... Découvrez la championne d'Europe du 100 m haies

Par Céline Penicaud
7 min|
Cyréna Samba Mayela
Photo de Mattia Ozbot

Elle a fait briller le drapeau français à Rome, et ne compte pas s'arrêter là.

Cyréna Samba-Mayela s'est imposée au 100 m haies ce samedi aux Championnats d'Europe d'athlétisme en 12 s 31, établissant dans le même temps un nouveau record de France et réalisant la meilleure performance mondiale de l'année. « Je suis tellement contente d'avoir pu faire tout ça. Voir que tout mon plan se réalise comme prévu, je suis tellement heureuse ! », s'est-elle exclamée tout sourire à l'issue de la course.

Une performance de bon augure à moins de 50 jours des Jeux Olympiques de Paris 2024, et qui confirme sa montée en puissance. « Ça faisait partie du plan vers les Jeux Olympiques parce que ça reste l'objectif que j'ai en tête principalement », a-t-elle ajouté au micro d'Olympics.com.

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Une arrivée tardive dans le milieu de l'athlétisme

Née le 31 octobre 2000 à Champigny-sur-Marne en Ile-de-France, Cyréna Samba-Mayela grandit entourée de ses six frères et sœurs. Dans sa jeunesse, elle s'essaye à plusieurs sports : d'abord le judo, le basket, puis le patinage artistique et la gymnastique.

Ce n'est qu'à ses 15 ans qu'elle se lance dans l'athlétisme. Ce sont ses parents, eux-mêmes anciens athlètes, qui la poussent à se lancer. Puis c'est sa première coach qui déterminera sa spécialisation. « C'est Albertine Koutouan (à l’AC Paris Joinville) qui m’a donné cet amour des haies », se souvient-elle dans une interview pour Ouest France. « Quand elle m’a fait tester, j’ai tout de suite aimé, car il y a ce goût du risque mélangé à la vitesse. »

Jeune athlète au grand potentiel, elle intensifie rapidement ses entraînements pour tenter d'atteindre le haut niveau. Mais elle garde toujours les pieds sur terre. En parallèle, elle réalise des études en école d’architecture intérieure. Et elle aime s'adonner au dessin, à la peinture, et jouer de la guitare et du piano pour se vider l'esprit et faire redescendre la pression.

La reine des haies aux nombreux records

Et le potentiel de la jeune Francilienne ne tarde pas à se révéler. Elle se fait d'abord repérer à l'aube de ses 16 ans, en 2016, à l'occasion des Championnats d'Europe d'athlétisme jeunesse de Tbilissi (Géorgie). Elle y obtient sa première médaille d'or, en relais medley. Mais elle réalise son premier coup d'éclat individuel un an plus tard, en 2017, quand elle devient vice-championne du monde cadettes sur 100 m haies à Nairobi au Kenya.

Des blessures musculaires au niveau des ischios l'écartent quelques mois des pistes, mais elle relève rapidement la tête. En 2019, le champion du monde du triple saut Teddy Tamgho la prend sous son aile, et elle poursuit ses entraînements à l'INSEP. Une association qui lui fait passer un cap, puisqu'elle passe pour la première fois sous la barre des 8 s sur 60 m haies lors des Championnats de France espoirs de 2020, et est sacrée dans la foulée championne de France sénior de cette même discipline en salle à Liévin.

À peine quelques mois plus tard, elle devient également championne de France du 100 m haies en plein air à Albi. Et la suite n'est que plus belle. Parmi ses autres performances remarquables, on peut citer son titre de championne du monde en salle de 60 m haies début 2022 à Belgrade, où elle bat le record de France avec un chrono établi à 7 s 78, qu'elle effacera à nouveau en mars 2024 lors des Championnats du monde de Glasgow, en 7 s 73. Elle détient donc désormais le record de France du 60 m et du 100 m haies.

Une athlète aux grandes ambitions

Pour atteindre les sommets, il faut souvent avoir de grandes ambitions. Et Cyréna Samba-Mayela n'en a jamais manqué. Elle l'exprimait clairement en 2022, dans une interview exclusive pour Olympics.com. « J'ai toujours été très ambitieuse. Je me suis vite dit, il y a ce record à battre, j'ai envie d'aller chercher ce titre… », expliquait alors celle qui aime la vitesse, le rythme et les risques des courses de haies.

« Quand ça marche, on se dit qu'on peut miser encore plus », poursuivait-elle alors. « J’avais les dents longues pour cet hiver, et elles sont encore plus longues pour cet été. »

Et la native de Champigny-sur-Marne n'a rien perdu de cette hargne. Le record de France ? Interrogée en conférence de presse en marge des Championnats d'Europe de Rome, elle s'est exprimée sur son record de France. « Je savais que ça allait arriver », a-t-elle affirmé. « C’était important dans le sens où je devais passer par là : je ne peux pas prétendre à une médaille olympique en restant à 12 sec 65, ça faisait partie du plan. »

Et elle l’assure, le chrono va encore descendre. « Mon coach est certain que ce n’est que le début. Et j’en suis convaincue aussi. »

Une désillusion à Tokyo

Mais la jeune carrière de Cyréna Samba-Mayela n'a pas toujours été rose. Alors qu'elle s’échauffe pour sa série du 100 m haies aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, en 2021, elle vit le pire cauchemar de tout sportif. Sa blessure à l'ischio-jambier gauche, contractée quelques années plus tôt, décide de réapparaitre au pire moment. Et les douleurs la contraignent d'abandonner avant même le départ des séries.

« Ça m'a fait mal de me blesser et de ne pas vivre l'expérience à 100 %, mais c'était quelque chose d'incroyable du début à la fin. Les JO m'ont donné envie de travailler encore plus et m'ont fait comprendre que je devais me renforcer physiquement », explique-t-elle dans son entretien pour Olympics.com.

Philosophe, l’athlète a décidé de ne garder que le positif de cette expérience olympique, et a profité de Tokyo 2020 pour démystifier les Jeux Olympiques dans l’optique de Paris 2024.

Une nouvelle vie aux États-Unis

Dans l'objectif de passer un nouveau palier, Cyréna Samba-Mayela a décidé de radicalement changer de vie. À l'automne 2023, elle se sépare de son entraîneur Teddy Tamgho pour vivre une nouvelle expérience aux États-Unis, plus précisément à Orlando en Floride. Elle rejoint alors le groupe de l'entraîneur irlandais John Coghlan.

Parmi ce groupe, elle trouve une coéquipière 5 étoiles, en la personne de Jasmine Camacho-Quinn, la Portoricaine et championne olympique en titre du 100 m haies. Et elle doit rapidement trouver ses repères et s'adapter.

« J'ai dû changer toute ma technique », explique-t-elle en conférence de presse. « Ma jambe d'attaque, ma jambe de retour, mon rythme, tout. Ça marche bien. J'ai battu tous mes records depuis et je sens que j'ai une plus grande marge. »

Et tous ces efforts n'ont pas tardé à porter leurs fruits. « Force est de constater que le travail réalisé est impressionnant », a applaudi Romain Barras, directeur de la haute performance de la FFA. « Techniquement, ce n'est plus la même, elle attaque de plus loin, il y a vraiment un changement impressionnant qui se voit directement. »

Un réel renouveau et une bouffée d'air frais pour l'athlète de 23 ans. « Je me suis complètement rafraîchie. C'est la première fois que je vis autre part. De base, j'aime respecter un plan assez rigide. Or, en allant voir une autre manière de faire, une autre culture, en voyageant, ça m'a demandé beaucoup d'adaptation et permis aussi de m'ouvrir un peu plus. Tout ça se retranscrit aussi dans ma façon de courir », a-t-elle précisé en conférence de presse.

Avec son titre de championne d'Europe acquis ce week-end à Rome, elle se positionne comme l'une des favorites à l'or olympique à Paris.