10 octobre 1964 : Tokyo accueille le monde au stade olympique

Sous un magnifique ciel bleu d'automne, la cérémonie d'ouverture des Jeux de la XVIIIe Olympiade était ponctuée de grands moments d'émotion, en particulier lorsque l'athlète japonais Yoshinori Sakai, né le 6 août 1945 et surnommé "le bébé d'Hiroshima", a embrasé la vasque olympique, symbolisant la paix et l'espoir. À son terme, les anneaux olympiques ont été dessinés dans le ciel par des avions de la patrouille japonaise. 

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10 octobre 1964 : Tokyo accueille le monde au stade olympique
(Getty Images)

En 1964, les Jeux Olympiques vont pour la première fois se disputer sur le continent asiatique, et revêtent une importance considérable pour le Japon, qui s'est relevé pour devenir un géant économique sur les ruines de la deuxième Guerre mondiale, achevée seulement 19 ans plus tôt. La reconstruction, la paix, l'entente entre les peuples sont des thèmes majeurs qui transparaissent dès le relais de la flamme.

Cette dernière est allumée le 21 août à Olympie, et s'envole vers le Japon deux jours plus tard. Son parcours la mène devant les foules enthousiastes d'Istanbul, Beyrouth, Téhéran, Lahore, New Delhi, Calcutta, Rangoun, Bangkok, Kuala Lumpur, Manille, Hong Kong, Chinese Taipei. Arrivée au Japon via l'île d'Okinawa le 7 septembre, la flamme va se séparer en quatre parcours différents à travers l'archipel, passant notamment le 20 à Hiroshima, accueillie par des dizaines de milliers de personnes devant le fameux dôme de Genbaku, seul bâtiment resté debout suite au bombardement atomique du 6 août 1945. Elle fait aussi un tour devant le majestueux Mont Fuji. Le 9 octobre, les quatre flammes sont réunies à l'occasion d'une cérémonie devant le Palais impérial de Tokyo, à 24 heures de la cérémonie d'ouverture.

Quatorze nouvelles délégations

Les délégations sportives arrivent tour à tour à Tokyo. La participation augmente de façon significative avec l'apparition de quatorze nouvelles nations, majoritairement africaines : Algérie, Cameroun, Sénégal, Tchad, Côte d'Ivoire, République du Congo, Rhodésie du Nord (future Zambie), Mali, Niger, Tanzanie (sous l'appellation "Tanganyika"), mais aussi Mongolie, Népal, République dominicaine. De son côté, comme en 1956 et 1960, l'Allemagne présente une équipe unifiée réunissant des athlètes de RFA et de RDA.

Le samedi 10 octobre, "avec un ciel d’automne sans nuages, sans la moindre trace de la pluie tombée les jours précédents, les préparatifs de la cérémonie d'ouverture s'achèvent à 13 h 30 et le prélude olympique commence à 13 h 50 : le drapeau olympique, et ceux des nations participantes sont hissés sur les hampes entourant le stade", lit-on dans le rapport officiel, qui poursuit : "Accompagné par de la musique électronique, Sa Majesté l'Empereur arrive au stade et s'installe dans la loge royale, restant un moment debout alors qu'est joué l'hymne national du Japon."

Avery Brundage : "Les Jeux appartiennent au monde entier"

À 14 heures précises, la première délégation fait son entrée sur la piste cendrée du stade olympique applaudie par les plus de 83 000 spectateurs, sous un beau soleil : il s'agit de la Grèce. Parmi les athlètes, qui, contrairement à notre époque, défilent sans appareil photo ou caméras en main, et pour la plupart habillés, hommes comme femmes, de costumes très classiques, on remarque notamment les délégations africaines en habits traditionnels, et les imposantes délégations d'Allemagne, des États-Unis et de l'URSS, ces deux dernières défilant par ordre alphabétique l'une derrière l'autre. La délégation japonaise, tout en rouge, ferme la marche sous les vivats. Ils sont environ 5 700 athlètes et officiels à se ranger de manière ordonnée au milieu de la pelouse.

Devant un podium blanc dressé en face de la tribune officielle, Daigoro Yasukawa, président du comité d'organisation des Jeux de Tokyo 1964 prononce son discours de bienvenue, soulignant notamment que le Comité International Olympique fête cette année les 70 ans de sa fondation. Puis c'est au tour du président du CIO, Avery Brundage, de dire : "Le Mouvement olympique, avec ses 118 Comités Nationaux Olympiques, a maintenant jeté un pont entre tous les océans, et les Jeux sont finalement là en Orient, prouvant qu'ils appartiennent au monde entier", avant de s'exprimer en japonais : "J'ai l'honneur de demander à Sa Majesté impériale, l'Empereur du Japon, de proclamer ouverts les Jeux de la XVIIIe Olympiade." L'Empereur Hirohito lance ainsi les Jeux de la XVIIIe Olympiade de l'ère moderne.

Yoshinori Sakai, né le 6 août 1945, est le dernier relayeur de la flamme

L'hymne olympique est joué par une fanfare tandis que le drapeau blanc aux cinq anneaux porté par huit membres des forces japonaises d'autodéfense maritime fait son entrée dans le stade. Il est hissé sur un mât placé dans le stade à 15,21 m de hauteur. Le maire de Rome, où se sont disputés les Jeux de 1960, arrive devant le podium blanc muni d'un drapeau olympique brodé et le remet au gouverneur de Tokyo. Des coups de canon retentissent et des milliers de ballons multicolores sont lâchés dans le stade. Apparaît alors le dernier relayeur de la flamme, Yoshinori Sakai, athlète japonais né le 6 août 1945. Les athlètes sur la pelouse s'écartent alors pour lui faire une haie d'honneur, alors qu'il se dirige vers une volée de 163 marches en haut desquelles se trouve la vasque olympique. Avec un grand sourire, il l'embrase à 15 h 03 et 3 secondes.

La star japonaise de la gymnastique artistique, Takashi Ono, déjà douze fois médaillé olympique dont quatre fois en or, à Helsinki 1952, Melbourne 1956 et Rome 1960, prononce le serment olympique au nom de tous les athlètes réunis en cercle autour de lui. En tout, 8 000 pigeons sont lâchés et s’envolent. L'inscription "Citius, Altius, Fortius" s'affiche sur le grand tableau électronique ultramoderne qui surplombe les gradins. Enfin, clou du spectacle, cinq avions de chasse des forces aériennes japonaises dessinent les anneaux olympiques dans le ciel d'automne, au-dessus du stade. Les délégations quittent l'arène par ses entrées nord et sud, et c'est parti pour deux semaines d'exploits sportifs.

Les athlètes, eux, reviennent dans le stade le 14 octobre, avec notamment les séries du 100 m hommes. Une épreuve dominée du premier tour à la finale par l'Américain Bob Hayes, qui battra une première fois le record du monde en 9 sec. 9 lors des demi-finales (non homologué en raison d'un vent favorable de 5,28 m/s) et une deuxième fois, en finale avec un chrono vainqueur de 10 sec. 0. Mais ça, c'est une autre histoire…