Savoir innover
Lorsque Shiva Keshavan se mit à pratiquer la luge, les sports d’hiver étaient pour ainsi dire inexistants en Inde. Même dans les montagnes de l’Himalaya où il a grandi, à 2 500 mètres d’altitude, il n’y avait pas de compétitions officielles. On pratiquait les sports d’hiver pour le plaisir uniquement. Shiva tomba amoureux de la luge avec son côté aventure et vitesse et il décida de se consacrer au sport malgré l’absence totale d’infrastructures.
“Lorsque j’ai commencé à m’entraîner sérieusement, nous n’avions ni infrastructures ni entraîneur ni équipement”, dit-il. “Il a fallu tout créer en faisant vraiment preuve d’un esprit d’innovation pour pouvoir atteindre mes objectifs. Il n’y avait pas d’infrastructures en Inde, or il s’agit de la base pour pouvoir pratiquer un sport. Nous nous sommes alors inspirés de films comme ‘Cool Runnings’ et avons légèrement modifié la luge de manière à pouvoir l’utiliser le long de la voie rapide. La route comportait bien entendu davantage d’obstacles qu’un tracé de luge, surtout en Inde avec tout le trafic et les nids-de-poule, mais ces défis font partie de mon parcours. Je crois que chaque problème rencontré m’a rendu plus fort et m’a fait grandir ”.
Je peux représenter un exemple pour la prochaine génération. Je crois qu’il est très important que les athlètes deviennent des chefs de file car les gens les admirent.
Son imagination a payé puisque Shiva Keshavan est devenu le plus jeune olympien de l’histoire à pratiquer la luge. Il a participé à six éditions des Jeux Olympiques et détient le titre de champion asiatique en titre dans cette discipline. Il fut non seulement le premier athlète indien de l’histoire à prendre part à une épreuve de luge mais lorsqu’il prit part à ses premiers Jeux Olympiques, à Nagano en 1998, il était le seul concurrent de tous les Jeux à porter les couleurs de l’Inde .
“Mon rêve est devenu réalité; j’ai ressenti une sensation d’extrême humilité lorsque je me suis retrouvé dans cet énorme stade parmi tous ces athlètes que je n’avais jamais vus autrement qu’à la télévision. Jamais dans mes rêves les plus fous je n’aurais pensé arriver à ce niveau de compétition et même une fois là je n’arrivais pas à mesurer entièrement la magie du moment. Mais dès que j’eus le drapeau de mon pays en mains, j’ai cessé de me sentir seul car le fait de représenter mes compatriotes m’a donné confiance”.
Retour auréolé de succès
Shiva Keshavan admet que son nouveau statut d’athlète d’élite s’est accompagné d’un devoir de représentation à l’étranger et de communication sur son histoire à succès dans son pays.
“Mon expérience olympique m’a aidé à grandir en tant qu’individu car je devais assumer cette responsabilité. À mon retour au pays, j’ai vu l’admiration dans les yeux des gens et j’ai remarqué qu’ils attendaient de moi que je fasse quelque chose. J’ai eu tellement plus de possibilités que la plupart des habitants de ma ville, de mon village ! Je peux représenter un exemple pour la prochaine génération. Je crois qu’il est très important que les athlètes deviennent des chefs de file car les gens les admirent”.
Cap sur la prochaine génération
Désormais retiré de la compétition, Shiva Keshavan propage son amour de la luge dans son pays natal dans l’espoir de développer les sports d’hiver partout en Inde, estimant que la visibilité est la première étape dans la voie de la promotion du programme olympique d’hiver de l’Inde.
“Je participe à plusieurs initiatives visant à développer les sports d’hiver et à promouvoir le Mouvement olympique en général. Je constate un vif enthousiasme pour les sports d’hiver de la part des jeunes enfants. Dans le cadre du programme national de détection des talents que je dirige, je me rends dans les villages et écoles avec ma luge à roulettes pour que les gens puissent s’essayer à ce sport, et cela déclenche un énorme enthousiasme. Comme j’ai pris ma retraite sportive, j’espère avoir davantage de temps pour mettre en place, entre autres objectifs, un programme de développement durable”.
Il pense que le sport ne se réduit pas simplement à gagner des médailles et que la participation des jeunes – qu’ils fassent ou non de la compétition - est un plus pour toute la communauté.
“L’Olympisme respecte l’autre”, explique-t-il. “Vous pouvez concourir, vous pouvez essayer de vous mesurer à quelqu’un d’autre, mais c’est le respect de l’autre qui vous fera grandir comme individu et pour moi, c’est ça le plus important. Je pense qu’il ne s’agit pas d’aller plus vite, plus haut, plus fort que les autres mais plutôt plus vite, plus haut et plus fort que soi-même. Voilà comment vous continuez de grandir ”.