Un nouveau départ : des athlètes réfugiés racontent leur parcours vers la naturalisation
La Journée mondiale des réfugiés est pour nous l'occasion de nous pencher sur l'histoire édifiante de trois athlètes qui, après avoir fait partie de l'équipe olympique des réfugiés formée par le CIO, ont désormais obtenu la nationalité de leur pays d'accueil. Trois parcours différents qui envoient néanmoins le même message d'espoir et d'humanité.
"Je représente maintenant la Grande-Bretagne et je me sens parfaitement intégré"
L'édition 2022 des Jeux du Commonwealth sera un moment poignant pour Cyrille Tchatchet II. En 2014, l'haltérophile avait participé pour le Cameroun aux Jeux du Commonwealth à Glasgow (Grande-Bretagne), terminant cinquième dans la catégorie des 85 kg. Après les Jeux, estimant qu'il ne serait pas en sécurité s'il retournait dans son pays, Cyrille Tchatchet décidait de demander l'asile à la Grande-Bretagne.
En août, huit ans après cette décision qui a changé sa vie à tout jamais, il participera à nouveau aux Jeux du Commonwealth dans la ville de Birmingham (Grande-Bretagne) où il vécut autrefois dans un foyer pour réfugiés. Cette fois cependant, il portera les couleurs de l'Angleterre, après avoir obtenu la citoyenneté britannique en début d'année. Ce fut un voyage extraordinaire, ponctué de hauts et de bas.
"En quittant le village des Jeux du Commonwealth, j'ai compris que je ne pouvais pas retourner dans mon pays", explique Cyrille Tchatchet. "Je me suis retrouvé dans la rue, j'ai été SDF et j'ai dû vivre avec l'angoisse de devoir attendre que ma demande d'asile soit acceptée. Je me suis réfugié à Brighton et, mon visa ayant expiré, j'ai été arrêté pour avoir enfreint les lois britanniques sur l'immigration."
En proie à l'incertitude, Cyrille Tchatchet était alors conduit dans un centre de renvoi pour immigrés à Douvres où, par un concours de circonstances, il se remit à pratiquer l'haltérophilie. "Même si j'étais très déprimé et que je n'avais pas le moral quand je suis arrivé, un agent du centre de détention a découvert que je faisais de l'haltérophilie et m'a encouragé à aller à la salle de sport", explique-t-il. "J'ai effectué deux ou trois séances d'entraînement là-bas avant d'être transféré dans un centre de détention à Londres, puis libéré."
Cyrille Tchatchet est retourné vivre à Birmingham où sa carrière d'haltérophile a progressé, tout comme sa demande d'asile. En 2015, il participait aux Championnats britanniques juniors, avant d'obtenir une bourse olympique pour athlètes réfugiés du CIO. Grâce à ce soutien et à des fonds supplémentaires, il a pu concourir en tant que membre de l'équipe olympique des réfugiés aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, où il a terminé 10e dans l'épreuve d'haltérophilie des 96 kg.
"Je représente désormais la Grande-Bretagne et je me sens parfaitement intégré. J'en suis extrêmement honoré", confie Cyrille Tchatchet, 26 ans, qui travaille comme infirmier psychiatrique lorsqu'il ne s'entraîne pas en haltérophilie. "À l'instar de tous les autres athlètes, les réfugiés rêvent eux aussi d'aller aux Jeux Olympiques. Je veux qu'ils sachent que c'est toujours possible – ils doivent continuer à s'entraîner, garder espoir et participer à un maximum de compétitions. S'ils font cela, leur avenir s'annonce radieux."
"Le badminton m'a aidé à m'intégrer"
Aram Mahmoud célèbre lui aussi un nouveau départ en 2022. Tout comme Cyrille Tchatchet, son coéquipier dans l'équipe olympique des réfugiés formée par le CIO pour Tokyo 2020, Aram Mahmoud a obtenu en début d'année sa naturalisation aux Pays-Bas.
Pour Aram Mahmoud, qui a fui la capitale syrienne, Damas, en 2015 en raison de la guerre, le badminton et le sport ont joué un rôle crucial pour son intégration dans son nouveau pays. Après son arrivée aux Pays-Bas, l'adolescent a déménagé à plusieurs reprises avant que le badminton ne l'aide à s'établir de façon permanente à Almere.
"Ce fut un voyage ponctué de hauts et de bas. En raison de la situation qui se dégradait en Syrie, je n'ai pas eu d'autre choix que celui de partir ; lorsque je suis arrivé aux Pays-Bas, le badminton m'a énormément aidé à m'intégrer et à apprendre la langue", explique le jeune homme aujourd'hui âgé de 24 ans, qui était une étoile montante du badminton en Syrie.
"Les choses ont changé lorsque l'on m'a aidé à trouver un club où j'ai pu jouer au badminton. Je m'y suis fait des amis. Le sport m'a été d'une grande aide sur le plan mental – j'ai pu oublier tout ce qui se passait dans le monde et en Syrie et me concentrer sur le badminton."
Ayant déjà concouru pour la Syrie, Aram Mahmoud a dû attendre trois ans avant de pouvoir réintégrer le circuit international du badminton. Il a néanmoins rattrapé rapidement son retard, grimpant en flèche dans le classement mondial alors qu'il occupait la 937e place en 2018. L'année suivante, il obtenait une bourse pour athlètes réfugiés du CIO. Deux ans plus tard, il rejoignait les rangs des olympiens.
"L'annonce par le président du CIO de ma participation et de ma sélection pour Tokyo a été l'un des plus beaux moments de ma vie, car mon rêve devenait réalité", confie Aram Mahmoud, qui est devenu le premier joueur de badminton membre de l'équipe olympique des réfugiés. "Je dois dire que [participer aux Jeux] a été une expérience incroyable, une expérience qui fera à jamais partie de moi [et] que personne ne pourra m'enlever."
"Le sport m'a donné une famille"
Yonas Kinde était l'un des dix athlètes qui composaient la toute première équipe olympique des réfugiés à Rio, où il a concouru dans l'épreuve du marathon masculin. Fin 2020, le coureur, originaire d'Éthiopie, devenait citoyen luxembourgeois, ce qui rendait ipso facto impossible sa sélection pour l'équipe olympique des réfugiés formée par le CIO pour Tokyo.
C'est dans son pays natal, l'Éthiopie, que Yonas Kinde s'est pris de passion pour la course. Adolescent, c'est en effet en courant qu'il allait à l'école pour économiser l'argent du bus. Encouragé par l'un de ses professeurs, il a commencé à faire de l'athlétisme et a rapidement excellé dans les épreuves de fond.
Mais sa vie a radicalement changé en 2012 lorsqu'il a fui l'Éthiopie. Arrivé en Europe en hiver, il a obtenu l'asile au Luxembourg l'année suivante – et, tout comme ce fut le cas pour Cyrille Tchatchet et Aram Mahmoud, le sport a joué un rôle de premier plan en l'aidant à se construire une nouvelle vile.
"La course m'a enseigné la résilience. La course m'a aidé à m'intégrer. Et la course m'a aidé à me trouver", explique Yonas Kinde, qui a ensuite remporté des épreuves en France et en Allemagne. "Le sport m'a donné une famille, pas seulement au Luxembourg, mais aussi dans le reste du monde."
Après avoir été le premier athlète de l'équipe olympique des réfugiés à participer au marathon aux Jeux de Rio 2016, Yonas Kinde est parvenu à concilier la pratique de son sport avec des études en logistique pharmaceutique au Luxembourg, tout en travaillant dans une pharmacie où il distribuait des vaccins contre la COVID-19.
Puis, en 2020, soit sept ans après avoir obtenu l'asile, Yonas Kinde a franchi une nouvelle étape en devenant citoyen luxembourgeois.
"C'est une chance exceptionnelle pour moi, que ce soit pour chercher un emploi ou m'intégrer davantage", explique-t-il. "Je peux aussi représenter le Luxembourg sur la scène sportive."
C'est une voie qu'ont suivie Cyrille Tchatchet et Aram Mahmoud, sans compter les autres membres de l'équipe olympique des réfugiés qui sont en passe d'être naturalisés dans d'autres pays. Yonas Kinde, à l'instar des autres athlètes réfugiés – que ce soit au Luxembourg, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou ailleurs dans le monde – reste extrêmement fier d'avoir fait partie de cette équipe historique, avec tout ce qu'elle représente.
L'équipe olympique des réfugiés formée par le CIO est un symbole d'espoir non seulement pour les athlètes réfugiés, mais aussi pour les réfugiés du monde entier.