Erin Kennedy : "le monde a besoin de plus d'empathie"

Grâce à sa participation au programme des jeunes leaders du CIO, l'Américaine Erin Kennedy a pu lancer, dans son pays, son projet "Girls Rugby", axé sur la pratique du rugby par les jeunes filles. Son initiative s'étend aujourd'hui à tous les États-Unis. Entretien avec une dirigeante dont les rêves pour un monde meilleur ne cessent de grandir.

Erin Kennedy : "le monde a besoin de plus d'empathie"
© IOC Young Leaders

Présentez-vous et dites-nous ce qui vous a amenée vers le sport... 

Je m'appelle Erin Kennedy. Je suis la directrice générale et la co-fondatrice de "Girls Rugby". J'ai grandi dans une petite ville en Pennsylvanie où le sport était quelque chose de très naturel pour les enfants. J'ai un frère plus âgé qui s'y était mis avant moi, il m'a donc semblé normal d'essayer moi aussi, et j'ai tout de suite aimé. J'ai pratiqué plein de sports différents avec l'aide de mes parents. J'ai dû commencer à 5 ou 6 ans et j'ai tout de suite aimé ça. C'est devenu une part importante de qui j'étais et de ce que je voulais faire.

Pourquoi le rugby ?

J’ai commencé tard par rapport à la plupart des autres joueurs et joueuses. J'ai essayé pour la première fois à l'âge de 24 ans. J'ai grandi en pratiquant bon nombre d'autres sport ; on ne pouvait pas jouer au rugby à l'époque dans ma ville ni dans les écoles où j'étudiais. J'ai commencé à travailler pour la Fédération américaine de rugby (USA Rugby) après mon diplôme universitaire. Il m'a alors semblé naturel d'y jouer. C'était tellement différent pour moi ! Il y a une culture et des valeurs qui ne sont pas les mêmes que dans les autres sports. Si vous cherchez à vous en éloigner, vous y revenez toujours. Les liens que vous nouez et le réseau que vous vous constituez font que vous faites réellement partie d'une famille et de quelque chose d'encore plus grand. Même j'y suis venue très tardivement, la passion a tout de suite été au rendez-vous. C'est quelque chose de vraiment très spécial dont vous ne pouvez pas vous détacher.

Parlez-nous des valeurs du programme Girls Rugby…

Notre programme propose un cursus fondé sur les valeurs et le leadership, ce qui veut dire que nous sommes très attentifs aux valeurs que nous inculquons. Nous voulons nous assurer que les filles nous quittent en ayant intégré ces valeurs et d'autres aptitudes qui leur seront utiles dans la vie, en complément de leurs capacités rugbystiques. Les entraîneurs qui dirigent ce programme ont un tableau hebdomadaire où figurent les valeurs sur lesquelles ils doivent se concentrer. Il y a une petite fille de huit ans qui nous a parlé de la façon dont elle se représentait le respect à l'école et à la maison. Elle a raconté aux autres filles du programme cette merveilleuse histoire où elle a pris la défense d'un élève à qui ses camarades manquaient de respect, tout simplement parce qu'elle avait appris ce que cela signifiait. C'est incroyablement puissant d'être si jeune et de mettre en pratique ce concept, de le transposer dans la vie de tous les jours uniquement parce que vous l'avez appris à travers le rugby. C'est exactement ce que nous voulons faire avec notre programme.

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Que vous a apporté le sport ?

Il m'a énormément appris. En tant qu'adulte, je suis incroyablement compétitive et motivée, je suis capable de travailler en équipe, de résoudre les problèmes et de faire face aux défis au fur et à mesure qu'ils se présentent. Le sport m'a donné des bases solides en termes de compétences et de valeurs qui me permettent de faire ce que j'accomplis en tant qu'adulte. Je sais qu'il existe des études qui démontrent que le sport peut vous apprendre énormément de choses, et je suis certaine que c'est ce que je vis. Je pense que la raison de ma réussite et ce que je suis en tant que personne proviennent clairement de ces bases que j'ai acquises à travers le sport.

Que représente pour vous le programme des jeunes leaders du CIO ? Qu'a-t-il fait pour vous ?

J'ai travaillé pour le CIO en 2015 et 2016, et j'ai en fait contribué à la première version du programme des jeunes leaders. Quand j'ai quitté le CIO et que je suis retournée aux États-Unis, je voulais monter un projet autour du rugby, pour les filles plus particulièrement, et le programme du CIO constituait une bonne plateforme pour m'investir, puisque j'ai pu mettre mon idée en pratique. J'ai pu créer ce que j'avais en tête. J'avais la plateforme et les ressources pour cela. Ce programme m'a été d'une aide précieuse. Je ne sais pas si je me serais lancée dans cette aventure sans lui.

Qu'avez-vous appris ?

Ce projet m'a beaucoup appris sur moi. Je pense que je doutais de ma capacité à faire de mon projet ce qu'il est aujourd'hui. J'ai appris que j'avais vraiment besoin de ce catalyseur pour me lancer et y arriver. À partir de là, j'ai pu transformer Girls Rugby en une organisation à but non lucratif aux États-Unis. Le programme m'a aidée à comprendre que je pouvais faire quelque chose de plus grand.

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Parlez-nous des activités des jeunes leaders et de ce qu'ils font

Je n'en fais plus partie aujourd'hui. Je suis trop vieille pour ce programme, j'ai 35 ans, et la limite est fixée à 30 ans. Cette année, j'ai aidé Panasonic à organiser un débat public avec les athlètes membres de l'Équipe Panasonic dans le cadre du salon CES. J'espère pouvoir m'investir davantage dans ce type d'évènements ou apporter mon concours au programme des jeunes leaders du CIO à l'avenir. 

Quelle est l'histoire de votre projet et quels sont ses objectifs ?

Mon projet s'intitule "Girls Rugby" et c'est une ONG américaine.  Notre mission est de donner aux filles les moyens de valoriser leur potentiel à travers le sport. Nous utilisons le flag rugby ("rugby foulard", une version sans contact) associé à l'enseignement de valeurs fondamentales et de compétences en leadership. Nous nous sommes fixé cette mission parce que les jeunes filles n'ont pas les mêmes chances que les garçons en sport. En rugby par exemple, elles commencent bien plus tard. Nous voulions créer un environnement où les filles se sentiraient vraiment à l'aise dans ce sport. Nous voulions être très attentifs à ce qu'elles apprenaient dans ces programmes. Nous avons lancé Girls Rugby pour créer cet environnement. Pour autant que je sache, nous sommes la seule organisation qui propose des programmes de flag rugby réservés aux filles de 7 à 14 ans aux États-Unis. Notre objectif est de donner plus d’occasions aux filles d’être actives et de nous assurer que, lorsqu'elles participent à nos programmes, elles acquièrent des compétences de vie positives qui les aideront à réussir sur le terrain et en dehors.

Quel est selon vous l'impact le plus important sur votre communauté ? Avez-vous des exemples ? De quoi êtes-vous le plus fière ?

L'impact le plus significatif de notre programme est que nous redéfinissons ce qu'est le rugby pour les filles. Avec tout ce que nous accomplissons, le programme, l'image de marque, nous développons notre sport d'une manière totalement inédite pour la communauté non rugbystique. À la place des idées fausses et des stéréotypes concernant la pratique du rugby par les filles, nous les montrons investies, et les jeunes voient d'autres filles qui leur ressemblent pratiquer ce sport. Nous normalisons ce qu'est le fait d'être une joueuse de rugby. Je suis ravie de ce résultat, parce que maintenant, quand les parents font des recherches sur le rugby pour leurs filles, ils voient des images et des vidéos de notre programme. Cela va contribuer à l'essor de ce sport et va permettre d'associer plus de filles à sa pratique, ce qui est précisément ce que nous recherchons. Je pense que cet impact que nous avons su créer en quelques années seulement est ce dont je suis le plus fière. Nous sommes impatients de continuer à nous développer.

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Que pensez-vous du soutien apporté par Panasonic au programme des jeunes leaders du CIO, et de quelle manière cette entreprise a-t-elle fait la différence ?

Je suis ravie du soutien apporté par Panasonic à ce programme. Les jeunes ont des idées sur la façon dont ils veulent changer le monde. Avoir un programme comme celui-ci montre à quel point l'avenir est important pour Panasonic et à quel point l'entreprise souhaite s'investir là-dedans. C'est formidable de voir ce groupe soutenir une entreprise de cette nature, un programme qui aide les jeunes à concrétiser leurs idées. C'est tout simplement fantastique. Nous allons en constater l'impact dans les années qui viennent.

Quels sont vos espoirs et vos rêves pour l'avenir ?

Je continue à voir notre programme "Girls Rugby" grandir. Je souhaite qu'encore plus de personnes y participent. Que ce soit en y emmenant leurs enfants, en rejoignant les rangs des bénévoles ou en faisant des dons. Plus nous pouvons varier les programmes, plus l'impact est important. Mon espoir est que Girls Rugby continue à se développer, dans toutes les communautés, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. J'aimerais que le programme devienne international. Je veux espérer qu'au moins une fille qui aura participé à notre programme aura vu sa vie changer grâce à ce qu'elle a pu apprendre. Tous ceux qui souhaitent apporter leur contribution à Girls Rugby peuvent se rendre sur notre site wwww.girlsrugbyinc.com

De quoi le monde de demain a-t-il besoin selon vous ?

Je pense que le monde a besoin de plus d'empathie. Les temps sont durs ; nous nous trouvons à un moment charnière de nos vies où nous vivons tous des expériences sans précédent, où nous essayons de comprendre qui nous sommes. Notre monde serait bien meilleur si nous faisions preuve de plus d'empathie envers nos voisins. Nous devons être plus ouverts à tout : aux expériences, aux gens, à nos différences, aux défis qui se présentent. Si les choses restent les mêmes, si rien ne change, nous ne grandissons pas.