Des arts martiaux aux arts visuels, le parcours atypique de l'artiste olympien Neil Eckersley
Nous sommes en 1980 et le judoka britannique Neil Adams vient de remporter une médaille d'argent aux Jeux Olympiques de Moscou. À quelque 3 000 km de là, à Salford-Manchester plus précisément, un jeune de 16 ans, dyslexique et hyperactif, qui a toujours eu des problèmes à l'école, suit cette victoire, complètement fasciné. "Ce fut un tournant dans ma vie", déclare Neil Eckersley, l'un des sept artistes olympiens en résidence du programme de l'Agora olympique de Beijing 2022.
"Je me souviens avoir dit à mon père que j'allais participer aux prochains Jeux Olympiques. Il m'a demandé ce que j'y ferai. Avec énormément de travail et de détermination, j'ai réussi. Quatre ans plus tard, j'ai participé aux Jeux de Los Angeles 1984 et j'ai remporté une médaille de bronze. J'ai ensuite également concouru aux Jeux de Séoul 1988, où j'ai eu l'honneur d'être le capitaine de l'équipe."
Neil Eckersley donne presque l'impression que c'est simple, mais de son propre aveu, il aurait pu prendre un chemin complètement différent. Un milieu plutôt modeste associé à un trouble de l'apprentissage ont fait qu'il était considéré comme un "enfant des rues" ou un "mauvais garçon" à l'école. C'est dans l'art, et évidemment dans le sport, qu'il a trouvé refuge.
"C'étaient les deux seules choses qui m'intéressaient à l'école", confie Neil Eckersley, qui est aujourd'hui installé à Lancaster, au Royaume-Uni. "Les seuls commentaires positifs que j'ai reçus venaient des professeurs de ces deux matières."
L'initiation au judo s'est faite presque par accident, lorsqu'au cours d'un été particulièrement ennuyeux, sa voisine a inscrit son fils et Neil Eckersley à un cours d'essai au club de judo local – juste pour leur éviter des problèmes. Ça a plutôt fonctionné et Neil Eckersley n'a jamais regardé en arrière. En fait, il est devenu en un rien de temps le champion national des moins de 16 ans.
Pendant l'essentiel des quatre années qui ont suivi, Neil Eckersley se consacre entièrement à son sport et à son entraînement. Il se rendait au centre d'entraînement en une heure et quarante minutes à vélo, s'entraînait toute la journée et rentrait ensuite chez lui. Face à ce dévouement, l'entraîneur l'a invité à vivre chez lui et à s'entraîner avec lui à plein temps.
C'est à cette époque que le célèbre entraîneur et véritable légende du judo britannique Tony MacConnell se rend à Manchester et repère le jeune et fougueux Neil Eckersley. Ayant déjà entraîné et mené Neil Adams jusqu'au sommet en 1980, Tony MacConnell cherche à prendre une nouvelle équipe sous son aile et Neil Eckersley cadre parfaitement avec son projet. L'équipe commence à s'entraîner dans une ancienne salle paroissiale, qui est aujourd'hui le Kendal Dojo, classé parmi les meilleurs du Royaume-Uni, voire d'Europe.
"À partir de là, ce furent les Championnats nationaux juniors, puis les Championnats du monde juniors, suivis des Championnats d'Europe juniors et, enfin, la réalisation du rêve olympique", se souvient Neil Eckersley.
"Et là, c'était une toute autre histoire !" dit-il en riant. "Il y avait comme une ambiance de fête. Nous avions des glaces gratuites, des distributeurs de sodas gratuits – nous n'arrivions pas à y croire. Nous étions comme des enfants dans un magasin de bonbons."
Malgré cette ambiance de fête, Neil Eckersley a remporté une médaille de bronze dans la catégorie super-légers (- 60 kg) et cela a changé sa vie, non seulement en termes de succès et de notoriété, mais aussi dans son approche de la vie.
"J'explique aux personnes que je rencontre que les Jeux sont plus qu'une compétition sportive. Ils sont un rassemblement de l'ensemble de l'humanité afin de célébrer la participation et la réussite. Même si je ne m'intéresse pas particulièrement à la religion, les Jeux relèvent un peu du divin pour moi."
L'art l'a également orienté vers une voie plus spirituelle, notamment après le décès tragique de son frère.
"Même avant cela, l'art me passionnait déjà", admet Neil Eckersley. "Pendant les Jeux Olympiques, je prenais le temps de visiter des galeries d'art et je ne trouvais jamais personne pour m'accompagner parmi mes camarades judokas – tout ce qu'ils voulaient faire pendant les jours de repos, c'était dormir !"
"Mais c'est après le décès de mon frère que je me suis mis sérieusement à la peinture. J'ai découvert que c'était un moyen de libérer le trop plein d'émotions que j'avais à ce moment-là. Aujourd'hui encore, il y a des jours où je dois simplement peindre, c'est une façon de canaliser mes émotions."
"Pour moi, l'approche du sport et de l'art est exactement la même. En tant que judoka, j'avais la réputation d'être extraverti, d'avoir l'esprit ouvert et d'être créatif. Mais j'étais aussi discipliné, professionnel et fermement déterminé à devenir la meilleure version de moi-même. J'ai adopté les mêmes principes et le même état d'esprit dans ma carrière d'artiste international."
Après s'être retiré de la compétition il y a quelques années, Neil Eckersley se consacre à la peinture, au coaching et au travail avec les jeunes. Son attitude positive à l'égard de la vie et sa conviction dans le pouvoir du mental l'ont amené à co-fonder MIND-SET, un programme d'initiation à la pleine conscience qui change la vie des jeunes athlètes.
"Je crée facilement du lien avec les jeunes en difficulté", confie-t-il. "J'aime les faire participer, les faire revenir sur les bancs de l'école. Je suis toujours guidé par les valeurs et les principes olympiques, et je les utilise dans la vie de tous les jours. J'estime qu'il est de mon devoir d'être un exemple à suivre pour les autres."
Ce sont ces mêmes valeurs olympiques et la magie des sports d'hiver qui ont inspiré la trilogie d'œuvres d'art créées par Neil Eckersley pour l'Agora olympique de Beijing 2022. Il est l'un des sept artistes olympiens sélectionnés pour le programme. L'œuvre intitulée "Frozen in Time" représente l'espace mental souvent décrit par les athlètes et les entraîneurs comme "la zone" – le moment où un athlète est totalement concentré sur la réalisation de sa performance ultime, sans aucune perception de la réalité qui l'entoure. "City of Ice" représente l'ensemble de l'équipe et de la communauté qui soutient un olympien tout au long de son parcours, et "Beijing Calling" célèbre l'invitation faite à la jeunesse du monde de se rassembler pour participer à la manifestation olympique dans un esprit d'excellence, d'amitié et de respect.
"Je suis très honoré de faire partie de ce projet extraordinaire", déclare-t-il à propos du programme des artistes olympiens en résidence. "J'ai l'impression d'avoir une nouvelle occasion de représenter mon sport, mon pays et les autres olympiens sur la scène olympique."
Lancé lors des Jeux de PyeongChang 2018 par la Fondation Olympique pour la Culture et le Patrimoine, le programme des artistes olympiens en résidence célèbre le lien entre le sport et la culture, en offrant aux athlètes possédant des talents artistiques la possibilité de produire et de présenter de nouvelles œuvres durant et entre chaque édition des Jeux Olympiques.
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Le programme des artistes olympiens en résidence célèbre le lien entre sport et culture, en offrant aux athlètes possédant des talents artistiques les possibilités de produire et de présenter de nouvelles oeuvres durant et entre les éditions des Jeux Olympiques.