Ans Botha : à l'écoute des athlètes et de leur corps depuis plus de 50 ans
La célèbre entraîneure Ans Botha a laissé une marque indélébile sur l'athlétisme sud-africain au cours d'une carrière qui s'étend sur plus de cinq décennies. Le site web olympics.com s'est entretenu avec elle au sujet de sa philosophie d'entraînement et du manque de mentors féminins.
Ans Botha est toujours en pleine forme. À plus de 80 ans, cette entraîneure d'athlétisme emblématique continue de prêcher la bonne parole de ce sport et d'influencer la vie des jeunes athlètes. L'impact d'Ans Botha sur le sport en Afrique du Sud et en dehors est considérable. Son rôle de doyenne de l'encadrement sur le continent ne fait aucun doute, alors qu'elle entame sa 55e année en tant que mentor en athlétisme.
La célèbre entraîneure est surtout connue pour avoir contribué au succès du recordman du monde et champion olympique sud-africain Wayde van Niekerk. Mais elle a également servi de figure maternelle à d'autres athlètes qu'elle a façonnés au fil des ans. Et si Ans Botha a été une actrice du changement au cours de ses décennies au service du sport et de ses athlètes, elle déplore aujourd'hui le manque de femmes entraîneures et d'athlètes féminines présentes dans le sport.
Ainsi qu'Ans Botha l'a déclaré : "J'ai parcouru un long chemin avec l'athlétisme et j'ai vécu l'intensité de ce sport tous les jours de ma vie. Ce que j'ai compris au fil du temps, c'est que les athlètes féminines sont de moins en moins nombreuses. Je ne sais pas pourquoi, mais cela a également une incidence sur le nombre de femmes entraîneures."
Ans Botha : mettre au défi les femmes entraîneures
Ans Botha espère que son dévouement et ses succès d'années en années seront une source d'inspiration pour les jeunes filles et les femmes afin que ces dernières se lancent dans l'encadrement et jouent le rôle de modèles pour d'autres. Elle a souligné que c'était également aux femmes elles-mêmes de rehausser l'image du métier d'entraîneure et du sport féminin.
"Il est essentiel que les femmes s'approprient l'encadrement et la représentation des femmes", a-t-elle confié. "Une femme a ce don ou cette intuition, ce sixième sens, pour identifier ou remarquer les changements et les problèmes. Et de cette façon, nos athlètes sont mieux pris en charge physiquement et psychologiquement."
L'arrière-grand-mère – laquelle a récemment subi une arthroplastie du genou – a commencé à entraîner ses propres enfants en 1968 en Namibie après ce qu'elle a perçu comme un manque d'intérêt de la part des enseignants. Deux ans plus tard, elle passait son premier examen d'entraîneure, ce qui a alimenté encore davantage sa passion pour ce sport et éveillé son intérêt.
Cette passion la conduira finalement à Bloemfontein, dans la région centrale de l'Afrique du Sud, en 1990, où elle est nommée entraîneure en chef d'athlétisme à l'Université de l'État libre. C'est là que Ans Botha a profondément marqué le corps et l'esprit des jeunes athlètes pendant plus de trois décennies. C'est également là qu'un Wayde Van Niekerk adolescent croise son chemin pour la première fois en 2012, ce qui a finalement donné lieu à l'une des relations athlète-entraîneure les plus réussies de l'histoire de l'athlétisme sud-africain.
Malgré quelques revers personnels et professionnels en cours de route, Ans Botha n'a pas l'intention de ralentir son travail auprès des jeunes qui la maintiennent en forme. L'athlétisme s'est également avéré être le salut d'Ans Botha après la mort de son fils et de son mari à sept ans d'intervalle.
"Il y a quelques mois, j'ai eu 81 ans, et mon amour et ma passion pour l'athlétisme, la joie et le plaisir que je retire de l'encadrement chaque jour, ne font que se renforcer", a précisé Ans Botha. "D'autre part, c'est seulement par la grâce de Dieu et sa protection que je suis encore en bonne santé. Il y a environ deux mois, j'ai subi une arthroplastie du genou, mais je suis de retour au travail, je monte et descends des marches sans problème. J'ai encore toute ma tête pour élaborer les programmes, mais je suis probablement née avec (le talent d'entraîneure). J'aime le sport depuis ma plus tendre enfance, mais l'athlétisme a toujours eu ma préférence."
Ans Botha : lire le corps des athlètes
Tannie (Tatie) Ans, comme on l'appelle affectueusement, admet qu'elle n'utilise pas d'ordinateur pour élaborer les programmes de ses athlètes, mais qu'elle se laisse plutôt guider par ce que leurs corps lui disent. Le mantra d'Ans Botha pour l'entraînement consiste donc à "être à l'écoute" du corps de ses athlètes.
"J'élabore mes programmes en fonction de leurs besoins et de leur niveau de forme physique. C'est pourquoi il est tout particulièrement important pour moi de travailler avec les athlètes tous les jours", a-t-elle déclaré. "Je lis et j'essaie de connaître le mieux possible le corps de mes athlètes, puis j'élabore mes programmes en fonction de cela. C'est un processus qui prend du temps. Cela peut prendre deux, trois, parfois quatre ans pour faire passer un athlète à travers tout le processus avant qu'il ne soit assez fort pour faire de bonnes performances et commencer à réaliser de bons temps."
C'est cette même philosophie d'entraînement que l'on décèle dans les performances étonnantes de Wayde Van Niekerk sur la piste entre 2014 et 2017, années durant lesquelles le Sud-Africain a repoussé les limites du sprint sur un tour. Âgé de 18 ans à l'époque, Wayde Van Niekerk a commencé sa carrière senior en tant que sprinteur prometteur en remportant le titre sud-africain senior du 200 m à Durban. Des blessures persistantes ont presque fait avorter sa carrière naissante avant l'intervention d'Ans Botha en tant qu'entraîneure.
Ans Botha a su être "à l'écoute" du corps de son poulain et l'a fait passer au 400 m, épreuve qui induit une charge lactique, car elle était convaincue que l'explosivité du 100 m et du 200 m ne faisait qu'aggraver ses blessures. Le changement a fonctionné à merveille, et Wayde Van Niekerk a battu tous les records pendant trois ans.
Durant cette période, Wayde Van Niekerk a remporté deux titres mondiaux consécutifs sur un tour (2015 et 2017), l'argent au niveau mondial sur 200 m (2017). Il a par ailleurs décroché le titre olympique sur 400 m aux Jeux de Rio 2016 en battant le record du monde en 43,03 secondes. Avec son incroyable éventail de performances sur les distances de sprint, le Sud-Africain est devenu le premier athlète à avoir réalisé des performances inférieures à 10, 20, 31 et 44 sur les 100 m, 200 m, 300 m et 400 m, respectivement.
Ans Botha : entraîneure de génie
Considérée comme la principale artisane d'une grande partie du succès de Wayde Van Niekerk, Ans Botha a vécu une expérience unique, devenant la première et la seule femme entraîneure en Afrique du Sud à former un champion du monde en athlétisme. World Athletics a rendu hommage à Ans Botha lors de ses Prix d'athlétisme 2017, en lui décernant le Prix d'excellence en matière d'entraînement.
Le partenariat fructueux entre Ans Botha et Wayde Van Niekerk a pris fin début 2021 lorsque l'athlète a annoncé qu'il rejoignait l'entraîneur Lance Brauman aux États-Unis.
"J'ai passé l'essentiel de ma carrière sous la direction de "Tannie" Ans Botha à Bloemfontein, mon port d'attache, et je ne peux exprimer toute la gratitude que j'ai pour tout ce qu'elle a fait afin de m'aider à arriver à ce stade de ma carrière", a écrit Wayde Van Niekerk dans un communiqué. La perte de son athlète vedette n'a toutefois pas étouffé sa passion ni sa détermination à faire une différence dans la vie des jeunes athlètes.
Ans Botha : l'humain d'abord
Ans Botha a adopté une approche axée sur la personne, elle s'efforce de former des personnes équilibrées en dehors de la piste. "Nous devons toujours nous rappeler que nous ne travaillons pas avec des robots. Nous travaillons avec des personnes. Vous devez donner la priorité à l'élément humain", a rappelé Ans Botha. "Nous travaillons avec des personnes au corps fragile, à l'âme qui peut être blessée ou se sentir insultée, et vous devez toujours garder cela en tête. Nous travaillons avec des personnes, et non avec des machines."
Ans Botha a déclaré qu'elle s'efforçait non seulement de connaître ses athlètes sur la piste, mais aussi de comprendre ce qu'ils sont en dehors du sport, que ce soit dans leur vie personnelle ou dans leurs études.
"J'essaie vraiment d'être là pour mes athlètes en toutes circonstances, et bien souvent aujourd'hui, il arrive qu'un enfant ne puisse pas s'entraîner, alors vous allez le voir et vous lui demandez pourquoi. Et là, il vous répond : "Tannie, je n'ai pas mangé depuis deux jours parce que je n'ai pas d'argent pour acheter de la nourriture."
Et de conclure : "Le Seigneur vous guide pour entraîner les enfants et leur enseigner des leçons de vie. Le jour où ils obtiennent leur diplôme, ils partent en tant que personnes équilibrées, respectueuses et bien élevées."
Ans Botha : responsabiliser les femmes entraîneures
Ans Botha n'est pas seule dans cette vaste entreprise. Le Comité International Olympique (CIO) a lancé le programme WISH (Women in Sport High Performance Pathway) pour remédier à la faible représentation des femmes dans le domaine de l'encadrement sportif. Le programme WISH est soutenu par la Solidarité Olympique, laquelle investit un million de dollars américains, et est conçu pour former une centaine de femmes afin qu'elles puissent devenir entraîneures au niveau du sport d'élite. Ce programme entend en effet développer davantage les compétences spécifiques au sport, les compétences de leadership et les ambitions de carrière des femmes entraîneures de haut niveau. Ans Botha a déclaré que le programme était un pas dans la bonne direction, tout en appelant à ce que davantage de femmes entraîneures soient soutenues financièrement et responsabilisées par des initiatives similaires.
"Un programme comme celui-ci serait fantastique car il ne fera que motiver davantage nos femmes à continuer et à aller plus loin dans le secteur de l'encadrement sportif. Ces dernières auraient les occasions et le soutien nécessaires à tous les niveaux", a confié Ans Botha. "Si tel est le cas, c'est une merveilleuse initiative. Toute femme entraîneure ne peut que tirer parti d'initiatives comme celle-ci."
Ans Botha a conseillé aux aspirantes entraîneures de rester curieuses, de saisir chaque occasion d'apprendre et d'acquérir une expérience concrète. "Tout ce que je peux dire aux jeunes filles ou aux femmes qui souhaitent devenir entraîneures, c'est d'aller jusqu'au bout ! Passez vos examens, allez à chaque stage et saisissez toutes les occasions d'en apprendre davantage et d'être mieux informée sur les progrès de l'entraînement, les méthodes, les techniques et ce genre de choses", a-t-elle ajouté.
"Engrangez toutes ces connaissances ! Il est, bien entendu, extrêmement important d'acquérir une expérience pratique sur ou à côté de la piste. Parce que le succès que vous obtenez est le vôtre, c'est quelque chose que vous avez essayé, testé et qui a fonctionné pour vos athlètes. De cette façon, vous enrichissez vos connaissances et les appliquez au quotidien à votre encadrement et à votre travail pratique sur la piste."
Ans Botha a déclaré qu'il était tout aussi important de tirer parti des compétences et de l'expérience des autres entraîneurs. "Si un entraîneur refuse de répondre à vos questions, au moins vous aurez essayé et demandé. Demain, vous irez voir quelqu'un d'autre, vous poserez les mêmes questions et vous obtiendrez la réponse", a-t-elle indiqué. "Vous pouvez vous débattre avec une question ou un problème, et lorsque vous allez à l'étranger, vous vous faites des amis ou vous rencontrez un entraîneur étranger lors de réunions internationales, qui a peut-être plus d'expérience. Demandez ! Et de cette façon, vous compléterez vos connaissances et votre application pratique de l'encadrement."